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La génétique au secours de l’électronique

Depuis longtemps, les chercheurs cherchent à échapper à la logique binaire de l’informatique et aux limites de l’électronique. Parmi les pistes explorées : l’ADN, la signature génétique du vivant.

Difficile pour un ordinateur, si puissant soit-il, de tout garder en mémoire. Pourquoi ? Parce que l’outil que l’on connaît raisonne uniquement en binaire. Pourtant, ses capacités grimperaient en flèche s’il pouvait utiliser un langage plus élaboré. Le langage binaire ne code en effet que deux valeurs, à partir d’impulsions électriques : 0 ?” le courant ne passe pas ?” et 1 ?” le courant passe. Les instructions sont exprimées avec des successions de 0 et de 1… D’où les limites du binaire.Il existe pourtant un moyen de s’en affranchir : la biologie. Dans l’imagination hypertrophiée de chercheurs s’est progressivement développée l’idée de substituer la génétique à l’électricité. Car l’alphabet de l’ADN est, lui, composé de quatre lettres : A, C, G, T, abréviation des quatre constituants formant les “briques” du matériel génétique : adénine, cytosine, guanine, thymine.

Ordinateur éprouvette

Depuis la première tentative de résolution d’un problème mathématique avec un échantillon d’ADN par Leonard Adleman, de l’Université de Californie du Sud en 1994, les recherches battent leur plein. Il y a quelques semaines, une équipe du Weismann Institute (université israélienne connue pour ses travaux dans les sciences de la vie) annonçait la mise au point d’un “ordinateur biologique”. Ses avantages : il tient dans une éprouvette (mieux, 1 000 milliards des “machines” le composant tiennent dans une goutte d’eau) ; sa consommation en énergie est infinitésimale, de l’ordre du millionième de watt ; ses capacités de calcul sont spectaculaires, l’équipe du professeur Ehud Shapiro annonçant un milliard d’opérations à la seconde avec une fiabilité de 99,8 %.Il s’agit-là de la qualité essentielle de la machine : sa capacité de traitement parallèle. Les milliards de molécules qui constituent l’“ordinateur biologique” se combinent, réalisant simultanément un nombre impressionnant d’opérations (de l’ordre de la centaine de milliards par seconde) qui nécessiteraient, si on passait par des méthodes traditionnelles, une batterie de supercalculateurs.Un ordinateur qui tiendrait dans une cuve ! Ahurissant ? Pas tant que cela. Qu’est ce qu’un ordinateur sinon un moyen de stocker l’information et un système pour effectuer des opérations ? Et l’ADN est le moyen par excellence de stocker l’information. Les réactions chimiques auxquelles est soumise cette molécule peuvent faire office de “programme” et effectuer de réelles opérations. Car pour former les deux brins hélicoïdaux qui constituent l’ADN, adénine, cytosine, guanine et thymine s’apparient suivant une règle immuable : adénine avec thymine (AT) et guanine avec cytosine (GC). Toute la difficulté pour créer l’appareil étant de savoir poser les questions et isoler les bonnes réponses.La démonstration de cette “machine” a été réalisée à l’origine sur un problème bien connu des mathématiciens, casse-tête pour les informaticiens : le chemin Hamiltonien, une variante du problème du voyageur de commerce. Il s’agit de trouver l’itinéraire pour relier une ville de départ à une ville d’arrivée en passant une ou plusieurs fois par chacune des villes intermédiaires. Certaines étapes sont à sens unique, d’autres à double-sens. Jusqu’à présent, aucun algorithme efficace n’a été trouvé, le temps de résolution croissant de façon exponentielle à mesure que le nombre de villes considérées augmente.

La pêche aux solutions

Adleman a ainsi choisi de représenter chaque ville par une séquence de lettres. Le tout est jeté dans un milieu reproduisant les conditions intracellulaires. Les brins d’ADN s’apparient alors, représentant tous les chemins possibles. Dans le millier de molécules ainsi obtenues se trouve la solution, qu’il reste encore à filtrer. Il faut alors isoler, étape par étape, les bonnes molécules, c’est-à-dire celles commençant par la ville de départ et se terminant par la ville d’arrivée. Puis on élimine les chaînes les plus longues ou celles comportant deux fois la même ville… Reste à repêcher la molécule contenant l’unique solution du problème. Gros avantage sur l’informatique traditionnelle : tous les chemins possibles sont explorés simultanément.Si la machine a fait ses preuves sur un problème contenant sept villes, il reste encore du chemin à parcourir pour les chercheurs… La structure fragile de l’ADN, notamment, impose des technologies de manipulation sophistiquées. Mais rien n’arrête les élucubrations des scientifiques : l’équipe israélienne envisage de programmer “sa” machine pour opérer à l’intérieur du corps humain et signaler, voire corriger, certains dysfonctionnements.

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Agathe Remoué