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Maghreb, la brèche étroite

Internet est un espace de liberté très prisé mais très contrôlé. Par la répression, comme en Tunisie, ou l’autocensure, comme en Algérie.

Tous les soirs, après sa journée de travail, Moussa B., architecte algérois de 43 ans, surfe sur internet. Ses sites favoris : les quotidiens français et tous ceux qui évoquent la situation politique et sécuritaire algérienne, à commencer par ceux d’organisations humanitaires telles que Human Right Watch. “ Sans internet, je me sentirais vraiment isolé du reste du monde “, explique-t-il. “ Il n’y a rien à attendre des journaux locaux en matière d’information ou même de divertissement. Quant à la télévision algérienne, elle est aux ordres. Autant ne pas en parler “, ajoute ce passionné de nouvelles technologies qui note que, pour nombre de Maghrébins, le net joue désormais le rôle des antennes paraboliques au début des années 1990.

E-mails à risque à Tunis

Le monde arabe est malheureusement caractérisé par l’autoritarisme de nombreux régimes qui n’admettent aucune contestation. Dans les années 1990, les chaînes de télévisions occidentales, captées par le biais d’antennes paraboliques, avaient déjà ouvert une première brèche. Avec internet, les gens sont d’abord moins passifs et ont surtout la possibilité d’accéder à des informations que les régimes prohibent “, précise le politologue Saadoun El-Maqari.Bien entendu, ce constat doit être nuancé. Le monde arabe, avec ses 140 millions d’habitants, ne compte que 10 millions d’internautes pour moins de 2 millions d’ordinateurs personnels, selon les Nations Unies. De nombreux pays sont exclus de l’accès à la toile pour de simples raisons économiques. C’est le cas de la Mauritanie, du Soudan ou du Yémen. Dans d’autres pays, comme la Tunisie et, à un degré moindre, la Libye et la Syrie, les régimes n’ont permis l’accès au net qu’en le surveillant de près.Dahman S., jeune étudiant en informatique à l’université de Tunis en a fait l’expérience au début de l’année. “Un matin, j’ai reçu une convocation au ministère de l’Intérieur. On m’a demandé pourquoi j’avais utilisé l’ordinateur de l’université pour me connecter au site d’Amnesty International. Je m’en suis tiré en affirmant qu’il s’agissait d’une erreur. Mais maintenant j’ai compris : j’évite d’aller sur les sites où le régime tunisien peut-être critiqué.” Dans un pays où l’accès à internet se fait le plus souvent sur le lieu de travail, les Tunisiens savent qu’il existe trois interdictions majeures : les sites d’organisations humanitaires, toutes très critiques à l’égard du régime Ben Ali, les sites de l’opposition politique tunisienne, notamment islamistes, et les sites pornographiques. “ Les gens sont réticents à posséder des adresses e-mail. Il suffit qu’un mauvais plaisant vous adresse un fichier qui entre dans ces catégories pour avoir les pires ennuis“, ajoute Dahman.

es cybercafés fleurissent à Alger

n Algérie et au Maroc, la menace est plus diffuse. Alger, est l’une des villes au monde où l’on compte le plus grand nombre de cybercafés par habitants : à lui seul, le centre ville de la capitale en compte plus d’une cinquantaine. Le phénomène a gagné de nombreuses villes de l’intérieur, et même les villages les plus reculés. “Contrairement à la Tunisie, c’est davantage l’autocensure qui joue en Algérie. Les jeunes qui sont la clientèle principale des cybercafés préfèrent de loin les sites universitaires ou ludiques, mais évitent tout ce qui a trait à la politique. À l’inverse, chez eux, les internautes ne s’appliquent aucune restriction “, explique un informaticien du Centre algérien d’études et de recherche sur l’informatique. Reste que c’est d’abord par le biais d’internet que le régime algérien a été sérieusement déstabilisé avec la création, en 1999, d’ANP.org, un site de déserteurs de l’armée algérienne qui a précédé, voire encouragé, tous les récents témoignages impliquant les militaires algériens dans les violences terroristes.

Bibliothèque virtuelle au Maroc

u Maroc, comme en Algérie, internet se substitue aussi à l’absence de bibliothèques universitaires. “Les livres datent et sont chers et les bibliothèques sont rares et peu fournies “, relève Nawfal, 25 ans, et étudiant à l’École de commerce de Marrakech. “Sans internet, je n’aurai jamais pu faire de recherches sur le gouvernement d’entreprise“, ajoute-t-il. Des trois pays maghrébins, c’est au Maroc qu’artisanat et commerce électronique coopèrent le mieux. De nombreuses associations, notamment de femmes, commencent à commercialiser leurs produits (tapis, céramiques, etc.) par le biais du web.Dans le reste du monde arabe, internet fait face aux mêmes contradictions. D’une part, une jeunesse très attirée par les nouvelles technologies et, de l’autre, des régimes soucieux de conserver leur contrôle sur leurs sociétés. En Égypte, plusieurs étudiants de l’université d’Alexandrie ont été publiquement admonestés après avoir ” chatté ” avec leurs homologues israéliens. En Syrie, et malgré les promesses de Bachar Al-Assad, l’accès à internet reste limité à l’élite laquelle ne prend guère de risque d’incommoder le régime. La situation est encore plus ambiguë en Arabie Saoudite, où la monarchie peine à endiguer l’engouement de la jeunesse pour des sites occidentaux que la morale musulmane réprouve.

e cyber émirat de Dubaï

Mais internet, pour cette partie du monde, c’est aussi l’émergence de pôles technologiques destinés à concurrencer des pays comme l’île Maurice ou l’Inde. Alors que la majorité des États de la région, selon les experts de la Ligue arabe, ont pris un retard de près de 10 ans sur leurs homologues occidentaux en matière d’infrastructures, l’émirat de Dubaï compte devenir le premier centre mondial d’internet. Une zone entière, Internet City, y a été aménagée pour attirer les groupes internationaux soucieux de délocaliser leur recherche et développement. Et, pour donner l’exemple, les administrations de l’émirat ont été sommées de passer au tout électronique et d’ouvrir leurs guichets sur le cyberespace.

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yes Si Zoubir à Alger