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Quand les développeurs préfèrent la programmation sans méthode

Malgré la présence de méthodes et de concepts dans les formations informatiques, les enseignants se retrouvent de plus en plus face à des étudiants adeptes du développement par intégration de composants.

Depuis quelques années, la perplexité grandit chez les formateurs confrontés à une nouvelle génération de programmeurs. Les échanges en ligne, les forums et les codes sources libres ont permis à une démarche de développement par intégration de composants de s’épanouir. Et cela aux dépens d’une démarche plus analytique. Une programmation “où je ne suis plus totalement maître de ce que je fais”, souligne Jacques Printz, enseignant au Cnam. Si les programmeurs identifient les bouts de codes dont ils ont besoin, ils laissent aussi tout ce qui les accompagne, ne sachant même pas si le programme peut tourner sans. “J’ai vu du code qui aurait pu être compressé à 80 %”, affirme ainsi Patrick Rakotomalala, directeur général de l’Institut de formation et d’information permanente et ancien directeur de SSII.

Il existe peu de reflexion sur les méthodes

Pour Jacques Printz, cette évolution pose deux difficultés majeures : “La première est d’ordre socio-éducatif, puisque la moitié des gens qui se disent développeurs n’ont pas de formation informatique. Se pose aussi un problème technique, puisque, ces dix dernières années, l’offre de codes est devenue considérable, mais sans documentation. On n’explique pas comment rattraper une erreur.” Ces procédés sont très répandus dans le développement web, où il existe encore peu de réflexion sur les méthodes. Et où, pour caricaturer, l’approche conceptuelle pourrait se résumer à : “je veux un Yahoolike”.Les compétences de ces développeurs ne sont pas en cause, bien au contraire : “Ce sont des gens capables de faire des GIF animés, du Flash, des choses très spectaculaires”, précise Patrick Rakotomalala. Et là est justement le danger : “On se laisse séduire par des résultats immédiats, mais les incidents arrivent quand les développeurs se plantent. Ils s’enferment alors dans une logique du “je vais trouver”. Ils sont capables de présenter une interface quand même.”Quitte à, finalement, ne rien pouvoir livrer à la date butoir. Car l’enjeu est là : ces ingénieurs seront peut-être moins à l’aise pour concevoir un système nouveau s’ils passent leur temps à s’en remettre à des “solutions prémâchées”, selon Valéry Frémeaux, enseignant chercheur à l’Eisti (Ecole internationale des sciences du traitement de l’information). Ce réflexe de développement semble néanmoins correspondre au marché, si l’on en croit Jacques Printz. Pour ce dernier, l’industrie du développement d’applications est en train de devenir une industrie d’assemblage. “Même si on fait de l’assemblage, il est nécessaire d’élaborer un plan de conception, général ou détaillé. En intégrant sans plan, il serait étonnant qu’il n’y ait pas de problème.” Si ces pratiques restent très productives, elles s’accompagnent souvent d’un manque de maturité technologique, d’une instabilité du code source, voire d’une absence de culture d’entreprise. “Ce sont des gens extrêmement productifs, mais productifs tout seuls”, résume Patrick Rakotomalala.

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Arnaud Devillard