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Le retour du sablier numérique

Vous faites la cuisine? Oui? Non? Moi, si. Avant, j’avais un beau sablier, je l’ai remplacé par un minuteur pour cuire mes ?”ufs. Mais les fabricants de sabliers sont des malins: ils les fourguent désormais aux webmasters.Par Jean-Christophe Courte

Dans ma cuisine, j’ai un truc génial pour faire cuire les ?”ufs. Quand je l’oublie sur son étagère, ça se termine en ?”uf dur ! Vous aviez compris, j’utilise un minuteur, un truc rouge assez moche, à gros bouton blanc et à échelle de temps sérigraphiée en noir. On fait tourner le gros bouton jusqu’au temps souhaité et hop ! on peut aller voir ailleurs.Avant, j’utilisais un gros sablier, mais j’oubliais parfois de le retourner et, surtout, il ne sonnait pas une fois le dernier grain de sable passé. Un jour, il n’y avait plus d’eau dans la casserole, et ce qui restait au fond n’était pas particulièrement mangeable… Quelle horreur ! De beaux ?”ufs de ferme avec un gros jaune bien clair, tout racornis.Aujourd’hui, pas de souci : dring, et j’arrive avec mes mouillettes chaudes au beurre salé, je cloque l’?”uf dans son coquetier, un coup sec avec la lame du couteau… Délice. Les fabricants de sablier ont dû sentir que leur produit avait du gravier dans l’aile. C’est que les ventes devaient dégringoler, avec tous ces sales minuteurs.Alors, il y en a un plus malin qui s’est dit ” faut qu’on soit sur Internet “. Bien vu ! Depuis, il y a plein de pages qui proposent, en guise de contenu, un sablier. Le problème, outre qu’ils m’agacent prodigieusement, c’est que ces sabliers ne sont pas bien étalonnés. Ils tournent tout bêtement sur eux-mêmes au bout de 5 secondes (comment voulez-vous que je fasse cuire mes ?”ufs trois minutes avec ça ?). Certains affichent une nouvelle page au bout de 40 secondes ou plus (marrant de croire que l’?”uf mollet se cuit aussi vite, même si on le plonge dans une eau frémissante). D’autres soulignent leur rotation régulière par le mot Patience. Je suis patient : je reviens fréquemment sur ces pages-là pour vérifier. Et ” ils ” n’arrivent pas à le régler. On envoie des hommes sur la lune et on n’arrive pas à ajuster des sabliers. Dingue !Faut dire qu’après le sablier, on découvre de sacrées belles images, qui n’arrêtent pas de bouger dans tous les sens. À croire qu’elles veulent souligner qu’elles n’ont rien à voir avec le nabot qui les précédait à l’écran. Ces images, c’est généralement des trucs assez compliqués, jolis, plein de couleurs. Mais, pour en profiter, faut d’abord attendre que le sablier cabot ait fini son numéro de cirque. Et ça, je ne peux plus le supporter, même s’il change de couleur.Les fabricants de sablier sont bons pour repenser leur campagne de pub. Ils devraient peut-être s’associer au fabricant de coucou suisse (*) qui a conçu un temps universel pour Internet et bat le même beat pour toute la planète.
En attendant le partenariat qui tue, et comme je les supporte plus tous ces foutus sabliers numériques, je vous le dis, chers fabricants de sabliers : arrêtez de faire l’?”uf et pondez-nous un truc du XXIe siècle.(*) Cest Swatch qui a inventé le beat en 1999. Il propose des montres, et même un logiciel sur PC pour compter ainsi le temps. À consulter sur http://www.swatch.com/internettime/beatnik_fs_time.htmlProchaine chronique le samedi 3 juin

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Jean-Christophe Courte