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“Le retournement conjoncturel n’a pas de sens “

Le groupe Dow Jones ne perdra pas d’argent en 2001, même dans ses activités en ligne : fort de ses 600 000 abonnés payants, WSJ.com est un site rentable.

Journaliste, Peter R. Kann couvre la guerre du Vietnam de 1969 à 1975. En 1972, il obtient le prix Pulitzer pour son travail de terrain, un an plus tôt, sur la guerre indo-pakistanaise. Au milieu des années 1970, il franchit la frontière qui sépare le journaliste de l’éditeur, en devenant le premier patron de The Asian Wall Street Journal. L’ascension commence. Elle le conduira en juillet 1991 à la fonction de PDG de Dow Jones & Company, maison mère du Wall Street Journal et d’une myriade de sociétés actives dans le domaine de l’information économique et financière. Dow Jones & Company pèse 2,65 milliards d’euros de chiffre d’affaires (bénéfice net 2000 : 155 millions d’euros), dont 518 millions pour le segment publications électroniques. Le groupe américain est aussi propriétaire de l’indice-phare éponyme de la Bourse de New York .Dow Jones & Company a annoncé récemment la mise en ?”uvre d’un plan de restructuration prévoyant le départ de 550 personnes sur un effectif global de 8 500 employés. Les revenus publicitaires de votre entreprise ont baissé de 39 % au cours des cinq premiers mois de 2001. C’est la récession ? Non. Il faut d’abord rappeler que les revenus de la publicité n’ont cessé de grimper au cours des cinq dernières années. De janvier à mai 2000, nous avions même enregistré une hausse de 35 % des volumes de pub, et plus encore en valeur. L’année 2000 a été exceptionnelle, une véritable ” bulle économique ” ! Je puis donc difficilement me dire choqué par le retournement conjoncturel aigu et soudain que nous subissons depuis plusieurs mois, même s’il me semble aussi irrationnel que le mouvement de hausse de l’année passée. Par ailleurs, le déclin des insertions publicitaires provient essentiellement de deux secteurs, particulièrement importants pour Dow Jones & Company : la haute technologie ainsi que la finance, qui comptent chacun pour 25 % de nos volumes de pub. En revanche, les fabricants de matériel informatique, les sociétés immobilières, comme les sociétés de conseil ou les fabricants d’automobiles, continuent à acheter des espaces publicitaires. Dow Jones & Company va- t-elle perdre de l’argent cette année ? Sûrement pas ! Nous allons en gagner un peu moins… Si le recul de la publicité affecte nos publications, il ne faut pas pour autant oublier que certaines des nos activités restent insensibles à cette conjoncture, comme notre division Newswires [le fil d’informations financières de Dow Jones, ndlr] ou la filiale que nous détenons à parts égales avec Reuters, Factiva.com [commercialise les informations financières et économiques des deux partenaires]. Précisément, n’est-il pas un peu malsain que deux leaders mondiaux de l’information économique et financière s’unissent pour lancer un service commercial commun à la rentrée ? Il faut distinguer deux activités : l’information et le business. En matière de diffusion de l’information économique et financière, la concurrence continue à faire rage entre les équipes de Reuters et celles de Dow Jones. En revanche, il nous semble beaucoup plus efficace d’intégrer sur une seule plateforme les informations diffusées jusqu’à présent auprès du monde de l’entreprise par Dow Jones Interactive et Reuters Business Briefing. Car nous sommes complémentaires : Reuters occupe des positions de marché fortes principalement en Europe, tandis que Dow Jones est surtout puissant aux États-Unis. En matière de services électroniques, le site d’information en ligne WSJ.com présente les particularités d’être payant depuis son lancement en 1996 et d’être rentable. Ce n’était pourtant pas très à la mode à l’époque…Pas mal de gens se sont moqués de nous quand nous avons annoncé notre intention de faire payer un abonnement à WSJ.com. On nous accusait de ne pas arriver à comprendre qu’internet était un nouveau média, gratuit, on nous disait qu’il était absurde de vouloir appliquer au réseau les schémas de la vieille économie. Mais, aujourd’hui, plus personne ne remet en cause notre choix… En pleine récession publicitaire, je me réjouis que près de 600 000 personnes soient des abonnés payants, ce qui irrigue nos finances [en l’an 2000, le chiffre d’affaires de WSJ.com s’est élevé à quelque 50,1 millions de dollars soit plus de 57 millions d’euros]. Dow Jones investit pas mal d’énergie et d’argent sur le marché européen. Atteignez-vous vos objectifs de croissance ? Nous nous sommes fixés comme objectif interne d’atteindre le chiffre de 3 millions de ventes quotidiennes payées dans le monde. En Europe, nous souhaitons que les ventes de l’édition papier du Wall Street Journal Europe atteignent 140 000 exemplaires par jour d’ici à 2004. Nous en sommes actuellement à un peu plus de 100 000. Si vous ajoutez à cela nos ventes aux États-Unis (1 850 000 exemplaires par jour), en Asie (100 000 exemplaires) et nos quelque 600 000 abonnés à WSJ.com (dont 60 000 à peine en Europe), nous arrivons à un total de l’ordre de 2 650 000 exemplaires. Au-delà des chiffres, ce qui compte vraiment pour nous, c’est la courbe de croissance, le fait que les abonnés renouvellent leurs abonnements et que les annonceurs continuent à nous accorder leur confiance. Vous avez des projets en France ? Il y a une dizaine d’années, nous avons eu un investissement minoritaire dans le groupe L’Expansion, mais cela n’a pas très bien marché. Pour le moment, nous n’avons pas de plan particulier en France, mais si un projet intéressant nous était présenté par un groupe d’édition de premier plan, nous l’analyserions évidemment. Même si un éventuel projet n’implique aucune participation en capital.

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Michel Gassée