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P2P : les déconnexions soumises à l’interprétation de la loi

Les résiliations d’abonnement à Internet demandées par l’industrie du disque n’ont pas toutes abouti. Début octobre 2004, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l’une de ces requêtes.

Déconnectera, déconnectera pas ? Alors qu’en
décembre dernier, l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (AFA) annonçait des résiliations d’abonnement sur décision de justice pour cause de téléchargement illégal, le
Forum des droits sur l’Internet (FDI) a un peu mis les pieds dans le plat. Lundi 10 janvier, il publiait sur son site Web une
décision du tribunal de grande instance de Paris (TGI), datée du 8 octobre et rejetant une demande ?” adressée par la Société civile des
producteurs phonographiques (SCPP) ?” de résiliation de l’abonnement d’un client de Wanadoo.Tout n’est donc pas joué pour les internautes mis en cause par les maisons de disques. Même les FAI ne joueraient pas tous le jeu, malgré leur engagement pris
en signant la charte contre le piratage.

Les maisons de disques corrigent le tir

La SCPP s’appuyait pourtant sur l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, prévoyant que ‘ l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête […]
toute mesure propre à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ‘. Le même article qui a permis les résiliations annoncées en
décembre (et effectives en novembre, selon l’AFA).Argument du TGI : la SCPP ne précise pas pourquoi elle demande une procédure d’urgence ne donnant pas la parole à la défense. Et surtout, la résiliation d’un abonnement ‘ ne ressort pas de la compétence du
juge des requêtes, ni d’ailleurs de celle du juge des référés ‘.
La SCPP explique avoir, depuis cette décision défavorable, modifié ses demandes suivantes, qui, elles, ont été acceptées. Mais son directeur général, Marc Guez, reconnaît toutefois que ‘ ces procédures ont
toujours pour nous un caractère expérimental et nous sommes susceptibles d’avoir d’autres décisions négatives par d’autres magistrats, ce qui nous conduirait encore à nous adapter si nécessaire ‘.
Rien n’est donc acquis et
pour une raison simple : la SCPP présentant ses requêtes dans différents tribunaux, les décisions varient d’un juge à l’autre, selon leur interprétation de la loi.

Pas de résiliation prévue par la loi

La validité de la sanction elle-même fait ainsi débat. Pour Jean-Baptiste Soufron, juriste au Centre d’étude et de recherche administrative (Cersa), ‘ l’abonnement est un contrat entre le FAI et une personne. Le
juge ne peut intervenir entre les deux. Et puis la LEN ne prévoit en fait pas la résiliation, mais la suspension d’un contenu ‘
.Quant à savoir si cette lecture peut faire école, là encore rien n’est moins sûr.
‘ Une ordonnance de référé n’est jamais matière à jurisprudence
, tempère Lionel Thoumyre, chargé de mission auprès du
FDI (notamment pour les questions de peer-to-peer). On ne peut pas tirer de cette décision [du TGI de Paris, NDLR] la conclusion que la déconnexion est impossible. ‘ Selon
lui, le juge du TGI de Paris ayant affaire à une disposition nouvelle, qui n’avait encore jamais été utilisée, il s’en est tenu à l’interprétation la plus restreinte de la loi.Quoi qu’il en soit, ces incertitudes juridiques ne changent rien pour les FAI. Ils ne font qu’obéir aux juges. Selon la SCPP, deux d’entre eux auraient néanmoins essayé de biaiser. L’un en proposant à son internaute débranché de se
réabonner chez lui. L’autre en contestant la compétence du tribunal pour raison géographique. Le tribunal étant le TGI de Nanterre et le FAI étant installé à Paris, l’argument a été rejeté par la justice.L’enjeu est plutôt, pour les ayants droit, de savoir si la majorité des demandes de résiliation pourront aboutir. Si ce n’est pas le cas sur la durée, ‘ alors le Parlement devra modifier la loi, affirme
Marc Guez, car la faculté de pouvoir faire cesser l’accès à un contenu illicite en matière de propriété littéraire et artistique est une disposition impérative de la directive Droits d’auteurs de mai 2001.
Pour
l’instant, seul notre “brouillon” a été recalé, je suis donc optimiste sur la suite que donneront les magistrats à nos demandes à venir. ‘

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Arnaud Devillard