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La Hadopi n’est plus, retour sur l’histoire mouvementée de l’autorité qui devait mettre à mal le piratage

La haute autorité a cessé d’exister, passant le relai de la lutte contre le piratage au nouveau super régulateur Arcom. Elle laisse un héritage contesté.

La nouvelle entité Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) a pris effet le 1er janvier 2022. Elle assume à la fois les fonctions de l’ancien CSA et de feu la Hadopi, reprenant le flambeau de la lutte contre le piratage. L’occasion de revenir sur treize ans d’un long fleuve… qui n’a pas été tranquille.

La Hadopi (Haute Autorité pour la Diffusion des œuvres et la Protection des droits sur Internet) est née en 2009 dans un contexte mouvementé. À l’origine, il y a une directive européenne visant à harmoniser le droit d’auteur et les droits voisins dans les pays membres. Transposée en droit français, elle donne lieu à la loi Dadvsi adoptée en 2006. L’idée d’une licence globale vient d’être abandonnée. Pour lutter contre le peer-to-peer, le texte envisage pour la première fois le concept de riposte graduée. Mais comment le mettre en œuvre ?

Un accouchement dans la douleur

Au tout début de la présidence de Nicolas Sarkozy, Denis Olivennes est missionné par la ministre de la Culture Christine Albanel pour trouver une solution. Il rend un rapport sur la protection de la création sur internet où il propose de créer une autorité administrative chargée d’émettre un système d’avertissements aboutissant à des sanctions de plus en plus dures en cas de récidives.

Cela donne lieu à des accords avec les représentants du monde de la culture et de l’Internet. Mais plusieurs opérateurs dont Free, Orange et SFR se dédisent, ainsi que Dailymotion : ils dénoncent les conditions dans lesquelles ils ont signé. C’est le premier couac d’une longue série. Christine Albanel sera particulièrement critiquée pour la gestion du projet de loi et ses gaffes à répétition montrant qu’elle ne maîtrise pas le sujet. Pour rappel, elle avait assuré utiliser le logiciel OpenOffice comme pare-feu ! Le projet est combattu par de nombreuses associations comme la Quadrature du net et des médias spécialisés comme Numerama, NextInpact ou SVM, qui lance même une pétition. 

Il y a ensuite un long et complexe processus voyant intervenir la CNIL, mais aussi nos parlementaires et le Conseil constitutionnel pour valider tous les aspects juridiques et administratifs. Les débats sont houleux à l’Assemblée, les textes étant combattus par l’opposition de gauche qui multiplie les amendements pour défendre le principe de la liberté d’accès à Internet. Elle réussit à faire rejeter le texte au mois d’avril. Mais une première salve d’articles finit par être promulguée le 12 juin 2009, avant une loi Hadopi 2 qui aboutit en novembre de la même année.

En quoi consiste la riposte graduée ?

Le dispositif phare de la Hadopi devient donc la réponse graduée. Elle consiste à rappeler la loi aux abonnés d’une ligne Internet qui téléchargent ou accèdent à des oeuvres protégées par des droits d’auteur, sans que ce soit rémunérés les artistes et producteurs. Leur adresse IP est détectée par des agents assermentés mandatés par des ayants-droits qui dressent des procès-verbaux et les transmettent à la Commission de protection des droits de la Hadopi. Cette dernière demande ensuite aux opérateurs d’identifier les personnes derrière ces adresses IP.

Après trois courriers successifs sans effet, des poursuites pénales sont envisageables. La peine maximale est de 1500 euros d’amende.

La Hadopi a-t-elle été efficace ?

Dans ses bilans annuels, la direction de la Hadopi a toujours estimé que son action avait été efficace. Elle mettait en avant le fait que les internautes n’auraient en majorité pas récidivé après avoir reçu les avertissements. Sauf que rien ne prouve qu’ils n’ont pas utilisé ensuite d’autres moyens illégaux pour obtenir des contenus. C’est d’ailleurs ce que prouvait une étude Ifop datant de 2018 concernant 30% des utilisateurs pris la main dans le sac. Seul le peer to peer est resté ciblé par la Hadopi, incapable d’agir techniquement contre le streaming et les boîtiers IPTV.

Ce n’est pas le seul point qui dérange. Dans un rapport publié en 2020, il est apparu que le montant des fonds publics accordés depuis 2011 s’élevait à 82 millions d’euros pour seulement 87 000 euros d’amendes. La Hadopi a donc coûté cher aux contribuables et cela n’a pas été du tout compensé par les recettes des sanctions.  

La haute autorité a également été secouée par des dissensions en interne. Sa présidente la plus médiatisée, Marie-Françoise Marais, avait notamment tenté de licencier de façon abusive le secrétaire général Eric Walter. L’affaire avait été dévoilée dans NextInpact et s’était réglée ensuite en justice.

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On peut aussi se demander si les services légaux de streaming comme Spotify ou Netflix n’ont pas été plus efficaces pour faire refluer les pratiques illégales. Ils ont en effet rendu accessible aux consommateurs une offre riche et facile d’accès qui a en partie changer les habitudes des Français.

Treize ans après son lancement, la Hadopi est loin en tout cas d’avoir fait disparaître le piratage. Mais plutôt que de changer de méthode, le gouvernement a décidé de maintenir la riposte graduée et de la transférer au nouveau super régulateur Arcom. De nouvelles dispositions sont toutefois censées cibler davantage les sites que les utilisateurs avec notamment le principe du name and shame ou encore le blocage et le déréférencement des flux de streamings sportifs illicites.

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Amélie CHARNAY