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Le modèle de Nintendo à l'épreuve de ses nouveaux concurrents (4/5)

Notre source chez Big N continue ses confidences. Aujourd’hui, il nous décrit le « modèle Nintendo » de relations avec les développeurs et les distributeurs, qui met selon lui en péril l’avenir de la société.

L’arrivée d’Apple, avec son iPhone et son App Store, a totalement bouleversé le paysage du jeu mobile. Le peu de fonds à avancer pour le développement et la flexibilité du modèle de vente ont eu pour effet d’attirer une multitude de petits studios et d’éditeurs indépendants, alléchés par ces perspectives totalement nouvelles.

Quand Apple a dévoilé sa politique de jeux à 99 cents (85 yens), Nintendo est resté, en apparence, imperturbable. Du côté de Nintendo of America, pas d’inquiétude : Apple n’était pas un concurrent. Dans les pages du Times, on apprenait pourtant, de sources proches du fabricant, que Satoru Iwata avait demandé à ses collaborateurs de considérer Apple comme « l’ennemi de l’avenir ».

Panique à bord

De l’avenir ? A en croire notre source interne, l’irruption d’Apple, avec sa stratégie très agressive et conquérante, a causé une véritable tempête dans la société. A haut niveau, le problème a été évoqué de manière très explicite : « Apple était en train de saborder des décennies de travail d’“acclimatation” », nous a confié notre contact.

Depuis belle lurette, l’une des grandes fiertés – jamais revendiquée en public – de la direction était d’être parvenue à faire accepter son modèle aux joueurs autant qu’à tous ses partenaires, en premier lieu les éditeurs tiers. Ce que notre interlocuteur résume par : « Nintendo disait la loi, et les mécontents n’avaient qu’à aller voir ailleurs. »

L’approche autoritaire…

La marche vers la dématérialisation, véritable cauchemar pour Nintendo, met en péril l’un de ses plus vieux bastions : le monopole sur la production des cartouches, une « taxe de 30 % » pas toujours bien vécue par les éditeurs tiers.

A l’ère des smartphones, une telle contrainte est encore plus difficile à supporter. Apple ou Google, par exemple, ne facturent leurs frais qu’une fois la vente réalisée. Alors que le mode de fonctionnement de Nintendo fragilise la conception même des jeux. « Les développeurs [et en particulier les petites structures, NDLR] doivent souvent faire de nombreuses coupes dans leurs jeux parce qu’ils ne peuvent pas financer l’avance nécessaire pour la taille de cartouche dont ils auraient besoin. »

…un modèle moribond

Sur certains points, le modèle des deux géants américains est l’antithèse de celui de Nintendo. Apple, notamment, a abaissé le ticket d’entrée pour les éditeurs afin de favoriser une production de masse (avec d’autres effets pervers comme le manque de visibilité et une qualité pour le moins inégale). La firme de Cupertino a également établi une politique tarifaire très attrayante pour le joueur. Une décision jusqu’alors « inimaginable pour une société qui a habitué “ses” consommateurs à payer plusieurs dizaines de dollars ou d’euros pour des jeux mobiles », nous a confié notre source.

La politique autoritaire de Nintendo, estime-t-elle, pouvait se comprendre durant une période de relative hégémonie, mais elle est aujourd’hui dépassée. Une remarque qui vaut pour les diktats imposés aux distributeurs – notre source nous raconte que Nintendo avait « fortement incité » plusieurs grandes chaînes de magasins à faire le plein de titres N64 alors même que la console était en fin de vie – mais aussi aux éditeurs.

Selon notre contact, « les éditeurs les plus prestigieux tremblent encore devant Big N ». Exemple : « Konami avait ainsi prévu de sortir Asphalt 3D sur le territoire japonais pour le lancement de la 3DS, à côté de la version japonaise de PES 2011 3D. Mais Ridge Racer 3D, de Namco Bandai, était déjà dans les starting-blocks, et Nintendo a mis son veto. Asphalt 3D n’est finalement sorti au Japon que deux semaines plus tard. » Avec une telle politique, affirme notre source, « Nintendo lèse à la fois ses clients et ses partenaires, et se tire en même temps une balle dans le pied ».

La preuve par le DSiWare

Même dans le domaine relativement neuf – et porteur – du jeu dématérialisé, la méthode Nintendo se démarque profondément de celle de ses principaux concurrents. Ainsi, une fois le prix fixé, les développeurs perdent tout contrôle sur lui.

Alors qu’il suffit d’un simple clic pour changer le prix d’une application sur l’App Store ou l’Android Market, la firme de Kyoto ne laisse aucune marge de manœuvre à ses partenaires. Pire, elle s’oppose généralement à toute réduction. La raison est toujours la même : « Il ne faut pas habituer les joueurs à des baisses de prix, de peur qu’ils ne retardent leur achat dans l’espoir de faire des économies. »

Comment, dans ces conditions, gérer rationnellement le cycle de vie d’un jeu dématérialisé ? La politique de Nintendo est d’autant plus mal vécue que la société se réserve, évidemment, tous les droits quand il s’agit d’assouplir ses propres prix… parfois jusqu’à la gratuité totale, comme c’est le cas pour les vingt titres offerts aux « ambassadeurs 3DS ».

Vingt classiques de la NES et de la Game Boy Advance (dont nombre de titres prestigieux) proposés gratuitement aux premiers acheteurs de la 3DS ! Voilà qui fera sûrement plaisir à ceux qui n’avaient pas pu bénéficier de la spectaculaire et rapide baisse de prix de la console… mais beaucoup moins aux développeurs du DSiWare, qui sont nombreux à voir là un exemple de cette « concurrence déloyale » qu’ils estiment subir régulièrement de la part du maître de céans. Sur ce plan, notre source maintient que Nintendo doit « revoir entièrement sa copie… ou payer de lourdes conséquences dans un avenir proche, comme une hémorragie de développeurs ».

Lire le premier épisode : La 3DS, une portable lancée du mauvais pied (1/5)
Lire le deuxième épisode : Wii U, un développement à problème (2/5)
Lire le troisième épisode : Nintendo et la création : le poids du mythe et la réalité (3/5)


Notre série d’articles sur Nintendo se poursuit toute la semaine. Retrouvez demain le dernier épisode des confidences de notre source, où elle dresse le bilan de ce qu’elle appelle une crise profonde et nous livre un message d’espoir.

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La rédaction