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Lire ou ne pas lire, l’administrateur de réseau face aux e-mails des salariés

Selon la Cour de cassation, l’entreprise n’a pas droit de regard sur un e-mail personnel. Un arrêt difficile à appliquer sans avoir mis au point un Code de savoir-vivre internet dans l’entreprise.

Un administrateur de réseaux peut-il aller lire le contenu des e-mails d’un salarié utilisateur ? La question fait débat. Le 17 décembre dernier, la cour d’appel de Paris a confirmé ?” assorties de sursis ?” les peines prononcées par le tribunal correctionnel de Paris, dans l’affaire de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle. Deux informaticiens avaient pris connaissance du contenu des e-mails d’un étudiant suspecté de piratage et l’avaient transmis à leur supérieur hiérarchique. En novembre 2000, tous trois avaient été condamnés par le tribunal correctionnel à des amendes pour “violation de correspondance privée”. La cour d’appel s’est montrée plus indulgente, estimant que “la préoccupation de la sécurité du réseau justifiait que les administrateurs [prennent] les mesures que la sécurité exigeait”. Ce jugement peut être considéré comme positif pour les administrateurs de réseaux, bien que l’inviolabilité des courriels, dès lors qu’ils sont “personnels”, ait été affirmée par la Cour de cassation en octobre 2001, lors de l’affaire Nikon . Dans ce cas, “Un administrateur de réseaux peut refuser l’ordre de lire le contenu d’un message personnel, car il a le devoir de ne pas le faire”, énonce Guillaume Flambard, avocat chez Deloitte & Touche Juridique et Fiscal.

La messagerie privée est affaire de “bon sens”

Reste à définir juridiquement ce qu’est un e-mail privé ? La mention “personnel” constitue-t-elle une barrière infranchissable ? “Il semble inadapté de se draper dans les grands principes et les libertés publiques fondamentales pour interdire tout accès à des postes infectés”, écrit Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit, dans son livre Le Droit du travail à l’épreuve des NTIC. De plus, l’employeur ne peut fermer les yeux sur les agissements de ses salariés, au risque d’être reconnu responsable civilement ou pénalement en cas de contenu illicite. “Le vrai problème est quand il n’y a pas de mention ” personnel ” apparente”, relève Alain Scemama, avocat chez Deloitte & Touche Juridique et Fiscal.Pour Jean-Emmanuel Ray, la fausse bonne idée serait de doter les salariés de deux boîtes aux lettres ?” personnelle et professionnelle ?” ou de ne délivrer que des adresses génériques. Par exemple, “service marketing “. A l’instar du téléphone, l’usage privé de la messagerie est affaire de “bon sens “. L’entreprise, de son côté, a le droit de contrôler les e-mails ?” analyse du volume, de mots-clés, par exemple ?”, à condition que les salariés et leurs représentants en aient été informés au préalable. Cette mise en garde, qui encadre l’envoi et la réception de messages, peut figurer dans la charte internet. C’est le meilleur moyen de concilier droits de l’employeur et des employés. “Il est souhaitable d’en négocier le contenu avec les syndicats : l’accord signé aura une forte légitimité sociale”, estime Jean-Emmanuel Ray. Cette charte peut être adjointe au règlement intérieur. Mais, dans ce cas, elle “risque de se heurter aux résistances des salariés”, souligne Guillaume Flambard.

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Guillaume Deleurence