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L’ordinateur, télégraphe du XXIe siècle

Le PC relié au Net est caduc. Le mobile l’évincera, comme jadis le téléphone (fixe) a tué le télégraphe.

À première vue, évidemment, on est tenté de sourire. Les projets des professionnels de la téléphonie, qui nous avaient, il y a deux ans encore, fait miroiter les charmes du wap et de l’UMTS, ressemblent davantage à un sketch de café-théâtre qu’aux composantes d’une grande stratégie industrielle.Tel dirigeant d’un opérateur s’extasie devant les performances de son mobile, capable, dit-il, de lui envoyer un message chaque fois que son équipe favorite marque un but.Tel grand média se réjouit du succès rencontré par son logiciel, qui permet d’envoyer sur les mobiles les résultats du bac.Telle start-up prépare une application qui permettra de recevoir la pensée du saint du jour. Il ne manque plus que la position du Kama-sutra du jour pour 1 euro la minute, et le tableau sera complet.Gadgets ? Derrière ces projets se cache tout de même l’amorce d’une révolution. Celle qui nous fera tourner la page de l’internet, tel que nous l’avons connu jusqu’à présent, à savoir le Net sur l’ordinateur.Partout dans le monde, à l’exception des États-Unis et du Canada, le nombre de mobiles est supérieur à celui des PC. Et ces téléphones véhiculent de plus en plus de données, pas seulement de la voix.En ce moment, les Français échangent 40 millions de messages par mois sur les mobiles, via le SMS. Ce sera 80 millions en 2003. Dans le monde, le nombre frise le milliard par jour et représente déjà 10 % du chiffre d’affaires de certains opérateurs.En 2003, sans doute, le téléphone sera le principal moyen d’accès à l’internet. En clair, pour s’envoyer des e-mails, des chansons ou des photos, on téléphonera. À Tokyo, c’est déjà le cas. Là-bas, les Japonais qui cliquent sur leurs mobiles toute la jounée portent même un nom : les mobaqu, les drogués du mobile.Pourquoi cette fièvre du mobile ? Le téléphone, contrairement à l’ordinateur, est simple à utiliser (on n’a toujours pas inventé le PC qui démarre avec une touche verte et s’arrête avec un bouton rouge), il est disponible en permanence et les consommateurs sont habitués à payer pour l’utiliser.Bien sûr, ce n’est pas demain la veille qu’on lira un document ou qu’on regardera un film sur son mobile. Mais là n’est pas le problème. Le succès du produit vient non pas du contenu qu’il véhicule, mais de sa fonction intrinsèque : le lien social qu’il engendre.Plus les gens échangeront des images, des textes ou des jeux, plus ils… bavarderont. Au Japon, les abonnés à un service de données téléphonent encore plus que ceux qui n’ont qu’un abonnement normal (pour la voix).En effet, quand un ado reçoit un SMS d’un copain sur son mobile, que fait-il ? Il l’appelle. Et, demain, lorsqu’un cadre sup, en plein colloque, recevra sur l’écran couleur de son Nokia 3G, un e-mail de sa femme avec la dernière photo du gamin, que fera-t-il à la pause ? “Allô chérie…”C’est une des lois les mieux vérifiées dans l’histoire des communications. Une innovation devient un succès populaire lorsqu’elle est simple à utiliser et qu’elle rapproche les gens. Le téléphone avait chassé, dans les années 60, le télégraphe, qui, pourtant, grâce à Claude Chappe, à Samuel Morse ou à Werner von Siemens, avait constitué pendant plus de cent cinquante ans l’instrument de communication mondial le plus perfectionné : mais son utilisation resta malheureusement confinée aux mains des experts (à la fin, il fallait encore aller à La Poste ou téléphoner pour envoyer un télégramme).Il en va de même aujourd’hui pour l’ordinateur relié à l’internet : il efface certes les distances, mais il demeure trop compliqué à utiliser, trop impersonnel, trop lent et trop cher. Le téléphone (mobile) l’évincera-t-il comme son ancêtre, le fixe, avait, il y a quarante ans, achevé le bon vieux télégraphe ?

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Éric Meyer