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Le 10 Gigabit Ethernet peut-il tuer ATM ?

Les acteurs du 10 Gigabit voient cette technologie s’imposer sur tous les types de réseaux d’ici à deux ans. Les équipements sont prêts, le standard est en bonne voie, mais les utilisateurs adopteront-ils l’Ethernet de bout en bout ?

“Le réseau étendu représente la véritable cible du 10 Gigabit Ethernet : il est full duplex, point à point et prévoit une interface physique compatible avec les réseaux optiques Sonet/SDH, largement répandus chez les opérateurs”, affirme Caroline Larson, porte-parole de l’association 10 GEA (Gigabit Ethernet Alliance) et chef produits chez Intel.Tous les constructeurs appellent effectivement cette mutation de leurs v?”ux et brandissent un argument commercial massue : la continuité Ethernet de part en part du réseau. Et la promulgation au mois de mars du standard définitif par l’IEEE les conforte dans leur argumentation.Preuve en est : “Nous sommes dès aujourd’hui en mesure de mettre en place chez nos clients les commutateurs de la gamme Matrix 10 Gigabit Ethernet. Dans la plupart des cas, une simple mise à jour de firmware sera nécessaire pour leur permettre d’être totalement en phase avec la norme 802.3ae dès que celle-ci aura été validée”, explique Laurent Bouchoucha, responsable du marketing solutions pour l’Europe chez Enterasys.

Quid d’ATM ?

Mais des acteurs tels que France Télécom sont-ils prêts à faire table rase des millions de francs d’investissements consentis sur ATM (Asynchronous Transfert Mode) ces dernières années ? Pour les constructeurs eux-mêmes, qui se gardent d’en faire l’écho officiellement, cette hypothèse n’est pas envisageable avant deux ans. Le temps pour les opérateurs d’amortir leurs réseaux et surtout de bénéficier de l’inévitable baisse du prix par port.L’argument financier de la réduction drastique des coûts d’exploitation des dorsales (maintenance, supervision et frais de mise à jour) est certes motivant, mais ne suffit pas. D’autant que les infrastructures d’opérateurs, mêmes les plus récentes, comme les DSLAM ADSL, utilisent la technologie ATM. Une technologie éprouvée depuis de nombreuses années, qui offre de plus une gestion native de la qualité de service, un atout majeur dès que l’on parle de VoIP ou d’autres services à valeur ajoutée.Cette qualité de service, Ethernet ne peut l’offrir qu’au prix de multiples assemblages de couches logicielles telles que MPLS, à peine mature.

L’absence d’une technologie sous-jacente

En attendant, l’extension du 10 Gigabit Ethernet (qui permet à titre de comparaison de transférer le contenu d’un DVD en 5 secondes) des réseaux WAN et MAN au LAN se heurte à plusieurs obstacles. À commencer par la nécessaire infrastructure de fibre optique.Pour la première fois, l’évolution de la technique Ethernet impose une rupture physique au niveau du câblage et de son déploiement, alors que le câble de type UTP était envisagé à l’origine. Pourtant le cuivre (catégorie 5) remplissait encore son office, même pour le Gigabit Ethernet. Un Gigabit en pleine croissance, dopé par la chute des prix des adaptateurs qui se négocient aujourd’hui jusqu’à près de 100 dollars (113,60 euros).Mais les réelles limites du 10 Gigabit Ethernet au niveau du LAN ne sont pas tant liées à son architecture ou à son coût prohibitif qu’à l’absence de technologie sous-jacente à même de permettre sa pleine exploitation.“Imaginez : avec de tels débits, les adaptateurs réseau au niveau des serveurs doivent disposer d’une mémoire tampon de 1,2 Go pour stocker une seule seconde de trafic. Tous les clients ne sont pas prêts à investir aujourd’hui dans un contrôleur qui renferme autant voire plus de mémoire vive que leur serveur”, relève Fred Worley, ingénieur chez HP.

Les matériels ne sont pas tous prêts…

De même, la charge processeur nécessaire au traitement des paquets IP est telle qu’elle impose la mise au point et l’utilisation de techniques de TCP off-loading (implémentation de la pile IP au niveau matériel, le plus souvent sous forme de composant dédié) adaptées à ces débits et à même de soulager les serveurs.Ces techniques sont encore en phase de développement dans la plupart des cas. Parallèlement, les utilisateurs de ces réseaux haute vitesse ne pourront s’affranchir de la notion de sécurité. D’où l’absolue nécessité de se procurer des solutions de coupe-feu à même de juguler ces débits.Là encore, elles sont inexistantes aujourd’hui, sauf à relier en grappe les solutions les plus efficaces du moment. Bref, le 10 Gigabit Ethernet au niveau du LAN sera dans bien des cas cantonné au rôle de fédérateur de lien Gigabit au sein de la dorsale de l’entreprise.

…Le standard non plus

Par ailleurs, si les premiers équipements sont disponibles chez Enterasys, Cisco ou Nortel Networks entre autres, aucun de ces acteurs ne peut à ce jour se prévaloir d’un quelconque standard. Et pour cause, le standard 802.3ae, seul véritable gage d’interopérabilité entre équipements 10 Gigabit Ethernet hétérogènes, n’a pas encore été validé par l’ IEEE.Néanmoins, les caractéristiques techniques dans leur ensemble ont déjà été déterminées, d’où l’optimisme des acteurs du 10 Gigabit Ethernet, également confortés par les prévisions de Dataquest. En effet, l’institut évoque pour cette technologie un chiffre d’affaires de quelque 714 millions de dollars dès 2002 au niveau mondial, qui pourrait atteindre 3,6 milliards de dollars en 2004. Une explosion programmée donc, et liée en grande partie, une fois de plus, à la baisse du coût par port des matériels : moins 40 % entre ces deux dates (de 5 063 dollars à 3 139 dollars). Bref, il est urgent d’attendre.

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Stéphane Reynaud