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Roland Montagne, consultant, responsable du pôle accès haut débit à l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate)

L’Idate est l’un des premiers centres de recherche européens spécialisés télécoms. Il suit, notamment, les évolutions de la population internaute.

1- Quelle est la pénétration du haut débit en France ? Nous estimons que fin 2000, 70 000 internautes français étaient abonnés à une offre haut débit de type DSL, et 90 000 au câble. À l’horizon 2003, on devrait compter 5 millions d’abonnés à des offres DSL, et 2-3 millions d’utilisateurs câblés. Mais tout dépend du déploiement effectif de ces technologies. Nos projections DSL reposent en partie sur les chiffres avancés par France Telecom, qui prévoit de couvrir 65% de la population à la fin de l’année. L’autre élément essentiel, c’est le processus de dégroupage, entamé au 1er janvier. Mais sa phase active ne devrait débuter qu’au second trimestre de cette année. Les pays les plus en pointe sur le haut débit sont les États-Unis avec, fin 2000, 2 millions d’abonnés DSL et 4 millions au câble. En 2003, on devrait compter 12 millions d’internautes américains connectés au câble et 14 millions en DSL. Sur le Vieux Continent, l’Allemagne se distingue nettement avec déjà 700 000 internautes haut débit via DSL en février 2001. Un chiffre largement explicable par la conversion de nom-breux abonnés allemands en RNIS à l’ADSL. Plus généralement, on peut dire que si l’on est en retard sur l’accès commuté on ne peut pas être en avance sur le haut débit. D’où un certain retard français.2- Un prix trop élevé des offres haut débit n’est-il pas la cause de ce retard ? Aujourd’hui, une offre haut débit pour les particuliers avoisine 46 euros par mois. Or, il est clair que l’optimum, pour attirer le grand public, tourne autour de 23 euros. Mais on ne peut pas forcer les fournisseurs d’accès à vendre à perte pour faire décoller le haut débit. Vu les conditions réglementaires et techniques, la plupart bâtissent, pour l’instant, des modèles d’affaires à court terme. L’étude du marché américain est révélatrice. De nombreux opérateurs DSL (North Point, qui a déposé son bilan, ou encore Covad) ont connu des problèmes de solvabilité très importants. De la même façon, en France, les investissements à mettre en ?”uvre sont énormes. France Telecom annonce environ 300 millions d’euros pour le déploiement de l’ADSL jusqu’en 2002. Sur les réseaux câblés, il est difficile de chiffrer les investissements. Mais les structures destinées à la diffusion télé étant unidirectionnelles, les opérateurs ont dû les rééquiper de fonds en comble pour pouvoir déli-vrer des accès à internet.3- Si le développement du haut débit en France est un facteur de croissance économique, ne doit-on rien attendre de l’État ? Je pense que l’action des pouvoirs publics doit s’orienter dans deux sens. Le Gouvernement doit guider l’action de France Telecom, afin que l’opérateur ne bloque pas l’arrivée de nouvelles solutions, qui doivent prendre le relais de technologies dépassées. De l’autre côté, l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), doit pousser pour que le dégroupage se mette en place dans des conditions qui favoriseront l’émergence d’un business pour les fournisseurs d’accès. Par exemple, l’arrivée d’un flat-rate [un accès facturé au forfait, et pas à la durée, ndlr] en accès commuté sera une très bonne chose. Ainsi, les internautes découvriront ce qu’internet peut vraiment leur apporter. Et une fois que l’évangélisation de laccès permanent aura été faite auprès des utilisateurs, ils basculeront rapidement sur le haut débit, plus confortable pour profiter des contenus enrichis qui se multiplient sur le web. C’est, en quelque sorte, une première étape. Dans le meilleur des cas, nous prévoyons qu’il faudra attendre fin 2004 ou début 2005 pour que le nombre d’abonnés haut débit dépasse le nombre d’abonnés commutés.

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Alain Steinmann