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Projet Ara : 12 questions pour tout savoir sur le smartphone modulaire de Google

Google a organisé sa première conférence développeurs pour Ara, son smartphone modulaire… et a livré de nombreux détails sur cet étonnant appareil. On vous dit tout sur ce qui pourrait bien être une révolution pour la téléphonie mobile.

Le projet Ara n’est pas une révolution. Il est plusieurs révolutions. Car pour le mettre au point, les équipes de Motorola et de Google ont dû repenser non seulement certaines technologies essentielles dans les smartphones, mais également le modèle économique, l’approche du marché, et la conception même de ces appareils, notamment via l’impression 3D. Tout a été revu et modifié, jusqu’au moyen de le vendre et de le mettre entre les mains des millions de clients que Google espère conquérir.

Des bouleversements qui soulèvent de nombreuses questions. Voici quelques unes des réponses que nous connaissons désormais.

Qu’est-ce que le projet Ara ?

Né au sein de l’unité ATAP (Advanced Technology and Projects) de Motorola, devenu et resté propriété de Google, le projet Ara vise à concevoir un smartphone modulaire où tous les éléments peuvent être changés à l’envi et installés sur une structure centrale baptisée « endosquelette ».

Ainsi, un peu comme sur un PC de bureau, le processeur, l’écran, l’appareil photo ou encore la batterie peuvent être changés indépendamment. Le Ara entend permettre autant une consommation « durable » qu’une personnalisation à l’extrême de son smartphone. Et pour y arriver, les ingénieurs de Google comptent beaucoup sur l’impression 3D, ses coûts réduits et sa production en petites séries.

Quand les smartphones Ara seront-ils disponibles ?

Si Paul Eremenko, le responsable du projet Ara, espérait en début d’année que les premiers modèles commerciaux pourraient se retrouver dans les mains du grand public en janvier ou février 2015, le planning officiel parle désormais d’une commercialisation « pilote » à l’hiver 2015. Il va donc falloir, a priori, attendre plus d’un an et demi pour pouvoir jouer avec son smartphone Ara.

La version 1.0 du MDK (pour Module Developers Kit), qui regroupe l’ensemble des spécifications nécessaires au développement des modules qui composeront l’offre Ara lors de son lancement, sera disponible au cours du premier trimestre 2015. Seule une version alpha de celui-ci est pour l’instant en ligne. Les pré-prototypes seront produits à partir du mois de décembre 2014 et les nouvelles méthodes d’impression 3D devraient être finalisées en janvier 2015.

Combien coûtera un smartphone Ara ?

La modularité n’est pas forcément synonyme de coûts en baisse. En revanche, elle permet de choisir exactement et uniquement ce dont on a besoin. Ce qui revient à réduire sa facture totale.
Ainsi, le Ara de base, appelé grey phone –car il sera gris- devrait coûter environ 50 dollars. Pour ce prix, il inclura un écran, une batterie et un module Wi-Fi, afin de pouvoir se connecter à Internet et surtout au Configurator. C’est le nom donné à l’interface qui permettra de créer son Ara selon son envie et ses besoins.

Il existera différentes versions du Ara, du premier prix au modèle luxe (voir ci-dessous). Le coût de l’appareil dépendra notamment de la qualité et de la finition des modules.

Autre point important : Paul Eremenko a insisté sur le fait que le Ara doit pouvoir évoluer avec le pouvoir d’achat des utilisateurs. Il ne faut pas oublier que le Ara vise, avant tout, les utilisateurs qui ne sont pas encore équipés d’un smartphone, la majorité se trouvant dans les pays émergeants ou pauvres. Mais ceux qui voudraient avoir la même configuration qu’un smartphone traditionnel pourraient être déçus… Car le prix risque d’être le même, voire légèrement supérieur, a expliqué le responsable du projet. Avant de préciser : « l’objectif est de faire un smartphone qui soit parfaitement fonctionnel sous Android et dont le prix n’affiche que deux chiffres ».

Combien y aura-t-il de modèles ?

Le Ara sera décliné en trois modèles pour trois tailles. Si la publication de la version 0.1 du MDK a dévoilé quelques dimensions, on en sait désormais un peu plus.

Le modèle Mini mesurera 118 mm de haut, pour 45 mm de large et 9,7 mm d’épaisseur. Il pourra supporter deux modules sur sa face avant et six sur sa face arrière.

