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Les opérateurs mobiles alternatifs cassent les prix

Lâcher Orange, SFR, Bouygues Telecom ? Pourquoi pas ! Aujourd’hui, une quarantaine de “ petits opérateurs ” proposent des offres mobiles à bas prix. Leur stratégie : la chasse aux coûts, sans rogner sur la qualité.

Qui n’a jamais rêvé de payer uniquement ce qu’il consomme avec son téléphone mobile ? De disposer d’une formule qui corresponde exactement à ses besoins ? Dans un contexte de crise, les MVNO (Mobile Virtual Network Operators, ou opérateurs mobiles virtuels, qui ne sont pas propriétaires d’un réseau mais simplement locataires) apportent des solutions à très bas prix, se démarquant ainsi nettement des grands opérateurs. Avec leurs offres prépayées ou postpayées, à la minute, à l’heure, au mois, à la carte, avec ou sans engagement, les MVNO chahutent le marché. À leur actif, des prix serrés, des formules flexibles, une bonne dose de créativité, un vrai souci de transparence et de simplicité… et un réseau mobile de qualité puisqu’ils utilisent celui de leurs illustres aînés ? Orange, SFR et Bouygues Telecom.Longtemps balbutiante, l’offre de ces acteurs commence à donner de la voix, portée par la crise économique… et un excellent bouche-à-oreille. Depuis leur première apparition en 2005, ils n’ont cessé de proliférer dans un contexte pourtant très tendu. “ Le MVNO est un coucou, qui fait son nid chez les autres, surcharge votre réseau, n’investit pas et prend zéro risque ”. Martin Bouygues, patron de Bouygues Telecom, n’était pas tendre en 2008 lorsqu’il commentait la présence de ces nouveaux concurrents. Mais depuis, les opérateurs mobiles historiques ont semble-t-il trouvé un intérêt à ces “ coucous ” qui font maintenant partie intégrante de l’univers de la téléphonie mobile. Bouygues Telecom en abrite huit sur son réseau, Orange une douzaine et SFR une vingtaine. Plutôt malins, ils ont eux-mêmes créé leur concurrence afin d’en tirer tous les bénéfices, soit en nouant des partenariats qui leur assurent un retour intéressant, soit en créant des accords de “ licence de marques ”. Dans cette dernière configuration, c’est l’opérateur qui recrute et gère les clients de bout en bout ? réseau, service, facturation. Un positionnement complémentaire qui lui apporte une nouvelle visibilité sur le marché. “ Les licences de marques sont des partenaires qui viennent compléter ou rendre plus efficace notre proposition de valeur ”, souligne Franck Morales, directeur des relations avec les MVNO chez Orange. Avec M6 Mobile, par exemple, l’opérateur a gagné une clientèle plus jeune, tout comme Bouygues Telecom avec Universal Music Mobile. Les adolescents y trouvent de la musique, des actus jeux vidéo, DVD, cinéma, des divertissements, des services communautaires, l’accès aux réseaux sociaux, le tout au sein de forfaits bloqués. Aujourd’hui, les licences de marques représentent un parc important sur le marché français. Selon Franck Morales, “ elles connaissent une belle progression. Cela fait partie de l’arsenal que nous avons pour recruter des clients sur notre réseau mobile ”.Mais, à côté de ce que l’on pourrait appeler des “ faux concurrents ”, de vrais MVNO ont réussi ? à force d’injonctions de l’Autorité de régulation des télécoms ? à émerger. Eux (Auchan Telecom, Coriolis Télécom, NRJ Mobile, Prixtel…) achètent des minutes de communications en gros à Orange, Bouygues ou SFR, pour les revendre sous leur marque à leurs abonnés. Un modèle, longtemps fragile, qui semble plus pérenne aujourd’hui. Au total, on compte une quarantaine de MVNO en France. Ils totalisent 3,8 millions de clients, soit 6,3 % d’un marché qui compte 62,6 millions de lignes mobiles, selon l’Arcep (septembre 2010). Ils séduisent 25 % des nouveaux clients mobiles, même si leur taux de pénétration est encore très faible. C’est dû principalement au fait que ces offres sont distribuées en grande partie sur Internet ou via des circuits de distribution parallèles (banques, grandes surfaces). Elles n’ont pas non plus une couverture publicitaire suffisante pour être connues du grand public et, autre inconvénient, les smartphones de dernière génération ne sont généralement pas tout de suite présents dans leurs catalogues. Il n’empêche que c’est l’indépendant Virgin Mobile qui prend la place de quatrième opérateur mobile français derrière le trio historique. Virgin Mobile rassemblait 1,7 million de clients à la fin 2010 et prévoit d’en réunir 2 millions en 2011. Commercialisé par Omea Telecom (Opérateur Mobile Alternatif, qui détient également Tele2 Mobile, Breizh Mobile et Casino Mobile), Virgin est suivi par NRJ Mobile (racheté par le Crédit Mutuel en 2008 qui propose aussi les marques Crédit Mutuel Mobile, CIC Mobile) et ses 750 000 clients. La percée de NRJ Mobile en 2010 est significative de l’évolution du marché. L’opérateur a réalisé près de 50 % des ventes totales des MVNO grâce à la commercialisation de ses forfaits Ultimate qui intègrent les SMS, Internet et les e-mails, le tout en illimité 24 h/24 et 7 j/7 à des prix vraiment attractifs (à partir de 29,99 euros/mois). Derrière les deux locomotives Virgin Mobile et NRJ Mobile se pressent une kyrielle d’autres marques et sous-marques qui rivalisent d’ingéniosité pour séduire différents publics.

