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Martin Bouygues (groupe Bouygues)

‘ Le plus grand danger, c’est le panurgisme. ‘

Exceptionnellement, Martin Bouygues sort de sa réserve et revient sur le parcours de sa filiale Bouygues Telecom, sur son hostilité viscérale aux MVNO, et sur l’enjeu des choix technologiques dans la stratégie de son
groupe.01 Réseaux : Il y a dix ans, lorsque vous décrochiez la ‘ troisième licence de radiotéléphone ‘, aviez-vous réellement anticipé l’essor qu’allait connaître le
cellulaire en France et dans le monde ?
Martin Bouygues : Même si j’en avais la conviction, imaginer que la téléphonie mobile serait un service d’une grande utilité n’était pas très sorcier ! Que ce service se transforme ensuite
en un tel marché de masse était moins évident à pronostiquer, même si la baisse du prix des équipements a accéléré le mouvement. Il faut se souvenir que l’idée initiale n’était pas de déployer un réseau national, mais plutôt des
plaques géographiques dans les régions les plus peuplées.Lorsque Bouygues Telecom ouvre son service à la mi-1996, SFR compte moins de 500 000 abonnés au GSM. Alors que ce marché somnolait, c’est vous qui allez le réveiller. Pourtant, SFR a aujourd’hui huit millions
et demi d’abonnés de plus que vous. N’est-ce pas un peu décevant ?
Ce discours sur l’écart qui nous sépare de SFR est manipulateur. Lors du lancement de Bouygues Telecom, nos deux concurrents avaient une couverture nationale en fréquences 900. Nous avions une couverture parisienne, des
fréquences 1800 exigeant une densité plus forte, et donc un réseau beaucoup plus cher à déployer.Quels souvenirs conservez-vous de l’épisode du premier appel à candidature pour l’UMTS ? Ce fut l’apothéose ! Le prix des licences était faramineux et les incertitudes technologiques, considérables. En les dénonçant, nous avons pris tous les risques et n’en avons tiré aucun profit, alors que SFR et
Orange ont bénéficié de l’effet d’aubaine que nous avions créé. C’était terrible d’entendre dire [par Michel Bon, le président de France Télécom, NDLR] :
‘ Comment M.
Bouygues aurait-il raison seul contre tous ? ‘
Votre choix de privilégier l’Edge a souvent été brocardé. Comment en êtes-vous arrivé là ?Dans tous nos métiers, c’est l’intérêt de nos clients qui motive nos choix technologiques. Dans la téléphonie mobile, l’objectif que nous nous sommes fixé est de faire des produits fiables, simples à utiliser et
bon marché. Quand nous avons parlé d’Edge, on nous a ri au nez. Cinq ans plus tard, force est de constater que le travail de nos ingénieurs a été remarquable. Aujourd’hui, tous les opérateurs GSM adoptent, peu ou prou, la technologie
Edge. Cela ne nous donne pas pour autant la grosse tête.Vous étiez farouchement hostile aux MVNO, et semblez avoir changé d’avis. Pourquoi ?Je n’ai pas changé d’avis et trouve assez extraordinaire que l’on veuille nous acheter des minutes de communication en deçà de leur prix de revient, pour les revendre ensuite moins cher que nous ! Ceux qui
considèrent que l’on gagne très bien sa vie dans le cellulaire n’ont qu’à se porter candidat à la quatrième licence UMTS. Depuis la transposition du ‘ paquet télécoms ‘, le régulateur pourrait néanmoins vous l’imposer…
On ne va pas refaire l’UMTS ! Ce n’est pas parce que vous avez une réglementation stupide qu’il faut l’appliquer. Ce n’est pas parce qu’on vous pousse à commettre une grosse bêtise
qu’il faut nécessairement la faire.Bouygues Telecom semble le plus exposé des trois opérateurs à l’arrivée de MVNO. Comment comptez-vous réagir si cette menace se confirme ?On s’adaptera ; c’est dans la culture du groupe. J’observe que l’on s’envoie beaucoup d’anathèmes dans l’univers des télécoms. À une époque, on me disait qu’il fallait
impérativement que nous soyons présents dans le fixe. Nous l’aurions fait, nous étions morts ! Alors, cette prétendue menace selon laquelle nous serions le plus exposé à l’arrivée de MVNO…Pensez-vous qu’il y ait de réelles perspectives en matière de télévision sur un mobile et que la TNT soit toujours ‘ l’UMTS de la télévision ‘ ?Je ne comprends pas que l’on ne veuille pas offrir aux Français une télévision moderne, avec des programmes en haute définition et de nouveaux usages en mobilité. Le MPeg-2 [qui a les faveurs du gouvernement,
NDLR]
ne le permet pas. Le MPeg-4 (H.264) offrirait à la fois un plus grand nombre de chaînes en définition ‘ classique ‘, des chaînes en haute définition et la télévision sur les mobiles.

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Henri Bessières