Le modèle Medium sera plus haut, à 141 mm, plus large également, avec 68 mm mais affichera la même épaisseur, 9,7 mm. Il incorporera deux modules sur l’avant et huit sur l’arrière.

Enfin, le modèle Large, le plus grand actuellement, affichera des mensurations avantageuses : 164 mm de haut, 91 mm de large et toujours la même épaisseur de 9,7 mm. Sa façade avant pourra être occupée par un seul module et neuf modules pourront trouver place à l’arrière.

Quelle durée de vie pour les téléphones Ara ?

Il y a plusieurs réponses à cette question.

Du point de vue des modules, tout dépendra de leur qualité de fabrication, une coque de bonne qualité leur assurera une meilleure longévité. Il faudra aussi compter sur l’évolution technologique et la volonté des utilisateurs d’être à la pointe de la techno. 

Du point de vue de l’endosquelette, qui sert de base aux modules, la réponse est plus simple : il a été conçu pour pouvoir durer. Les connecteurs sans contact ne s’abîmeront pas avec le temps et au fil des changements de modules. Et les technologies de transferts de données internes sont assez performantes (10 Gigabits/s) pour ne pas devenir obsolètes d’ici longtemps. 

En revanche, reconnaît Paul Eremenko, c’est la batterie intégrée à l’endosquelette, qui sert à alimenter l’appareil quand on change certains modules, qui devrait être le point faible du Ara. Le directeur du projet espère qu’elle tiendra 5 ou 6 ans, mais il est encore nécessaire de faire des tests avec un « nombre raisonnable d’appareils » pour pouvoir être plus précis. A noter que cette batterie n’est pas la même que celle qu’il faudra utiliser, sous forme de module, pour faire fonctionner le smartphone au quotidien.

Comment ça marche, les modules ?

Les modules, ce sont les stars du projet ! Ce sont eux qui ont occupé les deux journées de la première conférence destinée au projet Ara.

Un module est constitué de trois éléments principaux : une coque extérieure, qui peut être imprimée en 3D, un bouclier métallique soudé, qui protège les composants du module, et enfin des composants eux-mêmes.

Il est intéressant de noter que sur les modules les plus petits, environ deux tiers du volume total est réservé au processeur et aux composants nécessaires à la communication entre le module et l’endosquelette. Il s’agit pour l’instant de puces FPGA, qui devraient être remplacées ultérieurement par des puces ASIC, plus compactes et plus économes en énergie.

Les modules, à quelques exceptions près -comme l’écran, par exemple- seront hot swappables (en français interchangeables à chaud), ce qui signifie qu’il sera possible de les ôter et d’en ajouter un autre à la volée, sans redémarrer le téléphone.

Les modules sont maintenus en place grâce à un électro-aimant passif, c’est-à-dire qu’il faut faire passer un courant pour le faire changer d’état : il suffit d’une très faible consommation électrique pour qu’il se verrouille. Chaque module compte deux de ces aimants pour pouvoir être placés verticalement ou horizontalement.

Par ailleurs, si les tailles de modules doivent être scrupuleusement respectées, certaines exceptions seront envisageables. Pour des modules optiques ou acoustiques par exemple, qui nécessitent des volumes un peu plus importants. Certains modules pourront même déborder du bord extérieur de l’appareil.

Comment ça marche, l’endosquelette ?

Avec le projet Ara, l’ATAP a dû repenser la façon dont est conçu un smartphone. Car qui dit modules dit nécessairement structure pour les accueillir. C’est sur cette dernière qu’il va être nécessaire de déporter certaines fonctions (d’où la présence d’une batterie intégrée).

L’endosquelette ressemble à une plaque métallique sur laquelle sont définis des espaces d’accueil pour des modules de différentes tailles. Sur chacun de ces espaces, on trouve des connecteurs, qui permettront aux modules de communiquer avec l’endosquelette et entre eux.

Sur un mobile Ara, même le processeur est intégré à un module. Il a donc fallu développer une interface physique interne et un centre névralgique. C’est sur l’endosquelette qu’on trouve le Supervisor, un micro-contrôleur qui gère la consommation d’électricité, la fonction de hot swap, le wake detect, etc. C’est lui aussi qui permet aussi aux modules de fonctionner ensemble. Cette partie ne sera pas programmable pas les développeurs.

Afin d’assurer une meilleure stabilité, une certaine sécurité et de « garantir l’écosystème », Google conservera le contrôle de l’endosquelette et de sa fabrication, dans un premier temps tout au moins, expliquait Paul Eremenko. Par la suite, l’équipe de l’ATAP envisage éventuellement une ouverture de ce support à la communauté.

