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Microsoft : l’antitrust et la nouvelle économie

Le juge Jackson a donc échoué. Microsoft ne sera pas cassé pour l’exemple. Il n’y aura pas de Baby Bills comme il y a des Baby…

Le juge Jackson a donc échoué. Microsoft ne sera pas cassé pour l’exemple. Il n’y aura pas de Baby Bills comme il y a des Baby Bells. Microsoft n’est pas AT&T. Et pourtant, c’est à peu près la seule bonne nouvelle pour Bill Gates. Son entreprise a en effet été qualifiée de monopole. Ses abus de position dominante dans la promotion de Windows sont établis. Pire encore, les juges affirment que le monopole est appelé à durer et que, s’il convient de sanctionner la firme, pour ses errements passés, il faut surtout lui interdire à l’avenir d’abuser du pouvoir de marché qu’il a acquis.

La tentation d’effacer la concurrence

L’affaire Microsoft connaîtra donc de nouveaux développements. D’autres juges reprendront le dossier, ils jetteront un regard nouveau sur les pratiques commerciales musclées de la société de Redmond, sur son art de la vente liée, qui contribue à étouffer la concurrence (Netscape et son célèbre Navigator), sur sa prétention à régner en maître sur internet et les réseaux en général. Appliquons-nous à ce stade à tirer quelques leçons pour la nouvelle économie.Pas plus que l’ancienne ?” le marché n’est pas autorégulateur ?” la nouvelle économie ne promeut spontanément la concurrence. Microsoft n’a inventé ni les menus déroulants, ni la souris, ni les navigateurs, ni les premiers logiciels bureautiques. Chaque fois, c’est le first mover [le premier entrant, ndlr] innovateur, qui a été sorti du jeu par une entreprise qui n’a cessé de croître et d’éliminer les concurrents.Dans une économie basée sur la connaissance, l’innovation confère un monopole. Elle est source de rentes. Un standard privé qui finit par devenir la norme commune ?” comme Windows ?” génère des externalités positives [des bénéfices] pour les logiciels applicatifs. Forte de cet avantage pour le consommateur, l’entreprise qui réussit connaît une double tentation : élargir sans cesse sa base de clientèle, au besoin en usant de son pouvoir de marché, et transformer la base de clientèle existante en vache à lait, périodiquement taxée, notamment à l’occasion de mises à jour du système d’exploitation.À partir du moment où ce monopole est appelé à durer, il doit être régulé. Son activité doit être mise sous surveillance. Ses prix et ses profits encadrés. Mais au-delà de l’intimidation, des ventes liées, des subventions croisées et autres abus de position dominante, l’affaire Microsoft posait un autre problème : celui du statut du ” navigateur “. Fallait-il le considérer comme un produit autonome ou comme une fonctionnalité supplémentaire d’un système d’exploitation. On le sait, Netscape prétend avoir été victime de Microsoft qui, en livrant d’emblée son ” explorateur “, l’aurait de fait sorti du marché. La question est d’autant plus importante que dans un monde où internet est appelé à devenir le réseau universel, toute définition extensive du système d’exploitation étend l’empreinte de marché de Microsoft : de Windows aux applicatifs, des outils de recherche aux sites, des outils de téléchargement à l’e-commerce, etc.Sur cette question aussi la Cour n’a pas donné raison à Bill Gates. Elle estime que la vente de services en bouquets peut constituer une entrave au jeu concurrentiel, et se donne donc le droit de juger au cas par cas.

Ne pas dénoncer sans poursuivre

Offrir un navigateur n’était pas répréhensible ; faire d’Explorer le navigateur par défaut, dont l’icône apparaissait immédiatement grâce à son inclusion dans Windows, l’était. Le jugement rendu par la Justice américaine mérite donc d’être rapidement confirmé et suivi d’effets : on ne peut dénoncer le monopole, et la poursuite de comportements délictueux, et laisser faire.

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Élie Cohen, directeur de recherches au CNRS