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Majestic ou l’autre réalité virtuelle

Une fois n’est pas coutume, ça bouge chez les éditeurs de jeux électroniques. Electronic Arts, leader du domaine, s’apprête à commercialiser Majestic. Ce jeu est une première dans le mélange réel/virtuel.

Majestic est une sorte de jeu d’aventure à épisodes dans lequel le joueur se trouve impliqué. Après avoir fourni à l’éditeur l’ensemble de ses coordonnées (téléphone, mobile, fax, e-mail, ICQ, etc.), l’utilisateur est joignable à tout moment. Il devra résoudre des énigmes, discuter avec des personnages fictifs, effectuer des recherches sur Internet et progresser ainsi, par interactions successives, dans l’intrigue.Par bien des aspects, Majestic est novateur, en tout cas sur le papier. D’abord, ce jeu ne nécessite pas, comme souvent aujourd’hui, de machine surpuissante. Un simple PC équipé d’un Pentium 166 suffit. Ensuite, il n’est pas vendu comme les autres jeux vidéo. En effet, le premier épisode de Majestic sera accessible gratuitement. Les autres épisodes, disponibles au rythme d’un par mois, seront loués 10 dollars par mois pour continuer à évoluer dans cet univers fictif. C’est doublement original, du point de vue financier d’une part, et aussi en matière de fiction narrative. Par essence, Majestic n’a pas de fin, à l’instar de feuilletons télévisés qui se poursuivent des années durant, tant que l’audience est au rendez-vous.Mais il est important surtout par ce qu’il représente. On évoque le plus souvent la réalité virtuelle par le biais de machines complexes et sophistiquées, permettant l’immersion dans des environnements 3D en images de synthèse. Ici, comme dans les traditionnels jeux de rôle, la 3D est remplacée par l’imagination des joueurs. Et la réalité virtuelle reprend le sens de son acception première : un concept, exprimant la possibilité d’évoluer, au sens large, dans un monde différent du monde réel, régi par d’autres règles.En fait, même si les casques galbés dotés d’écrans à vision stéréoscopique tardent à gagner le grand public, il ne faut pas enterrer la notion de réalité virtuelle. Au contraire, le concept devient bien réel. Avec la généralisation des outils de communication, le cyberespace décrit par les romanciers prend chaque jour un peu plus de place dans nos vies.Connectés au Réseau en permanence, chacun d’entre nous se fait représenter par de multiples pseudonymes. Comme le veut le diction : “Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien.” Et sur les IRC, il est impossible de discerner le sexe, l’âge ou la localisation géographique des participants. Pas plus qu’il n’est possible, à la lecture d’une page Web, de déterminer si elle émane d’une grande entreprise ou d’un adolescent.La perte progressive de la notion d’identité réelle dans le cyberespace s’accompagne du développement d’une nouvelle réalité. Bientôt avec Majestic, les téléphones mobiles sonneront dans les salles de classe et les fax s’imprimeront dans les secrétariats. Ces messages n’émaneront pas de personnes mais d’entités fictives communiquant avec des personnages réels (les joueurs) qui devront intervenir, à travers leurs avatars, dans un univers virtuel.Par bien des côtés, Majestic peut apparaître comme l’aboutissement de plusieurs décennies d’évolution des nouvelles technologies de l’information. Ou comme une voie nouvelle en matière de fiction, entre soap-opéra et documentaire permanent à la Loft Story. En fait, il n’est sans doute qu’une étape dans l’installation progressive et durable de plusieurs niveaux de réalité au sein de notre civilisation.

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Cyril Fiévet