Passer au contenu

Le tribunal, un remède pire que le mal ?

Non-respect des délais, manquement au devoir de collaboration : deux problèmes fréquemment portés devant les tribunaux.

L’un des plus gros chantiers de refonte applicative de ces dernières années se trouve dans l’impasse. Pourtant, Optimia Cible était prometteur. Il devait doter EDF-GDF d’un système ultra-performant de gestion de la clientèle. IBM, choisi pour remplir le double rôle de maître d’ouvrage et de maître d’?”uvre, mesure au fil des mois la difficulté à mener à bien un tel ouvrage. Résultat : les nombreuses exigences de départ se réduisent comme une peau de chagrin, les délais explosent, tout comme le budget, évalué à 2 milliards de francs. Aujourd’hui, l’opposition entre client et prestataire est soumise à l’expertise du tribunal de commerce de Paris, désormais seul compétent. Si l’issue du jugement est incertaine, le projet, lui, est bloqué.Non-respect des délais et manquement au devoir de collaboration du client se trouvent fréquemment au centre des affaires portées devant les tribunaux. Dans l’exemple d’Optimia Cible, les deux problèmes se sont superposés. La jurisprudence fourmille de cas similaires. Ainsi, le 5 novembre 1999, la huitième chambre de commerce d’Aix-en-Provence a stigmatisé ce type de dérapage. Le problème posé aux magistrats, lors du procès d’appel, consistait à déterminer si le client – en l’occurrence, le groupe Leader – avait résilié de façon abusive son contrat avec son prestataire Telemacom SA. Après examen des documents contractuels, les magistrats ont souligné le fait que le client avait demandé de nouvelles fonctionnalités au cours de l’exécution du contrat. Ce qui démontrait que les parties s’étaient mises d’accord pour un calendrier indicatif. De plus, la cour rappelle que le client ne peut mettre fin unilatéralement à un contrat sans avoir ” tout ” essayé pour le mener à son terme.

Prévoir les évolutions opérationnelles

n problème avec un prestataire ou un fournisseur devient assez facilement un chemin de croix judiciaire : pourvoi en appel, voire ultime retour devant la Cour de cassation. Ces pérégrinations ont un coût souvent rédhibitoire, estimé par les spécialistes à environ 10 % de celui du projet lui-même. En prenant pour exemple un projet de 10 millions de francs, le coût du contentieux peut atteindre 1 million. Une expertise amiable, dans le cadre d’une tentative de redressement de projet, revient à environ 100 000 francs. Il faut compter 300 000 francs de plus avec l’analyse du dossier par un expert indépendant. Le suivi d’un contrat informatique par un juriste spécialisé coûte de 50 000 à 300 000 francs.Ce chapelet de surcoûts ne doit pas faire fi du projet lui-même. “La dimension juridique doit coller au caractère purement opérationnel du projet informatique, complète Christiane Féral-Schuhl, avocat au barreau de Paris. Ainsi, un contrat doit accompagner le projet quels que soient sa dimension et son périmètre. ” Et aussi des évolutions non prévues au départ, comme c’est le cas pour de plus en plus de projets actuels. En effet, “lorsqu’on signe un contrat, le périmètre a déjà changé, ou il est en cours de changement“, estime Christiane Féral-Schuhl. Un contrat figé est donc source de contentieux. Un imbroglio juridique sans fin peut succéder à un ratage ” simplement technique “.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Michel Derczansky