Les 5 points qui font froid dans le dos du projet de loi sur le renseignement

Les députés se prononceront demain sur ce texte censé lutter contre le terrorisme. Mais ce « Patriot Act » à la française ouvre la porte à une surveillance de masse qui dépasse largement le cadre de son but premier.
[Première publication de cet article le 20 mars 2015] Le projet de loi sur le Renseignement sera soumis au vote solennel des députés ce mardi 5 mai à 16h15 à l'Assemblée nationale. Des manifestations ont lieu ce soir un peu partout en France pour protester contre ce projet à la veille de sa possible adoption.
Présenté comme une « avancée majeure de l’Etat de droit », il est censé apporter un cadre légal aux pratiques officieuses des services secrets. Pour autant, les dispositifs qu’il permettra de mettre en place posent les bases d’une surveillance de masse de la population. Retour sur ses dispositions les plus effrayantes.
Une connexion directe aux réseaux
L’aspect le plus inquiétant de ce projet de loi est la création d’accès directs sur les infrastructures des opérateurs permettant aux agents secrets français de recueillir « des informations et documents » directement sur leurs réseaux, et cela « en temps réel ». Dans son avis du 5 mars 2015, la CNIL estime que cette disposition « est de nature à permettre l’aspiration massive et directe des données », et cela « par l’intermédiaire de la pose de sondes ». C’est donc la porte ouverte vers une surveillance de masse.
De plus, ce recueil en temps réel ne concernerait pas seulement les données de connexion, mais aussi les correspondances. En tous les cas, rien dans le texte ne l’interdit. Dans une version antérieure de ce projet de loi, les correspondances (emails, SMS, messages instantanés, conversations,...) étaient mises explicitement hors de portée de ce dispositif. Dans le projet de loi final, cette exclusion disparaît.

En revanche, le gouvernement limite ce recueil à « la prévention du terrorisme ». Il précise même qu’il ne peut se faire que pour « des personnes préalablement identifiées comme présentant une menace ». Mais que recouvre réellement cette formulation? D'après Le Monde, elle permettrait ainsi "d'espionner les téléphones et les réseaux Internet de, par exemple, tous les habitants de Tarnac, de tous les Tchétchènes ou Kurdes de France, voire de tous les Corses ou les Basques". Ce qui est loin d'être restrictif.
Une surveillance de masse par des algorithmes
Autre innovation particulièrement inquiétante : la mise en place de boîtes noires sur les réseaux des opérateurs censés détecter les agissements suspects de terroristes « sur la base de traitements automatisés d’éléments anonymes ». Comme l’explique la CNIL, ces dispositifs visent à « détecter les signaux faibles de préparation d’un acte de terrorisme », c’est-à-dire trouver l’aiguille dans la botte de foin. Pour y parvenir, les services secrets devront donc brasser tout une masse de données, y compris celles de personnes qui ne seront pas concernés par le terrorisme. C’est pourquoi cet article ne se limite pas, comme précédemment, à « des personnes préalablement identifiées ».
Là encore, les correspondances avaient été exclues de ce dispositif dans une version antérieure du projet de loi. Mais cette limite disparaît dans le projet final. On peut donc supposer que ces boîtes noires pourront également mettre leur nez dans les emails, les SMS, les messages instantanés, les conversations... A noter par ailleurs le changement de la finalité, passant de « détecter la préparation d’un acte de terrorisme » à « révéler une menace terroriste », ce qui est plus large.

Par ailleurs, comme le relève la CNIL, l’utilisation du terme « éléments anonymes » est incorrecte, car le traitement portera forcément sur des données indirectement ou directement identifiantes, « comme le démontre d’ailleurs la possibilité de remonter à l’identité de la personne ». Seul le résultat du traitement peut être anonyme ou non.
