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Les ministres européens adoptent une position radicale sur le brevet logiciel

Le Conseil européen des ministres a adopté hier une nouvelle mouture de la directive sur les brevets logiciels. Elle remet en cause les amendements du Parlement européen, qui en limitaient l’étendue.

Le Conseil européen des ministres, qui s’est réuni ces deux derniers jours à Bruxelles, a adopté hier à la majorité qualifiée une nouvelle mouture de la directive européenne concernant ‘ les inventions mises en ?”uvre
par ordinateur ‘
.Le texte, dit ‘ de compromis ‘, a frôlé le rejet, puisque l’Espagne a voté contre, et que la Belgique, l’Italie et l’Autriche se sont abstenues. Les Allemands, qui prétendaient vouloir s’opposer au texte, l’ont
finalement soutenu, ainsi que d’autres pays sceptiques, comme la Lituanie et la Pologne.La version intégrale du texte des 25 n’est pas encore publiée, mais ce qui en est connu montre qu’il est calqué sur la proposition de la présidence irlandaise, favorable aux brevets logiciels. Le texte voté hier a rejeté une quarantaine
d’amendements sur les 64 votés en septembre dernier par les députés européens. Ces derniers avaient, à cette époque,
limité le champ de la brevetabilité logicielle.Par exemple, sur la question clé de ce qui peut ou non être breveté, les députés avaient clairement établi une différence entre les logiciels purs, considérés comme non brevetables, et des inventions mettant en ?”uvre des
logiciels qui le seraient sous certaines conditions (avoir une application industrielle innovante). Le texte voté à Bruxelles s’avère au final beaucoup moins explicite.

Le Gouvernement français satisfait

Dans un communiqué, le ministre délégué à l’Industrie, Patrick Devedjian, considère pourtant que le texte adopté prend en compte les ‘ préoccupations majeures du Parlement européen ‘
et
permet ‘ de mieux définir le champ de la brevetabilité et la notion de contribution technique (…) Le texte du Conseil stipule sans ambiguïté que les méthodes, algorithmes, idées et programmes d’ordinateurs ne peuvent
être brevetés en dehors d’une application technique identifiée. Par exemple, une invention qui utilise de façon nouvelle et non évidente un logiciel pour piloter le freinage d’une voiture peut être brevetée. A l’inverse, faute
de caractère technique spécifique, un logiciel bureautique ou de traitement de données financières ne peut être revendiqué dans un brevet d’invention. ‘
Les opposants aux brevets logiciels ne sont pas de cet avis, loin s’en faut. Dans un communiqué, le Groupe des Verts européens regrette que les ministres aient ‘ adopté un texte qui, malgré quelques modifications
cosmétiques, légalise le brevet logiciel au sein de l’UE ‘.
Les Verts pointent également les ambiguïtés du texte, et donnent pour exemple l’article 4 qui, selon eux, ‘ “trompette” que les logiciels ne sont pas brevetables ‘
tandis que
l’article 5 ‘ mentionne les revendications logicielles, qui permettent le dépôt de brevets non techniques ‘. Pour eux, le compromis bruxellois rend la directive encore plus
‘ pro-brevets ‘ que le texte initial de la Commission, qui ne contenait pas les revendications logicielles.La FFII considère elle que ce texte ‘ demeure aussi pro-brevets et sans compromis que la proposition originale de l’Irlande ‘. De nombreux éditeurs de logiciels français indépendants
avaient écrit le 12 mai dernier à Jacques Chirac, pour demander à la France de s’opposer au texte de la présidence irlandaise, reprenant selon eux ‘ le projet déjà déséquilibré de directive de la Commission européenne en
en renforçant les déséquilibres ‘
. Une lettre demeurée poste restante…

L’avenir de la directive dans le flou

Selon Jacques Le Marois, président de Mandrakesoft, le texte du Conseil des ministres a été confié aux représentants de différents offices nationaux des brevets, qui sont de facto favorables aux brevets logiciels.
‘ L’heure est désormais à la mobilisation, notamment auprès des candidats aux élections européennes ‘
explique-t-il. Pour lui, il faudrait que les gouvernements européens reprennent le dossier au début,
en écoutant d’autres voix que celles des experts en brevets : éditeurs, professeurs, économistes…Le devenir de la directive européenne est loin d’être scellé. Le texte doit désormais repartir pour Strasbourg, mais seulement après les élections européennes. Les nouveaux députés devront d’abord décider s’ils confirment la première
lecture de leurs prédecesseurs, et voter éventuellement, du fait du renouvellement de sa composition, de nouveaux amendements. Le Parlement peut également décider de reprendre le dossier de zéro, et repartir alors pour une première lecture.Dans tous les cas de figures, le Parlement et le Conseil devront réussir à s’entendre à terme sur un texte de compromis, par l’intermédiaire d’une procédure de conciliation. Si aucun compromis n’est possible, la directive pourrait tout
simplement être abandonnée, par vote du Parlement.Selon une conseillère du Groupe des Verts, la Commission pourrait elle-même retirer son projet de directive, ce qui, selon elle, ‘ ne serait guère étonnant ‘ dans lhypothèse où la mouture
finale restreindrait trop la brevetabilité logicielle.

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Guillaume Deleurence