Passer au contenu

Les Suisses dématérialisent les isoloirs

Souvent sollicités, les électeurs helvétiques étaient rompus au vote à distance. Et pour les scrutins locaux, certains commencent à goûter au bulletin virtuel.

Seule démocratie occidentale à pratiquer encore le vote à main levée dans certains de ses cantons, la Confédération helvétique ne pouvait qu’être un précurseur en matière de scrutin direct via internet. Sollicitant ses citoyens tout au long de l’année lors de “votations” sur les sujets les plus divers, la Suisse a lancé une phase de tests. Avec trois cantons pilotes : Genève, Zurich et Neuchâtel. Une innovation qui complète le dispositif de vote à distance.

Dire oui à l’ONU sans bouger

” Depuis un an, nos concitoyens peuvent s’exprimer indifféremment par courrier ou en se déplaçant, raconte Jean-Marie Reber, chancelier d’État du canton et de la république de Neuchâtel. Lors du référendum intervenu début mars pour l’entrée de la Suisse au sein de l’ONU, 94 % des électeurs ont choisi le vote par correspondance. Ils étaient 90 % à Genève. “ Soit des scores plutôt encourageants pour un futur scrutin en ligne. ” Nous en sommes à notre troisième test, explique Michel Chevalier, le secrétaire adjoint de l’État de Genève. En 2001, le canton a consacré un budget de 800 000 euros à ce vote électronique. Et un million d’euros devraient être dépensés cette année. “Dernier exercice en date : 450 suffrages ont été collectés à titre expérimental en décembre, à l’occasion d’un vote réel. Le test a été mené à Genève puisque c’est le seul canton qui dispose d’un fichier électoral unique, les autres États n’en possédant qu’au niveau de chaque commune. Cela suppose donc qu’ils soient unifiés et intégrés sous forme informatique. ” Nous allons procéder du 15 mai au 1er juin à un exercice grandeur nature en demandant aux lycéens, qui ont entre 16 et 18 ans, de voter. Même si l’opinion ainsi recueillie est sans valeur légale, cela nous permettra de vérifier que le système fonctionne sur une plus grande échelle “, indique Michel Chevalier.Fédération oblige, chaque canton devrait disposer à terme de son propre dispositif de contrôle. Ainsi, Genève a choisi l’envoi d’un code individuel adressé à chaque électeur lors de chaque scrutin. Il devra, en outre, fournir quelques renseignements comme sa date de naissance ou le nom de sa commune d’origine. Neuchâtel, qui souhaite aussi que les citoyens puissent effectuer des démarches administratives en ligne (pièce d’identité, passeport, etc.), a retenu le système du code permanent, sur le modèle des cartes de crédit. In fine, les élus comptent bien que ce vote à distance contribue à renforcer la participation, notamment celle des plus jeunes. Sans pour autant s’attendre à des miracles. “Lors du scrutin consacré à l’ONU, la participation était de 66 %, précise Jean-Marie Reber. On devrait pouvoir améliorer ce score de 5 à 6 %.” Lors du recensement en 2000, 4 % des citoyens avaient transmis leurs informations par le réseau.

Mettre la loi à l’heure du web

Mais à ce jour, la Constitution fédérale ne permet pas de recourir si facilement au web. “Cela peut fonctionner pour les scrutins communaux qui relèvent des cantons, prévient le chancelier d’État. Mais les votes fédéraux et cantonaux exigent une modification de notre loi fondamentale.” En décembre, le Conseil fédéral a établi un premier projet d’amendement. Et le 19 mars, les chambres fédérales ont débattu de l’autorisation de la poursuite des tests. Un avis d’autant plus important que, pour l’instant, l’échelon fédéral prend en charge 80 % du financement des votes en ligne. Pour la période 2001-2003, Berne a débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros.Les internautes intéressés par ce mode de scrutin peuvent toujours consulter le site expérimental développé par l’État de Genève ( www.geneve.ch/ge-vote), qui donne une idée de la façon dont pourrait se dérouler un tel scrutin. L’idée est d’utiliser le net dès cette année pour les votes communaux, et de prévoir l’élargissement à l’échelle nationale pour 2007. Puisque les trois États pionniers ont prévu de transmettre gratuitement leur savoir-faire en la matière aux autres cantons. Des cantons qui pourront également utiliser le Web pour la collecte de signatures pour les référendums d’initiative populaire. Une pratique qui requiert, par exemple, 50 000 signataires à l’échelon fédéral. En Suisse, le marketing viral politique a encore de très beaux jours devant lui.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Nicolas Arpagian