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La Bourse attire les satellites

Les opérateurs Intelsat, Inmarsat et SES veulent se financer sur les marchés. Eutelsat vise une introduction à Paris en 2002. Si un consortium ne le contrôle pas avant.

Feu d’artifice boursier en vue dans le ciel des opérateurs de satellite, secteur couvé par le gratin de la finance internationale. L’Américain Intelsat, épaulé par Morgan Stanley, Merrill Lynch et Lehman Brothers, planche sur une introduction à New York, estimée, au bas mot, à 550 millions d’euros. La société internationale Inmarsat, qui avait repoussé une première tentative, à New York encore, du fait de la mauvaise tenue des marchés, garde son projet en réserve. Déjà cotée à Luxembourg et à Francfort, SES Global a prévenu le mois dernier qu’elle entendait lancer cette année une offre publique, probablement combinée à une cotation américaine. L’opérateur des satellites Astra a mandaté Dresdner Kleinwort Wasserstein, Morgan Stanley et Deutsche Bank. Le financement le plus lourd, enfin, pourrait bien concerner Eutelsat qui, après s’être choisi comme banques introductrices Lehman Brothers et Crédit Suisse First Boston, vient de lancer une consultation d’agences publicitaires pour promouvoir une opération prévue pour la fin de l’année 2002.Pour l’heure, seuls quelques-uns de ces groupes, un peu à part dans le paysage des valeurs TMT, sont cotés sur les grandes places mondiales. Panamsat, Loral, Echostar, aux États-Unis, SES en Europe, et quelques opérateurs asiatiques forment l’essentiel du compartiment en Bourse. Mais les satellites se pressent désormais aux guichets, motivé par deux facteurs puissants. Le premier, l’entrée en vigueur de l’Open Market Reorganization for the Betterment of International Telecommunications Act (dit “Orbit”), oblige en pratique les groupes opérant sur le territoire américain à aller en Bourse, démarche qui impose une transparence juridique et financière. Le second facteur incitatif est tout simplement le besoin urgent de financement d’une activité gourmande en capitaux, en pleine consolidation industrielle. L’écheveau des participations croisées des acteurs, souvent issus du service public(*), se dénoue au profit des plus gros opérateurs.Sur le Vieux Continent, c’est autour du duopole SES/Eutelsat, sous le regard bienveillant des autorités européennes, que s’agrègent les opérateurs qui n’ont pas les reins assez solides. SES Global a même débordé hors de l’Europe, en Asie (avec 34 % d’Asiasat), et en Amérique latine, Eutelsat ne dédaignerait pas de prendre le contrôle d’Hispasat, dont elle possède déjà 27 % des parts. Malgré des marges d’Ebitda confortables ?” 81 % pour SES, 70 % pour Eutelsat, lors de l’exercice achevé en juillet 2001 ?” le besoin en cash flow et les ambitions de développement laissent les principaux opérateurs endettés. L’accueil qui sera réservé par les marchés aux différentes opérations annoncées est d’ailleurs incertain. D’autant que le chiffre d’affaires tend à s’éroder.

Revenus en mutation

Les premiers clients du satellite, les grands opérateurs télécoms, sont en phase de restriction, tandis que leur deuxième source de revenus, les chaînes de télévision, se regroupent. “Qu’on le veuille ou non, les opérateurs de satellite sont vus comme des opérateurs de télécommunications. Ils ne constituent plus véritablement des valeurs de croissance. Leur activité de prestation de services auprès des opérateurs de télécommunication est stagnante et subit la concurrence d’infrastructures terrestres surabondantes. Leur clientèle audiovisuelle se réduit au rythme des rapprochements entre les différentes plateformes satellitaires, faits ou en cours, en Espagne, en Italie, en Pologne, aux États-Unis. Enfin, la fourniture de services internet est seulement en voie de développement”, résume Philippe-Olivier Rousseau, directeur exécutif à BNP Paribas Media Telecoms Finance. Au moment de lever des fonds sur des marchés turbulents, tous les prétendants ne se situent pas à la même enseigne. Intelsat collecte près de 60 % de ses revenus dans les télécoms, tandis qu’Eutelsat dépend davantage de l’audiovisuel. Le premier, poussé par les autorités de tutelle américaines, doit s’introduire en Bourse d’ici à la fin de l’année, Eutelsat ayant jusqu’à juillet 2003. Un élément rapproche, en revanche, la plupart des sociétés du secteur : la fébrilité de leur actionnariat. Chahutés par la Bourse, les actionnaires d’Eutelsat, France Telecom, Deutsche Telekom et British Telecom (BT) en tête, ne seraient pas opposés à une cession en bloc de leur titre. BT et Deutsche Telekom ont déjà regroupés les leurs dans une structure ad hoc, et confié à JP Morgan le soin de trouver un repreneur unique. Carlyle, KKR et Apax seraient intéressés. Si la prise de contrôle par un industriel n’est pas à exclure, le portage par un consortium financier, éventuellement associé à une introduction en Bourse, semble aujourd’hui le plus probable. Il permettrait, outre d’aller vite, de mieux valoriser le 4e opérateur mondial de satellite.(*) Privatisée en juillet, Eutelsat était auparavant une organisation intergouvernementale. Quant à la SES, elle compte l’État luxembourgeois dans son capital.

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Jean-Michel Cedro et Thierry del Jésus