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Le Parlement veut tempérer les pouvoirs de la Cnil

Le projet de loi qui vient d’être adopté par le Sénat adapte la loi Informatique et Libertés et enterre la distinction entre le public et le privé. Désormais, seules les données à caractères sensibles feront l’objet d’une déclaration
préalable à la Cnil.

La loi Informatique et Libertés a été votée à l’époque pré-web, en 1978. Vingt-cinq ans après, le Sénat a d’adopté, mardi soir, en première lecture, une série de mesures visant à adapter la législation aux technologies actuelles et à
promouvoir les principes d’une ‘ culture
Cnil ‘. Avec une différence de taille : ce toilettage repose en grande partie sur la bonne volonté des détenteurs de fichiers informatiques.Le secteur public va ainsi bénéficier d’une importante bouffée d’oxygène. Jusque-là, explique Christophe Pallez, le secrétaire général de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), ‘ le
service public devait systématiquement demander un avis à la Commission pour constituer tout fichier quand le secteur privé n’avait besoin que de les déclarer ‘
. Une obligation méconnue qui pourrait, selon Alex Türk,
rapporteur du projet de loi au Sénat et vice-président de la Cnil, ‘ aboutir à des mises en cause d’élus locaux ‘.D’où une loi modifiée qui ne distingue plus privé et public mais données sensibles et non sensibles. Dorénavant, mairies comme entreprises n’auront plus qu’à déclarer leurs fichiers, sans demander un avis préalable. A l’exception de cas
définis par la loi modifiée : fichiers contenant des opinions philosophiques, religieuses, sexuelles, des informations de santé, des données biométriques, génétiques, de police ou de sécurité, des infractions…
‘ Pour les entreprises, ces catégories devraient concerner quelques centaines de fichiers, sur les dizaines de milliers aujourd’hui déclarés ‘, précise Christophe Pallez.

La Commission va devoir évoluer

Ces nouvelles obligations pourraient inciter à la mise en place d’un réseau de ‘ correspondants Cnil ‘. Créés à l’initiative du Sénat, ceux-ci serviront d’interface entre la Commission et leurs employeurs. Ils
ne pourront pas faire l’objet de sanction dans le cadre de cette mission. Sans pour autant disposer de pouvoir de contrôle. Les correspondants seront, en effet, désignés par leurs employeurs, sans agrément de la Cnil. Et, surtout, seront
facultatifs.‘ Puisque de nouvelles règles apparaissent, nous voulions être certains que la Cnil ait des interlocuteurs stables dans les entreprises, pour pouvoir établir un partenariat de respect et de confiance,
explique Philippe Prolix, un des sénateurs ayant participé aux débats. Par contre, il n’est pas question de rendre les correspondants obligatoires, nous ne voulons pas exercer de tutelle sur les
entreprises. ‘
De fait, le texte adopté par le Sénat laisse plus de flexibilité aux entreprises. La création de fichiers d’infractions par des personnes privées deviendra ainsi possible. De quoi légaliser des bases de données aux limites de la
légalité, comme Préventel, le fichier des ‘ mauvais payeurs ‘ mis en place par les opérateurs de mobile. Autre coup de pouce, l’interdiction pour la Cnil de faire état publiquement de sanctions si le contrevenant est
considéré de bonne foi.Pour conserver son efficacité, la Commission va donc devoir évoluer. Et, sans doute, s’élargir. ‘ Beaucoup de parlementaires ont souligné que la Cnil dispose d’effectifs faibles par rapport à ses homologues
européens
[80 personnes, contre 110 en Grande-Bretagne et 250 en Allemagne, NDLR], poursuit Christophe Pallez. Aujourd’hui, trente contrôles physiques sont effectués chaque année, l’ambition serait de multiplier ce
chiffre par trois ou quatre. C’est important puisque nous nous dirigeons vers un système où nous aurons moins la capacité de bloquer a priori ‘
.L’objectif reste toutefois lointain. Le projet de loi devra en effet être relu par l’Assemblée puis, peut-être aussi, par le Sénat. La loi Informatique et Libertés revue et corrigée ne devrait donc voir le jour qu’à lautomne.

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Ludovic Nachury