Des offres hyperciblées

“ Un MVNO doit avoir une valeur différente sur le marché, pas forcément au niveau du prix ? même si nous sommes les moins chers ? mais se différencier par ses spécificités, ses fonctionnalités, avec des moyens de distribution différents ”, développe Jacques Bonifay, le président du MVNO Transatel, par ailleurs président de l’association Alternative Mobile, qui regroupe dix opérateurs mobiles virtuels indépendants (Afone, Auchan Télécom, Carrefour Interactive, Coriolis Télécom, KPN France, NRJ Mobile, Omea Télécom, Transatel, Lebara et Prixtel). “ Nous nous concentrons sur des segments de marché plus précis avec des offres plus typées. ” Souvent basés en province, ces opérateurs visent une cible régionale (Breizh Mobile, Bazile Mobile) ou des populations très spécifiques (familles, seniors, étrangers, jeunes…). Bazile Mobile se démarque entre autres par une offre seniors avec des téléphones ultra-simples.Les segments ethniques sont également porteurs : Ortel Mobile, dédié aux communautés multiculturelles basées en France, propose des cartes prépayées avec des tarifs préférentiels vers l’international, et plus précisément les pays d’Afrique (Algérie 0,25 euro/min ; Sénégal 0,35 euro/min), tout comme Symacom Mobile, avec des recharges Afrique, et Lebara Mobile, spécialiste des appels internationaux, ou encore Budget Mobile qui affiche 200 destinations dans le monde. Transatel privilégie les frontaliers qui circulent hors de France vers la Suisse, les Pays-Bas ou la Belgique. Ils peuvent choisir une offre mixte qui leur permet d’appeler au tarif local lorsqu’ils sont dans l’un de ces trois pays. L’opérateur Connexion Verte s’est spécialisé dans le milieu rural, Auchan Telecom et Carrefour Mobile sont très présents en régions grâce à un puissant réseau de distribution. Les banques et la grande distribution se sont en outre fortement impliquées sur ce marché émergent, fortes d’une base clients très importante et facilement accessible via leur large couverture de guichets ou de magasins. “ Les grandes surfaces ont une marque forte, et il est légitime pour elles de vendre de la téléphonie prépayée. Cela s’intègre dans leur programme de fidélité et dans une réflexion vers le futur paiement par mobile ”, explique-t-on. Les banques, elles, adoptent une politique de vente très agressive à travers leur réseau de conseillers en contact direct avec la clientèle. Là aussi, les offres sont bien ciblées avec des formules souples adaptées à chaque profil ? les offres familles, les offres jeunes avec ou sans plafond (Crédit Mutuel Mobile, CIC Mobile) ? et bien sûr les services bancaires accessibles directement sur le mobile. Même démarche pour La Poste qui va bientôt lancer son offre en s’associant avec SFR pour le réseau. La Poste Mobile compte attirer 1,5 à 2 millions d’abonnés d’ici à quatre ans, par le biais de ses 11 000 bureaux.

La liberté de choisir… et de résilier

Sur Internet, Simplicime, Simyo, Zero Forfait ou encore le dernier-né Sim+ jouent à fond la carte du low-cost en multipliant les offres avec ou sans téléphone inclus, cartes prépayées, à la minute ou au forfait, limités ou illimités, avec ou sans engagement. Au niveau des services, pas de restrictions : portabilité du numéro, répondeur, double appel, report des minutes, centre d’appels, tout y est. Le client choisit le plus juste prix en fonction de ses besoins, comme l’explique Thierry, 42 ans, du Loiret : “ Je fais près de 10 euros d’économies par mois depuis que j’ai quitté mon ancien opérateur pour Simyo, grâce au tarif à 19 centimes par minute […]. Mon épouse a fait le pas récemment. À nous deux, c’est près de 250 euros d’économies par an sur notre budget de téléphonie. ” Mais, au-delà de l’aspect financier, le challenge pour ces petits opérateurs est de proposer non seulement des offres attractives et souples, mais aussi d’instaurer un climat de confiance. Car qui dit liberté de choix dit aussi possibilité d’être quitté à tout moment, sans préavis. Certains opérateurs dits low-cost apportent ainsi beaucoup d’attention à leur service aux clients… là où d’autres tirent à l’économie jusqu’au bout. Serveur vocal contre centre d’appels, temps de réponse plus ou moins long, efficacité du service, le consommateur fera vite la différence. Et un client satisfait sera le meilleur porte-voix pour la promotion de la marque, une démarche encouragée par un système de parrainage rémunérateur.Dans la course aux abonnés que se disputent désormais petits et grands opérateurs mobiles, c’est un peu David contre Goliath. Seule l’ingéniosité des premiers pourra les amener à se développer face à la puissance des seconds. “ On est encore loin de saturer le marché en terme d’idées et d’innovations ”, assure Jacques Bonifay. L’arrivée en 2012 d’un nouvel acteur ? Free Mobile ? devrait lui donner raison, et encore accélérer le jeu de la concurrence.

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Frédérique Crépin et Christofer Ciminelli