Une conservation potentiellement sans terme
Le gouvernement met en avant le fait que les données récoltées par le biais d’interceptions de sécurité seront détruites au bout d’un certain temps : un mois pour les correspondances, cinq ans pour les données de connexion. Mais il existe de nombreux bémols. Ainsi, aucune limite n’est spécifiée pour les données qui « contiennent des éléments de cyberattaque ou qui sont chiffrées ». Pour les correspondances chiffrées, le délai de conservation court « à compter de leur déchiffrement ». Ce qui peut être très long.
Autre exception : la surveillance internationale. Le gouvernement définit un régime spécifique pour « la surveillance et la contrôle des transmissions qui sont émises ou reçues à l’étranger ». A partir du moment où les communications interceptées « renvoient à des numéros d’abonnement ou à des identifiants techniques rattachables au territoire national », la durée de conservation des correspondances court « à compter de la date de la première exploitation ». En d’autres termes, un email envoyé par un résident français vers l’Allemagne - par exemple - pourra être stocké indéfiniment, tant que son contenu n’a pas été utilisé d’une manière ou d’une autre.
Se pose ensuite la question des services de messagerie étrangers : les communications entre deux résidents français mais qui passeraient par des serveurs situés aux Etats-Unis, seront-ils considérés comme « émises ou reçues à l’étranger » ? Si tel est le cas, cela augmenterait considérablement le volume de correspondances que les services secrets pourraient stocker pour une durée illimitée. A ce sujet, l'Arcep, le gendarme des télécoms, estime « qu’au regard de la rédaction du projet de loi, il pourrait être délicat pour les opérateurs de déterminer de manière suffisamment certaine le régime dont relèvent les communications internationales émises ou reçues sur le territoire national ».
Un très large champ d'application
La menace terroriste est brandie comme le principal moteur de ce projet de loi sur le renseignement. Or, le champ d’application des interceptions de sécurité va bien au-delà. Il concerne également de manière plus large la « sécurité nationale », un terme bien vague dans lequel on peut mettre un peu tout et n’importe quoi. Et ce n’est pas fini. Les barbouzes pourront espionner pour préserver « les intérêts essentiels de la politique étrangère » et « les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ». Ce qui ouvre la voie à l’espionnage économique et politique.
Par ailleurs, ils pourront également placer leurs mouchards pour prévenir « des violences collectives », « de la reconstitution de groupement dissous » et « de la criminalité et de la délinquance organisées ». Ce dernier point est particulière étrange, car il est typiquement du ressort de la police judiciaire, qui dispose déjà d’un arsenal équivalent pour les interceptions de sécurité. Le but, dans ce cas, est donc clairement de court-circuiter les juges pour pouvoir agir plus vite. Ce qui pose le problème de la séparation des pouvoirs.
Pas de protection pour les professions à risque
Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, aucune mesure de protection n’est spécifiée concernant certaines professions qui bénéficient habituellement d’un statut particulier, comme les avocats, les journalistes, les médecins, les parlementaires, etc. Cet aspect a d’ailleurs été épinglé par la CNIL. Il faut espérer que ce problème sera réglé par le biais d’un amendement, à l’occasion des débats parlementaires.
Lire aussi:
L'inquiétude grandit autour du projet de loi sur le renseignement, le 19/03/2015
Chevaux de Troie, keyloggers et écoutes mobiles au menu de la loi sur le renseignement, le 17/03/2015
-
-
cathymini
comment le cousin de ma cousine justifie t-il de donner autant de fois son avis et que du coup il se prenne autant de votes négatifs à longueur de temps ? !
et que par magie, trucage des votes, il reprenne de temps en temps des tas de votes en quelques petites minutes qui le remettent largement en positif ? !
si ces deux façon de faire sont démocratiques...
cela est révélateur de la façon de penser du personnage qui truque les votes en sa faveur et spamme ou floode plutôt par un nombre incroyable de messages chaque sujet qui l'intéresse !
tout cela pour avoir raison ! -
LeCousinDeMaCousine
Quand les hackers récupéreront des données des boites noires, ou des surveilleurs de téléphone et qu'ils étaleront çà sur la place publique....Qu'on reparlera de Bismuth....
