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Quel avenir pour la régulation dans les télécommunications ?

Le grand mouvement de privatisation, libéralisation et dérégulation des services publics rencontre quelques difficultés illustrées par certains problèmes dans le rail en Angleterre, l’électricité en Californie…

Le grand mouvement de privatisation, libéralisation et dérégulation des services publics rencontre quelques difficultés illustrées par certains problèmes dans le rail en Angleterre, l’électricité en Californie et les télécommunications en Nouvelle-Zélande. Ces péripéties nous montrent la complexité de la tâche à accomplir pour continuer à réguler les segments des industries qui restent des monopoles naturels, pour faire vivre la concurrence dans les segments dits concurrentiels, et pour établir des règles et des tarifications des accès aux segments qui demeurent des monopoles naturels.La Nouvelle-Zélande a été à l’avant-garde de ce mouvement et il est instructif d’y examiner les évolutions récentes dans le domaine des télécommunications. La concurrence y a été introduite en 1989 et l’opérateur en place, Telecom, fut privatisé l’année suivante. La Nouvelle-Zélande a alors surpris le monde des télécommunications en supprimant l’autorité régulatrice et en se reposant, pour rendre la concurrence effective, sur le Commerce Act de 1986, et en particulier sur sa Section 36, “ Utilisation de la position dominante dans un marché “, et sur sa Section 27, “ Contrats, accords implicites ou explicites diminuant la concurrence “, c’est-à-dire en se reposant sur la politique de la concurrence.Il faut noter qu’en 1998 sont apparus dans les revues spécialisées des articles de chercheurs économistes montrant comment les accords d’interconnexion entre concurrents verticalement intégrés risquaient d’être des instruments de collusion pénalisant les consommateurs par des prix finaux élevés et bloquant l’arrivée de nouveaux entrants.

Des contentieux multiples

De fait, les accords d’interconnexion sont vite devenus un problème central. Le choix des charges d’accès étant laissé à la négociation entre opérateurs, avec un possible recours en justice sur la base du Commerce Act. Clear, qui est entré dans la longue distance en 1991, a d’abord négocié des tarifs d’accès au réseau local. Peu après, il a cherché à offrir le téléphone local aux entreprises. Il a demandé un nouveau type d’interconnexion, que Telecom a refusé. Clear a alors porté le cas devant la justice. Après une série de décisions contradictoires, la Cour suprême de Nouvelle- Zélande a décidé que la tarification utilisée (la fameuse ECPR, ” efficient component pricing rule “, qui fixe l’accès au coût d’opportunité par le fournisseur d’accès) n’est pas en conflit avec la Section 36 du Commerce Act. Depuis, de nombreuses disputes ont eu lieu, en particulier entre Bell South et New Zealand Telecom, avec d’interminables délais judiciaires. Aujourd’hui, la Nouvelle-Zélande fait marche arrière dans son Ministerial Inquiry into Telecommunications.”L’enquête considère que le système existant, qui repose sur les cours de justice, l’arbitrage et l’autorégulation de l’industrie pour résoudre les contentieux relatifs aux conditions d’interconnexion, à l’allocation des numéros, à la portabilité et à l’accès à l’information tarifaire a résulté ?” et va vraisemblablement encore résulter ?” en des délais significatifs…Le système judiciaire et l’arbitrage n’ont pas fourni de guides cohérents et clairs sur les questions d’accès. Il est d’ailleurs peu probable qu’ils puissent le faire pour les nouveaux problèmes qui vont se poser (roaming, haut débit, etc.). Le régime régulatoire actuel n’est pas bien adapté aux objectifs du gouvernement concernant le secteur des communications électroniques. Un changement de régime est nécessaire. L’enquête considère que, en accord avec les vues partagées dans la plupart des pays, une régulation spécifique à l’industrie est nécessaire“. L’hypothèse d’un secteur des télécommunications dépourvu de régulation est donc balayée. Plus que jamais, il faut réfléchir et innover pour concevoir des régulations du secteur qui soient légères et laissent s’épanouir les forces de la concurrence.
*professeur à l’université des sciences sociales de Toulouse, au sein de laquelle il dirige l’Institut déconomie industrielle.

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Jean-Jacques Laffont*