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La haute couture joue la créativité sur le net

Les maisons spécialisées dans le luxe ne se sont pas précipitées sur le web. Elles ont compris qu’il fallait d’abord inventer de nouvelles règles pour attirer les internautes. Leur atout : la fascination qu’exerce l’univers de la création et de la mode.

Podiums, sunlights, matières de rêve, top models à la portée de quelques clics ? Le mythe se fond dans la réalité virtuelle. Vous en-trez dans un monde de passionnés : Aragorn. “Nous avons fondé cette société il y quatre ans, car nous étions très intéressés par la création “, confie Anne Lardeur, directrice de cette entité, qui compte parmi ses clients Jean-Paul Gaultier, unique exemple de créateur proposant une boutique en ligne, Christian Lacroix et, nouveau venu, Paco Rabanne. “Nous gérons au quotidien l’exploitation des boutiques sur le net“, précise Jean-François Vantayol, son associé. Ancienne journaliste de mode, collaboratrice de Marie-Claire après une première vie de chercheur en histoire de l’art, Anne Lardeur n’a pas hésité à sauter le pas. “ Il y a six ans, j’ai lu un article sur l’armée américaine et internet. Je me suis dit : “c’est là qu’il faut aller”. À l’époque, personne n’osait prendre ce risque : problèmes de sécurité, de droits d’auteur, cas des mannequins. Depuis, des solutions ont été trouvées“. La rencontre avec Jean-François Vantayol, ancien directeur France de Data Point, créateur de la société de conseil e-media, a été décisive.À l’inverse des images fragmentées de couturiers que l’on trouve dans la presse ou à la télévision, un site de haute couture, du moins tel que le conçoit Anne Lardeur, doit rendre compte de l’univers du créateur,de son talent, de son métier et de son évolution dans le temps. “ Le site est l’émanation de la maison “, souligne-t-elle. Ce qui compte c’est ” construire des relations de complicité” avec ses clients. “Christian Lacroix est sans concession. Il a imposé des évolutions sur son site“. Une nouvelle version est d’ailleurs en préparation.Celui de Paco Rabanne, lancé en mai, est conçu en accord avec les partis pris du couturier. Outre ses collections en cours, il inclura trente années de création, des pages consacrées aux parfums, un service de presse et dans un an, une boutique en ligne.

Multiplication des défilés virtuels

Depuis quelques saisons, on voit fleurir des défilés en ligne. Anne Lardeur en révèle les coulisses : “ Nous faisons une réalisation avec la totalité des modèles en animation flash. La vidéo prend trop de temps à être chargée. Les gens qui n’ont pas de machines récentes sont pénalisées. Pour le site de Jean-Paul Gaultier, on a utilisé de la vidéo. Mais on l’a trafiquée pour l’intégrer dans du flash. Nous utilisons toujours du pur HTML, avec de l’animation flash, car n’utiliser que l’animation pénaliserait de nombreuses machines dans le monde“.Anne Lardeur estime que l’enjeu d’internet est colossal, “ à condition qu’il soit un espace d’innovation, d’aventure. S’il ne sert qu’à reproduire le monde physique, ce n’est pas très intéressant “. A l’opposé, elle pointe du doigt le concept de themode.tv, site de mode développé en streaming. (diffusion du son et de l’image en continu) “ La télévision existe, pourquoi en faire sur le net ?, se demande Anne Lardeur. Vu le temps de téléchargement, c’est réservé au haut débit“. Se contenter des images de télévision, là où l’enjeu est bien plus important, pour la directrice d’Aragorn, c’est se priver des possibilités infinies du net. “ Ce n’est pas parce que vous avez vu une robe de Christian Lacroix que vous avez compris pourquoi elle a été créée, sa magie, le rêve… “Les business models du luxe et ceux du net sont très peu compatibles. L’univers de la mode vient donc sur internet à reculons. “Ce n’est pas parce que certains milieux sont considérés comme ” avant-gardistes “, qu’ils le sont, remarque Anne Lardeur. Il faut expérimenter et ne pas se contenter de mettre en ligne un catalogue “.Quant au doute de certains analystes sur la place des produits du luxe sur le net, elle rappelle que cette question avait déjà été posée pour la publicité. “ Que voit-on dans les campagnes des maisons comme Dior, Chanel,etc. ? De la maroquinerie, des parfums. Un luxe accessible, parfaitement monnayable sur internet. C’est sûr, on ne peut ni toucher, ni essayer. Mais, un produit qui est en parfaite osmose avec l’esprit de la maison, d’une certaine façon, le client le connaît déjà “.

Investir au juste prix

La société se diversifie en créant des sites de joaillerie, tel celui d’Agatha, ou de gastronomie. Aragorn emploie 7 personnes et son objectif de chiffre d’affaires pour 2001 est d’un million d’euros. Dans le contexte actuel, faut-il être optimiste ? Pour Anne Lardeur, c’est “oui, à condition d’offrir quelque chose de nouveau à l’internaute “. Jean-François Vantayol confirme et raisonne : “Nous ne sommes pas une start-up !“. Développer des sites économiquement compatibles avec les ambitions du client signifie d’abord conseiller : “ Investissez en fonction de ce que ça va vous rapporter. Faire un site internet à 5 millions de francs aujourd’hui, c’est ridicule“.

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Marie Karel