-
CharlesPetit
"actuellement on peut faire pire, sans limites ni contrôle!! là au moins ce projet de loi pour la première fois encadre tout, limite, légalise et définit, permet le contrôle à priori et a posteriori." Je reprends une partie d'un commentaire édifiant... Qui dit qu'actuellement les services du gouvernement FONT des choses illégales, qu'on met cette loi en place pour rendre ce qui illégal, légal grâce à cette loi... Mais une loi n'a JAMAIS garantie que le gouvernement respecte la légalité, ni maintenant, ni jamais, puisqu'il n'y a aucun contrôle efficace possible, alors dans quelques années, une nouvelle loi sera votée, pour autoriser d'espionner les Français dans leur salon, voiture, vie de tous les jours, en permanence puisqu'ils le faisaient déjà parce qu'ils en ont la possibilité technique juste histoire de légaliser ce qui était déjà fait mais illégal...
-
tartempion1
Effectivement M. Fakrys, il serait bon que vous vous appliquiez vos propres règles. La CNIL et autres sont loin d'être des comiques qui parlent sans savoir. Cette loi est une réelle atteinte à la liberté de tous les français et un outil prodigieux pour quiconque aurait des visées dictatoriales.
-
Ratibois
Ce texte de loi ne pose qu'une seule vraie question : quels sont les risques de dérapage ? Pour être plus clair : le jour où Marine Le Pen devient présidente de la république a-t-elle le moyen d'utiliser les ambiguités de la rédaction actuelle pour espionner qui elle veut (les juifs, les noirs, les franc-macons, les homosexuels...) ? La réponse est "oui", à l'évidence. Sans nécessité d'un recours au pouvoir juridique qui restait le seul rempart aux abus des politiques. Bienvenue dans le monde de Big Brother.
-
Fakrys
Alors là on dit absolument n'importe quoi et pire des contre vérités énormes!!!
actuellement on peut faire pire, sans limites ni contrôle!!
là au moins ce projet de loi pour la première fois encadre tout, limite, légalise et définit, permet le contrôle à priori et a posteriori.
ce qu'on peut lire comme inepties paranoïaques relevant des théories du complot et autres conspirations qui ont apparemment gagné tout le monde: c'est effarant!
de bêtise carrément. faut se renseigner justement! faut comprendre un minimum!
et faut surtout arrêter de dire n'importe quoi, et des contre vérités. -
LeCousinDeMaCousine
Nos législateurs sont toujours là où on ne les attend pas et où on ne les voudrait pas. Redécoupage avant les cantonales, et maintenant la sécurité. Et le désarmement qui est prévu par la loi on l'applique quand dans les banlieues !!! Faites des lois pour créer de l'emploi et coïncer les faudreurs et trafiquants de tous genres !!!
-
Hellu2lo
Avec un minimum de jugeote on arrive à communiquer et à faire des choses en les gardant dans un cercle restreint ce qui ne veut pas dire qu'elles soient illégales. Ils ne pourront pas tout voir, ni tout entendre alors je suis tranquille pour un bon bout de temps encore. Ca fait près de 60 ans que j'arrive à préserver ce que je ne veux pas rendre public ce n'est pas leur loi qui va changer quelque chose.
-
yellowjones62030
La France a déjà eu du mal a comprendre qu'Hadopi était dépassé avant d'être sorti je m'inquiète pas trop pour la suite.
Dans un pays ou les administrations ne se parlent dejà meme pas entre elles, on risque pas des masses. La preuve, a Charlie hebdo ils ont payé tout ca très cher, et là vous étiez ou messieurs du renseignements? Vous ne pouvez pas être partout bien sur...et vous cherchez à l'etre, mais la solution ne réside pas dans le fliquage.
Votre opinion