Qui fabriquera les modules ?

Dans les rêves de Google, tout le monde ! L’ATAP espère voir aussi bien des universitaires que des petites et très grosses entités se lancer dans cette aventure. Car « il faut une masse critique de modules pour pouvoir avoir assez de choix ». L’objectif est donc de multiplier les intervenants actifs. L’impression 3D devrait grandement faciliter cette approche. Elle participera à démocratiser la fabrication de modules, certains éléments, comme les antennes pouvant être imprimés en 3D avec des « encres conductrices ».

Nous sommes actuellement à l’heure des pionniers. Mais, à moyen terme, quand la bibliothèque de modules sera assez riche, il sera possible pour des sociétés d’adapter un module déjà créé à leurs besoins. Tout est dès lors envisageable. On peut par exemple imaginer des écrans à l’arrière de l’appareil si un fabricant en trouve l’intérêt !

A l’heure actuelle, Google travaille en partenariat avec Toshiba et Texas Instruments pour fournir les puces FGPA et OMAP, mais est ouvert à tout autre collaboration.

Avec quel système d’exploitation fonctionnera le Ara ?

Pour l’instant, la réponse est claire : « en premier et avant tout, Android », explique Paul Eremenko après une petite hésitation. Une tâche colossale car une version « normale » d’Android ne permet pas le changement de composants à la volée, ce qui est la base du concept du Ara. « Heureusement, nous sommes Google », plaisante le directeur du projet, pour faire entendre que cet obstacle ne devrait pas être un problème insurmontable pour ses ingénieurs.
Les développeurs d’Ara travaillent donc à ce qu’ils appellent des « pilotes de classe générique », qui permettront à l’OS de gérer les nouveaux modules sans problème. Est également prévue une solution permettant de charger et décharger un pilote dans un « espace utilisateur », afin que l’installation du module soit transparente.
D’ici quelque temps, Paul Eremenko espère que ces apports et modifications pourront également bénéficier aux distributions génériques d’Android, qui souffre un peu du morcellement matériel de son parc installé.

Le projet Ara est-il open source ?

Pour évoquer la nature de son projet, Eremenko fait une analogie entre Android et Ara. Son souhait est qu’Ara soit l’Android du matériel. Une plate-forme ouverte utilisable et modifiable par le plus grand nombre, sur laquellle Google interviendrait le moins possible.

Pour autant, cette ouverture ne concerne pour l’instant que les modules et pas l’endosquelette, qui pourrait s’ouvrir plus tard, quand l’écosystème Ara sera plus installé.

Quelle protection pour les modules ?

La possibilité d’ajouter et d’ôter des modules à sa guise comporte des risques. En premier lieu, celui de la perte du module… mais aussi des données qu’il contiendrait éventuellement. Sera-t-il possible de verrouiller à distance un module perdu ou de chiffrer les données personnelles stockées ? La réponse est désormais dans le camp des développeurs de modules, a expliqué Paul Eremenko. Le MDK donne les grandes lignes de développement mais c’est à leurs concepteurs d’ajouter ou non certaines options en fonction de l’utilisation qu’ils envisagent.

Les risques concernent aussi les modules eux-mêmes. Ils peuvent évidemment se déteriorer, voire être détruits par un choc. Certains acteurs se feront peut-être une spécialité de fabriquer des modules renforcés, résistants aux chocs, à l’eau, au sable, à la pluie, etc. Tous les degrés d’exigence sont envisageables. Une chose est certaine pour Paul Eremenko : leur résistance doit être au moins équivalente à celle des smartphones classiques.

Qui a copié qui : Phonebloks ou Ara ?

David Fishman, le coordinateur du projet Ara, a le sourire aux lèvres quand on lui pose cette question. Il indique que son équipe travaillait sur le projet depuis environ un an et dans le plus grand secret quand la première vidéo Phonebloks a été mise en ligne. L’engouement pour le projet les a poussé à sortir du bois plus tôt que prévu, après avoir pris contact avec Dave Hakkens, le Néerlandais à l’origine de PhoneBloks. Aucun des deux n’a donc copié l’autre, preuve que les grandes idées peuvent germer à différents endroits et que les smartphones modulaires sont dans l’air du temps.

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Notre dossier : Projet Google Ara, le smartphone sur mesure

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Pierre Fontaine