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« La communauté OpenOffice.org a pris son destin en main »

Il y a peu était constituée The Document Foundation pour chapeauter LibreOffice, un développement séparé d’OpenOffice.org. Charles. H. Schulz, membre de la Fondation, nous explique les développements à venir.

Fin septembre, une scission s’opérait au sein de la communauté d’OpenOffice.org, la suite bureautique open source propriété d’Oracle, à la suite du rachat de Sun. Une partie de celle-ci décidait de créer The Document Foundation, une fondation (en cours de constitution) chargée de chapeauter LibreOffice, un « fork » (version séparée) d’OpenOffice.org. Charles H. Schulz, un des fondateurs et membres du comité directeur de la Document Foundation, revient pour 01net. sur le divorce avec Oracle, et explique l’ambition et les développements futurs de LibreOffice.

01net. : Pourquoi avoir créé LibreOffice, une branche séparée d’OpenOffice.org ?
Charles. H. Schulz :
L’idée est assez simple. Le projet OpenOffice.org a démarré il y a dix ans, il a évolué, connu le succès qu’on lui connaît. Après tout ce temps, la communauté avait envie de continuer dans une optique de développement communautaire plus ambitieuse et de voir se réaliser la promesse qui avait été faite il y a 10 ans d’établir une fondation, de rendre ce projet indépendant, de lui donner l’envergure qu’il mérite. Cette fondation n’a pas vu le jour sous Sun, ni sous Oracle [qui a racheté Sun, NDLR]. L’arrivée de ce dernier a changé des choses au sein de la communauté qui a senti qu’elle était de moins en moins la bienvenue pour contribuer au projet OpenOffice.org. On ne nous montrait pas la porte, mais presque. La communauté a pris son destin en main et elle est partie.

Le divorce avec Oracle est-il consommé aujourd’hui ?
Les relations avec Oracle sont rompues, c’est vrai. La Document Foundation ne s’occupe plus de ce qui se passe chez Oracle, même si nous conservons des relations cordiales avec les développeurs du projet OpenOffice.org. Il n’y a pas de possibilité de retour en arrière en tout cas. Chacun vit sa vie, désormais.

Le projet LibreOffice a-t-il les moyens de ses ambitions ?
En termes de force de développement, au jour d’aujourd’hui, oui. Nous avons connu une augmentation extraordinaire du nombre de développeurs, sur le cœur du code, sur des fonctions périphériques, et sur la localisation. La semaine dernière, nous étions 110 développeurs, dont une quarantaine sur la localisation, contre 17 au moment de l’annonce de LibreOffice. Certains sont complètement nouveaux, certains reviennent après avoir pris leurs distances dans le passé. En France, la communauté a migré assez tôt d’OpenOffice.org vers LibreOffice. Côté soutiens – qui ne se traduisent pas automatiquement par des donations -, nous avons notamment ceux de Novell, Red Hat, Canonical, Google, BrOffice (une ONG brésilienne, ex-communauté brésilienne d’OpenOffice.org).

« Le code est vieillissant »

Quels sont les axes de développement de LibreOffice, et en quoi va-t-elle au fil du temps se distinguer et se différencier d’OpenOffice.org ?
Il faut être clair : le code est vieillissant, cela fait des années qu’on le dit, et cela commence à devenir urgent. On ne peut pas continuer ainsi. Cela implique une réécriture, qui nous donnera les moyens d’évoluer dans les prochaines années à venir. OpenOffice, LibreOffice, et tout logiciel qui s’appuie sur ce code ou les mêmes concepts, dans 5 ans, ce sera « mort ». LibreOffice 3.3 est déjà plus rapide qu’OpenOffice.org, possède de nouvelles fonctions, corrige plein de bugs. Nous avons déjà commencé à faire le ménage. D’ici à 6 mois ou à un an, les utilisateurs vont commencer à voir les choses vraiment changer.

Quels sont les chantiers, justement ?
Le premier est la réécriture complète du tableur, qui est commencée. Le nom de code du prochain tableur est Ixion, qui vise à être plus puissant qu’Excel dans sa forme actuelle, et à terme, ambitionne de changer la façon dont on utilise les tableurs. Le futur logiciel va pouvoir s’interfacer avec d’autres technologies, comme des logiciels de calcul financier, pour être un outil très performant.
Nous voulons aussi revoir tout le traitement de textes. Cela nous fait un peu mal au cœur, parce que c’est traditionnellement le point fort d’OpenOffice, un logiciel très stable, puissant, qui se voulait, en plus du texte, un outil de DTP [desktop publishing, ou PAO, NDLR]. Pendant des années, on a profité de cette puissance sans vraiment innover. On est en train d’évaluer un nouveau moteur qui a commencé à être écrit, mais pas dans le projet LibreOffice.
Nous prévoyons aussi de revoir Impress [outil de présentation multimédia, NDLR], mais nous n’avons encore rien de concret sur ce point.

« Ni un clone de Microsoft Office, ni un clone de Google Docs »

Quels sont les autres axes de développement prévus ?
Nous voulons réfléchir à l’interface qui pose un vrai problème aujourd’hui. L’état de l’art actuel, c’est d’avoir des logiciels complexes pour travailler, ce n’est pas très joyeux. On peut peut-être changer cela. Un des axes est de se focaliser sur le document, et pas sur une interface. Cette approche là est dépassée. L’idée est d’avoir une interface plus simple, plus jolie, et qui va se focaliser sur la fidélité de rendu du document. La remarque que l’on peut faire, c’est qu’un document bénéficie aujourd’hui d’une grande quantité de styles (titres, paragraphes, puces, numérotation, etc.) mais que 80 % des utilisateurs se contentent la plupart du temps de mettre un titre en gras. C’est un problème d’éducation, ou d’interface.
Autre axe de travail : aujourd’hui, OpenOffice est multi-OS, mais pas multi plates-formes. Que fait-on sur les terminaux mobiles ? Sur les tablettes ? Nous allons commencer à réfléchir à un développement sur Maemo [OS commun à Nokia et Intel, NDLR] car nous possédons un certain savoir-faire. Ce chantier nous oblige non seulement à réécrire les applications, mais aussi à changer notre moteur en C++ (Uno), désormais dépassé, en utilisant d’autres technologies de développement, comme Python par exemple. Quelque chose de rapide, qui permette aux gens de ne plus penser seulement en termes de bureautique, et de créer un texte, de le partager, en wiki, de façon connectée, ou pas, etc.

Une suite bureautique comme Microsoft Office, OpenOffice ou LibreOffice a-t-elle encore un avenir face à des outils en ligne très efficaces, comme Google Docs ?
Oui. La Document Foundation pense qu’il faut être connecté, mais ne veut pas s’embarquer dans un clone de Google Docs. La suite de Google est un outil formidable, mais notre stratégie n’est pas de faire que du « en ligne ». Nous allons travailler sur cet aspect, mais l’outil sera très différent de Google Docs, et à bien des égards complémentaire. On ne veut pas passer de la phase « On ne veut plus être un clone de Microsoft Office », à celle de singer Google Docs. Nous voulons faire quelque chose entre les deux.

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Par : Opera

Propos recueillis par Guillaume Deleurence