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Le haut débit, c’est pour quand ?

Dans le contexte de déprime actuel, le haut débit semble en panne. Le modem-câble est marginalisé, l’ADSL piétine, et le RNIS souffre de sa politique tarifaire. Chaque nouvelle année est annoncée comme celle de l’accès au large bande…

Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent… Incantation ou fuite en avant, le large lande est censé résoudre l’ensemble des problèmes de coûts et de lenteur dans notre pratique quotidienne des transmissions. Depuis des décennies, on nous le promet pour demain. Qu’en est-il réellement ?Observons d’abord l’évolution des réseaux de télécommunications au cours de ces trente dernières années. On constate que la vitesse moyenne y a progressé selon une loi à peu près régulière : un doublement tous les quatre ans. Mais, partant de 1 200 Bd (bauds) au début de la téléinformatique en 1976, nous ne sommes aujourd’hui rendus qu’entre 33 et 56 kbit/s. La limite de Shannon (lire l’encadré) reste pour l’essentiel devant nous… En matière d’annonces, c’est encore pire : il faut près de quinze ans pour qu’un nouveau service imaginé par les prophètes de la communication atteigne vraiment le public.Pourquoi cette lenteur ? À cause de la lourdeur des processus de standardisation internationale, de la lente montée en régime du parc de terminaux, de leurs logiciels et de leur capacité mémoire, du temps nécessaire aux constructeurs et aux réseaux de distribution pour définir leur marketing et se mettre en place, des délais de formation des exploitants, de la prudence des ajustements tarifaires. Dans les faits, les prestataires de services sont obligés de rester alignés sur les équipements les plus lents du parc.Parallèlement, les éditeurs de logiciels ont inventé des méthodes de compression de plus en plus efficaces pour traiter de gros volumes. Malgré les carences des réseaux, l’essentiel des données importantes peut, par conséquent, être acheminé avec des performances à peu près satisfaisantes. Étendus aux images, les progrès en compression continuent ; le temps n’est peut-être pas si loin où la bonne vieille ligne téléphonique en cuivre, vraiment numérisée, arrivera à véhiculer plusieurs programmes de télévision.Se pourrait-il que cette courbe très empirique connaisse une accélération dans les années à venir, comblant ainsi les espoirs des aventuriers de l’UMTS ou de la boucle locale radio (BLR) ? La forme de cette courbe ne permet pas vraiment de pratiquer ce genre d’extrapolation.Et il faut bien constater que nous avons connu une seule accélération vraiment significative dans les années récentes, celle du radiotéléphone cellulaire. Résultat d’une performance industrielle et de distribution, dans un contexte de forte demande du marché et qui s’accompagnait plutôt, sur le plan de la vitesse du réseau, d’une régression puisque le codage de la voix y était au maximum de 9 600 bits/s à une époque où les modems courants atteignaient déjà 28 kbit/s.

Le haut débit concerne moins de 1 % des internautes

Aujourd’hui, le haut débit, surtout dans le contexte de déprime des valeurs technologiques, paraît en panne. Son seul succès, le modem-câble, concerne moins de 1 % des internautes, qui doivent de toute manière avoir accès à un réseau câblé. Quant à l’ADSL, il semble piétiner pour de multiples raisons, structurelles, économiques et tarifaires, et pourrait n’avoir pour clientèle que les PME qui ont les moyens de s’assurer, à un tarif non négligeable, des débits garantis.Quant au RNIS (Numéris, en France), il est regrettable que, faute d’une politique tarifaire intelligente, les opérateurs aient durablement baissé les bras en privilégiant la protection de leurs recettes téléphoniques sur les tarifs desquelles ils avaient imprudemment aligné ce nouvel entrant. Pourtant, le RNIS aurait pu faire franchir au grand public la barre du 56 kbit/s : il aurait suffi d’en forfaitiser un peu les tarifs et de le doter d’une signalisation multicanal intelligente et évolutive.

Y a-t-il un marché dédié ?

Enfin, et surtout, le principal problème du haut débit n’est pas résolu : a-t-il un marché propre ? Jusqu’à présent, il n’a récolté que des substitutions, ses rares clients cherchant uniquement à bénéficier de la structure forfaitaire et bon marché que les opérateurs du câble et de l’ADSL leur ont imposée. Pourquoi les opérateurs renouvelleraient-ils l’ensemble de leur réseau à seule fin de permettre un accès plus rapide à Internet, pour une recette plus faible ?S’il fallait risquer un pronostic, on dirait que l’accès large bande se fera contre toute attente par le seul téléphone. Son développement sera donc beaucoup plus lent qu’on ne le pense, car lié à l’accroissement des performances des modems de toute sorte… comme cela a toujours été le cas jusqu’à présent. Sauf dans les réseaux d’entreprise où le tarif, conséquence directe de la structure d’investissement, est à coût marginal nul.N’oublions pas également que la télécopie a constitué un précédent intéressant : en se déguisant en signal téléphonique et en comprimant fortement ses données, elle a connu un développement rapide au milieu des années 80. Il n’est pas sûr qu’il soit de l’intérêt des internautes de laisser leur réseau préféré se dissocier du téléphone et de ses régulations tarifaires d’ordre public.Depuis trente ans, tous les opérateurs annoncent que “l’année prochaine”, le trafic de données dépassera celui de la voix… Inutile de préciser que les courbes ne se sont pas encore croisées. En acheminant la télécopie, Internet et, demain, la télévision numérique, la ligne téléphonique a encore de beaux jours devant elle.* directeur des systèmes d’information d’Hachette Filipacchi Médias

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Lionel Fleury*