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Orange-Bouygues: atouts et risques d’un éventuel mariage

Un rachat de Bouygues Telecom par Orange poserait autant de problèmes, de concurrence surtout, qu’il n’en résoudrait, par un retour à 3 opérateurs mobiles.

Si Orange et Bouygues ont entamé des discussions, l’hypothèse d’un rachat du second par le premier présenterait t-elle autant d’avantages pour le marché français, que certains veulent bien le prétendre ?

L’opérateur “dominant” a indirectement confirmé l’existence de négociations en cours par le biais d’une communication sibylline : « Orange explore les opportunités qu’offre la recomposition en cours du paysage français des télécoms ».

De son côté Bouygues, en quête d’une stratégie de rebond, à la suite de son échec de sa tentative de rachat de SFR, n’a rien laissé filtrer. Un nouveau plan d’économies de 300 millions d’euros a été dévoilé à la suite de la publication des mauvais résultats de sa filiale télécoms : chiffre d’affaire en baisse de 5 % et résultat opérationnel négatif (- 19 millions d’euros) sur le premier trimestre 2014.

« C’est une course à la taille et aux économies d’échelle qui permettent d’amortir les investissements réseaux » explique Philippe Pestanes, associé en chage du secteur Média et Télécoms chez Kurt Salmon.

Quelles seraient les atouts et les risques associés à un tel rapprochement, si jamais il se confirmait. Tour d’horizon.

Les atouts liés à un retour éventuel à 3 opérateurs

Si ce mariage aboutissait, sa principale vertu serait de permettre le retour du marché français à trois opérateurs fixe/mobile (Orange-Bouygues Telecom, SFR-Numericable-Virgin Mobile et Free) répondant ainsi aux souhaits du ministre de l’Economie.

« Nous ferons trois opérateurs capables d’investir qui cesseront de détruire de l’emploi, pour enfin construire avec l’Etat une stratégie de révolution numérique » a encore déclaré Arnaud Montebourg, la semaine dernière.

Implicitement, les pouvoirs publics attendent, d’un retour à 3 opérateurs, une stabilisation des prix. Celle-ci est censée permettre aux acteurs d’accélérer leurs investissements dans les réseaux 4G et fibre optique et les services innnovants.

Ce rapprochement serait également une porte de sortie honorable pour Bouygues Telecom. Le scénario d’un échange d’actions, révélé par Les Echos, permettait au groupe de BTP d’entrer au capital d’Orange, dont il deviendrait le premier actionnaire privé aux côtés de l’Etat (qui en détient encore 27 %).

Enfin, Iliad espère, d’un tel scénario, le retour de l’hypothèse du rachat du réseau mobile de Bouygues Telecom. Pourrait-il récupérer cette infrastructure pour le même prix “cassé” d’1,8 milliard d’euros, négocié fin mars 2014, lorsque Bouygues voulait à tout prix racheter SFR ? Même à un prix un peu plus élevé, Free serait le grand bénéficiaire de ce rachat, alors qu’il est en retard dans le déploiement de son réseau 4G.

Des risques pour la concurrence et pour l’emploi…

« L’hypothèse d’une intégration de Bouygues Telecom dans Orange créerait un acteur proche d’une position dominante avec nettement plus de 50 % sur la téléphonie mobile » explique Philippe Pestanes de Kurt Salmon. Les deux opérateurs réuniraient près de 37 millions de clients mobiles et un parc de plus de 12 millions de clients haut débit (ADSL et fibre optique).

« Il est possible qu’en plus de la cession du réseau et des fréquences, les autorités de la concurrence exige d’autres compensations comme la cession d’une partie de la base de clients de Bouygues, pour valider un tel rachat » explique l’analyste de Kurt Salmon.

En outre, il est probable que l’examen du dossier d’un éventuel rachat remonte au niveau de la commission européenne, compte tenu du chiffre d’affaires réalisée en Europe par Orange. Les deux opérateurs devraient alors s’armer de patience avec l’épée de Damoclès d’un éventuel refus ou d’un accord assorti de conditions draconniennes.

En dépit de culture d’entreprise a priori moins antagonistes entre Orange et Bouygues qu’entre Bouygues et Iliad, rien ne dit qu’un rachat par Orange ne serait pas destructeur d’emplois pour les 9000 salariés de la filiale télécoms du géant du BTP. Pourtant, les deux maisons-mères auraient l’envergure suffisante pour “recaser” du personnel.

Des doublons se profilent déjà avec les réseaux de boutiques des deux opérateurs, proches géographiquement sur de nombreux emplacements. Sans parler des redondances dans les centres d’appels ou les services marketing et commerciaux…

Avec son réseau mobile éventuellement vendu à Iliad, des boutiques en surnombre et une partie de ses clients cédés pour renforcer un concurrent d’Orange : le scénario du démantèlement n’a rien de réjouissant pour les salariés de Bouygues Telecom.

Un scénario alternatif possible : la mutualisation des réseaux

Dans l’état actuel des pourparlers a priori entamés entre Orange et Bouygues, il est aussi probable qu’une alliance autre qu’un mariage soit évoqué.

« Il y a un scénario alternatif, moins jusqu’au boutiste, qui pourrait très bien émerger des discussions actuelles, celui d’un partenariat fort lié à la mutualisation des infrastructures et des fréquences, y compris sur les réseaux fixes » soutient Philippe Pesnedes de Kurt Salmon. Il ajoute qu’en proposant de mutualiser leurs réseaux, les deux alliés présenteraient un scénario  «plus acceptable pour l’Autorité de la concurrence ».

Dans cette hypothèse, l’accord de mutualisation serait correlé avec la nécessité de remodeler le management et le mode de fonctionnement interne de Bouygues Telecom pour l’adapter aux prix bas du marché.

Mais, ce scénario laisse entière la question de l’accord de mutualisation conclu entre Bouygues Telecom et SFR, qui devrait être dénoué (et à quelles conditions pécuniaires) ?

 

« Ce qui coûte cher aux opérateurs, ce sont les plans et grilles tarifaires accumulés au fil des années, qui doivent être gérés dans le temps. Il est temps de simplifier ces offres » estime l’analyste de Kurt Salmon.

Ces simplications devraient faire partie du plan de transformation et de refondation  de Bouygues Telecom, lié au plan d’économie prévu de 300 millions d’euros que sa maison-mère nourrit pour sa filiale télécoms ?

Lire aussi :

– Free chasse Bouygues du podium des opérateurs français, et demain ? (publié le 16 mai 2014)

– Le gouvernement suit de près le dossier Orange-Bouygues Telecom (publié le 16 mai 2014)

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Frédéric Bergé