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” Le code des marchés publics est inadapté aux marchés informatiques “

Faut-il réformer le code des marchés publics ? Jean-Marc Kerilis, président de l’association et directeur des systèmes d’information au conseil régional d’Ile-de-France, le souhaite. Il plaide…

Faut-il réformer le code des marchés publics ? Jean-Marc Kerilis, président de l’association et directeur des systèmes d’information au conseil régional d’Ile-de-France, le souhaite. Il plaide pour une plus grande implication des fournisseurs dans l’exécution des marchés. L’association cherche aussi à promouvoir les métiers de l’informatique et des télécoms dans les collectivités territoriales, à favoriser les échanges d’expériences, et à renforcer leur représentativité. Des actions qui montrent que le secteur public n’est pas forcément à la tra”ne du privé.Les contrôles du code des marchés publics vous semblent-ils trop tatillons par rapport au privé ? Le code des marchés publics est utile et nécessaire – son principal intérêt est d’assurer la transparence dans la concurrence -, même s’il appara”t contraignant pour le spécialiste. Mais un point mérite d’être signalé : après une procédure complexe très contrôlée en amont du marché sur appel d’offres – cahiers des charges, commission d’appel d’offres, publication, attribution, etc. – et un contrôle de légalité justifié, le résultat peut être pitoyable. Le code est muet sur les critères de réussite d’un marché, et pour cause : il ne se préoccupe pas de savoir si le service rendu aura une quelconque efficacité. Dans une entreprise privée, au contraire, la performance est le seul juge du contrat.Peut-on parler de déni d’efficacité en matière d’équipement informatique ? L’inadaptation du code des marchés publics à l’informatique est un vrai problème pour deux raisons. La première : une procédure de passation d’un marché public important dure de six mois à un an. Dans ce laps de temps, une génération de matériels est passée ! Nous disposons, certes, d’une petite latitude légale pour ajouter dans le marché une clause d’actualisation. Mais cette clause est susceptible de changer son équilibre financier. Deuxième raison : pendant ce temps, le besoin et, donc, la conception du marché évoluent. Peut-on s’arrêter de penser sous prétexte qu’il faut boucler le marché et que tout changement sur un point relancerait l’ensemble de la procédure ? Allons plus loin encore. Aujourd’hui, le besoin de l’utilisateur public conna”t des évolutions permanentes – par exemple, en matière d’Internet transactionnel – qui inciterait même à revenir sur le cahier des charges !Les directeurs informatiques pourraient être plus réactifs, plus prospectifs ? Comment pouvons-nous l’être et nous inscrire en même temps dans une logique de productivité alors que l’Etat a encore durci le processus dans son décret du 29 avril 1999 ? Il concerne les marchés à bons de commande dédiés aux nouvelles technologies, et a pour ambition de faciliter et de contrôler l’exercice de la concurrence. Le texte introduit deux types de marché : mono-attributaire, ou avec remise en concurrence. Si la multi-attribution est interdite pour risque d’entente, la mono-attribution rend en fait le client très dépendant de son fournisseur ; on se trouve face à une situation à risque. Quant aux marchés avec remise en concurrence, essentiellement conçus pour la micro-informatique, l’objectif est d’obtenir le prix minimal, seul critère de jugement. Mais cela sans logique de continuité. Ce type de marchés n’est favorable ni aux fournisseurs, soumis à des à-coups de commandes, ni au client, dont la marque et la qualité des matériels peuvent changer à tout moment.Quelles sont les conséquences pratiques pour les services informatiques ? Même si les matériels des différentes marques sont relativement équivalents, plus un parc est hétérogène, plus sa gestion est difficile. La situation est également délicate pour les serveurs Unix et les systèmes de gestion de bases de données : revoir toutes les applications à chaque appel d’offres, être contraint en permanence de reformer et de requalifier le personnel, ou de développer de nouvelles applications, ce n’est pas acceptable.Et pour le développement de logiciels ? La réactivité est encore plus essentielle. En effet, il est impensable de pouvoir définir à l’avance tous les détails d’un projet qui durera deux ou trois ans. Or, il y aura nécessairement des ajustements en cours de réalisation. Comment les prendre en compte sans dénaturer l’appel d’offres initial ? Les conditions actuelles d’application du code des marchés publics ne sont évidemment pas adaptées à cette problématique, je le redis.Que proposez-vous pour améliorer le système ? Il faut éviter les rigidités et les règles d’application fermées. Ce n’est pas l’existence du code des marchés publics qui pose un problème, mais les modalités d’application. Par exemple, la sanction par le seul prix est une contrainte excessive dans un univers technique en mutation permanente, et encore plus pour les développements informatiques, qui sont des prestations intellectuelles. Les notions qualitatives appréciées et explicitées par les techniciens que nous sommes restent essentielles dans ce processus. Et elles devraient jouer un rôle plus important. Il faudrait aussi imposer dans le code des marchés publics l’évaluation a posteriori des résultats de l’exécution d’un marché.Quels conseils donneriez-vous aux fournisseurs ? Ils sont souvent défaillants sur les aspects juridiques des marchés publics. Ce qui peut handicaper une offre techniquement bonne. Ils devraient renforcer la formation de leur personnel. Nous connaissons aussi des difficultés de communication sur le cahier des clauses techniques particulières. Par ailleurs, le prestataire ou l’attributaire retenu d’un marché mono-attributaire est en position de force. Si nous ne rencontrons pas de grandes difficultés en matière de matériels, il n’en va pas de même avec les prestations d’intégration, d’installation, de configuration et de maintenance. Le fait d’emporter un marché ne délie pas de toute implication dans l’application du marché

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Propos recueillis par Philippe Thireau