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Ouverture d’une enquête sur les accros du cybersexe

Un sondage national auprès des internautes tente d’évaluer les problèmes de dépendance au sexe sur Internet. La France n’a mené aucune étude sur le sujet.

Encore un travers de l’Internet : la dépendance en ligne. Au jeu en ligne, aux chats, aux forums. Mais aussi au sexe en ligne. Concrètement, cela se traduit par un temps anormal passé à surfer de contenus pornographiques en forums
de discussion olé-olé, de sites de rencontres en sites d’achat de photos ou vidéos classées X. Dix, quinze, vingt heures par semaine qui mènent peu à peu à l’isolement de l’internaute, à une vie sociale et sexuelle qui se résume à la vue d’un écran
et au contact d’une souris.Le phénomène est apparemment bien connu aux Etats-Unis. Mais en France, rien, ou presque. D’où le lancement, au début de la semaine, d’une enquête nationale sous forme de
sondage en ligne adressé à tous les internautes. C’est la thérapeute Valérie Cordonnier, collaboratrice de l’Institut de sexologie (un organisme de recherche
para-universitaire), qui a pris cette initiative dans le cadre d’une thèse sur la cyberdépendance sexuelle, avec l’appui de la Direction générale de la santé et de la faculté de médecine de l’université Paris 7.L’enquête doit rester en ligne un mois. En 74 questions, elle aborde l’usage personnel et professionnel d’Internet (temps et période de connexion, fréquence, lieux…), les relations entre pratiques sexuelles et surf sur Internet
ou encore entre vie sociale et Internet. La thérapeute table sur un minimum de six cents réponses pour en tirer des conclusions qui se tiennent.

Auto-évaluer sa dépendance

Une première en France, alors que les psychologues américains planchent sur le sujet depuis le milieu des années 90. Au printemps 1998, quatre spécialistes en psychologie avaient eux aussi lancé une grande
enquête en ligne, sur le portail d’information MSNBC. Pendant sept semaines, plus de 13 500 internautes avaient répondu aux 54 questions posées (les chercheurs
ont retenu plus de 9 000 réponses pour l’analyse).Malgré des problèmes de méthodologie, les résultats de cette enquête sont régulièrement cités en guise de caution scientifique sur les nombreux sites Web de psychologues et de consultants américains en sexologie. Avec, souvent, un
questionnaire pour auto-évaluer sa dépendance au cybersexe à la clef…En France, le docteur Jacky Gautier s’est aussi penché sur le problème, par curiosité professionnelle. Psychiatre au Centre hospitalier de Montbert, à Machecoul, en Loire-Atlantique, il a mis en ligne, début 2001, un questionnaire pour
mieux connaître l’addiction à Internet.Au milieu des malades des chats, du jeu et des acheteurs en ligne compulsifs, il a ainsi pu identifier les internautes dépendants au cybersexe. ‘ Mais, dans mon échantillon [là aussi non représentatif,
NDLR], cela reste infime ‘, note le psychiatre. Soit 4 % sur 900 répondants. ‘ Et si addiction il y a, cela passe d’abord par les chats. ‘Plusieurs indicateurs peuvent révéler une addiction au cybersexe. Le temps passé sur Internet pour un usage personnel, l’importance du budget pour des abonnements à des sites érotiques ou pour l’achat de DVD, le travestissement virtuel
sur des chats (l’internaute se fait passer pour une personne du sexe opposé)…Autant d’éléments qui peuvent déjà être constatés par les médecins, dans leur consultation. ‘ Ce sont surtout les conjoints qui viennent nous voir, pour nous dire
” Mon mari n’a pas une
maîtresse, mais il a son ordinateur ” ‘, ajoute Valérie Cordonnier. Les conseils prodigués pour les problèmes habituels de sexualité dans le couple ne fonctionnent plus :
‘ Les solutions,
normalement, consistent à faire des choses ensemble. Lire ensemble, intégrer des pratiques sexuelles ensemble, etc. Là, au contraire, il ne faut surtout pas intégrer Internet. ‘

‘ Toxicomanie sans drogue ‘

Il existe actuellement deux hypothèses pour expliquer cette dépendance. L’une évoque un comportement narcissique et un problème d’estime de soi dans la vie réelle, ce qui ne constituerait pas un symptôme trop grave. L’autre, à
l’inverse, assimile le phénomène à la toxicomanie. ‘ Les deux reposent sur des travaux canadiens ou américains. Mais il n’y a rien en France pour démontrer ou pas ces hypothèses ‘, note Valérie
Cordonnier.Le rapprochement avec la toxicomanie, notamment, pose problème à la thérapeute : ‘ Avec la dépendance sexuelle, il n’y a pas de produits toxiques, pas de besoin de sevrage, mais une recherche d’un nouveau
type de sexualité. La toxicomanie implique une accoutumance physiologique avec modifications des particularités physiologiques. Là, il y a recherche d’une information, d’une excitation sexuelle. C’est tout autre chose. ‘
Dans
un même esprit, le docteur Jacky Gautier parle de ‘ toxicomanie sans drogue ‘.Cette mauvaise appréhension du problème rend difficile le traitement des internautes accros, au cybersexe comme à Internet en général d’ailleurs. Aucune structure spécifiquement dédiée à cette addiction un peu spéciale n’existe en
France.

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Arnaud Devillard