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Le MIT a peut-être résolu le principal frein au développement des réacteurs à fusion nucléaire

Saint Graal rêvé, car promesse d’énergie propre « infinie », la fusion a peut-être franchi un cap le week-end dernier, au sein du Massachussetts Institute of Technology. Des chercheurs ont testé un nouveau type d’aimant pour confiner le plasma en fusion et produire plus d’énergie que consommée.

Dimanche dernier, aux aurores, à quelques encablures de Boston, à quelques rues de la superbe Charles river, le futur a pris forme. Le futur de la production d’énergie, en tout cas.

Dans les laboratoires du MIT, des chercheurs du Plasma Science and Fusion Center (PSFC), et la start-up Commonwealth Fusion Systems, ont réussi un test d’importance : s’assurer que le nouvel aimant qu’ils ont créé permettra à un tokamak, une machine à fusion de la forme d’un donut, de fonctionner et d’atteindre un point de production d’énergie nette. Autrement dit, cet aimant permettra le confinement du plasma de telle sorte que sa fusion produise plus d’énergie qu’elle n’en consomme.

Une bouteille pleine d’énergie

Schématiquement, un réacteur à fusion revient « à glisser une étoile dans une bouteille », pour reprendre les termes de Robert Mumgaard, CEO et cofondateur de Commonwealth Fusion Systems.

« Le tokamak étant la version la plus simple de cette bouteille. En l’occurrence, il s’agit d’un aimant qui contient et maintient le plasma à l’intérieur. Il isole le combustible, qui peut devenir très chaud », explique-t-il.

Chaud à quel point ? Cette fusion nucléaire est le phénomène exact qui alimente notre Soleil. Plus exactement, ce sont des isotopes d’hydrogène, appelés deuterium et tritium, qui sont au cœur de cette génération d’énergie. Deux petits atomes qui fusionnent pour en faire un plus gros, et qui produisent de facto une quantité énorme d’énergie et de chaleur. On parle de plusieurs centaines de millions de degrés Celsius. Il est donc évident que rien de solide sur Terre ne résiste à une telle température. Il faut donc établir un champ de confinement, et c’est là que l’aimant intervient. 

Il va contenir le plasma, créer « une sorte de bouteille invisible pour contenir la brûlante et tourbillonnante soupe de protons et d’électrons, appelée plasma », explique le site du MIT.

Le champ magnétique va suspendre le plasma pour l’empêcher d’entrer en contact avec les parois du réacteur.

Un champ magnétique surpuissant

L’aimant joue donc un rôle essentiel dans le développement d’un réacteur à fusion viable. La plupart des électroaimants utilisés dans ces structures recourent à du cuivre. L’ITER, un des plus grands et prometteurs réacteurs à fusion, qui est en cours de construction en France, utilise des supraconducteurs à basse température.

Pour rappel, les supraconducteurs sont des matériaux, qui, lorsqu’ils sont refroidis à des températures extrêmes, proches du zéro absolu, « acquiert la capacité de conduire parfaitement un courant électrique, sans résistance, et donc sans perte d’énergie », pour prendre la définition du CEA.

Les équipes du MIT ont pris un autre parti, en optant pour des supraconducteurs à haute température. Précisons que ce « haute température » peut être trompeur. On parle tout de même de 20 Kelvin, soit environ mois 250 degrés Celsius. Pourquoi « haute », alors ? Parce que les autres solutions requièrent des températures encore plus basses, de l’ordre de moins 270 degrés Celsius, ou 3 Kelvin.

D’après les chercheurs du MIT et de Commonwealth Fusion Systems, ce choix permet de produire un champ magnétique bien plus fort – de 20 Tesla – dans un espace bien plus petit. L’aimant qu’ils ont construit, et qui est identique, à part la taille, à celui qui sera fabriqué à terme, mesure trois mètres de haut pour presque un mètre cinquante de large.

Pour donner une idée du gain de performance magnétique de leur création, les chercheurs avancent un ratio impressionnant. Grâce à ces aimants qui prennent une forme de long ruban plat (environ 270 Km !), il est possible d’atteindre un champ magnétique équivalent dans un appareil quarante fois plus compact que si des aimants à base de supraconducteurs à basse température étaient utilisés.

Autre grain, celui de la consommation énergétique. Un aimant en cuivre requiert environ 200 millions de Watts pour confiner le plasma, tandis que celui développé par le MIT ne demande que… 30 W.

Une urgence planétaire

Arriver à contenir un petit soleil sur Terre ouvrirait la porte à une source d’énergie quasi infinie, et « propre », dans la mesure où le combustible essentiel est de l’hydrogène, qu’on trouve facilement sur notre planète, dans l’eau, notamment. L’objectif du réacteur à fusion est de produire plus d’énergie qu’il n’en consomme. Ce gain en taille pourrait aider à atteindre ce Graal scientifique. Outre que ces petits tokamaks afficheraient un solde positif en matière d’énergie, ils seraient également plus faciles, plus rapides et moins coûteux à fabriquer.

Un pas de géant, à tel point que le MIT et la start-up associée ont annoncé qu’un réacteur à fusion serait opérationnel en 2025 grâce à cette nouvelle approche. Robert Mumgaard espère qu’après cette première étape, les réacteurs à fusion commerciaux seront rapidement déployés, au cours des années 2030. Pourquoi cette date est importante ? Car les chercheurs américains ont en tête une urgence écologique, celle du réchauffement climatique et la nécessité pour les États à travers le monde de réduire leur dépendance aux énergies fossiles.

Le but serait d’arriver à temps pour offrir une solution technologique fiable pour aider à supprimer les 10% d’émissions de carbone générés par la production d’électricité – un seuil qui semble dure à dépasser en ne comptant que sur les seules énergies renouvelables, dont l’apport peut être fluctuant.
À plus long terme, dans les années 2050, Robert Mumgaard entraperçoit même un monde où des dizaines de milliers de petits réacteurs à fusion, dispersés un peu partout sur le Globe, produiraient 20% des besoins en énergie « propre ».

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Le futur arrivera-t-il à temps pour préserver des conditions de vie correctes sur notre planète ? Espérons-le, car, c’est là tout l’enjeu. Maria Zuber, la vice-présidente pour la recherche au MIT, ne dit pas autre chose :

« Aucun d’entre nous n’essaie de décrocher une médaille à l’heure actuelle. Nous essayons de garder la planète habitable ».

Source : MIT

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Pierre FONTAINE