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Jeux d’argent en ligne : la France risque gros

Comme tous les monopoles, la question de la fin de celui de la Française des Jeux se pose. À l’instar de marchés bien plus stratégiques pour…

Comme tous les monopoles, la question de la fin de celui de la Française des Jeux se pose. À l’instar de marchés bien plus stratégiques pour un État ?”tels ceux de l’électricité ou des télécommunications?”, le marché des jeux d’argent devrait logiquement se libéraliser à son tour. D’autant plus que la Commission de Bruxelles n’apprécie guère les monopoles d’État qui tentent de s’internationaliser, comme récemment EDF en Italie ou le PMU en Espagne.Amenée à se prononcer sur d’éventuelles brèches inter-frontalières dans le monopole des jeux, la Cour européenne de justice entretient encore, pour un temps, le flou : d’un côté, elle considère qu’une loterie “se rattache à une activité de services” ; de l’autre, elle estime qu’une restriction de la liberté de circulation des prestataires de ce genre d’activités est compatible avec le traité de Rome, en raison notamment de la protection de l’ordre public et de la prévention de la fraude. Cette instruction est critiquable pour deux raisons : dans les textes français, la Française des jeux n’est plus considérée comme un service public (arrêt du Conseil d’État du 27 octobre 1999). Une société qui n’exerce plus de mission de service public opère, de facto, une mission d’intérêt privé. D’autre part, les décisions communautaires sur le financement des clubs de sport (arrêt Bossman) ont conduit la CE elle-même à inciter les clubs à développer les loteries. Dans ce contexte, soit l’État français maintient son interdiction, au risque d’entraver le développement déjà difficile des clubs ; soit on considère que la réglementation pénale nationale n’est plus compatible avec les décisions de la CE.En France, ces dix-huit derniers mois ont vu émerger de nombreuses sociétés de loteries ou de pronostics sportifs gratuits. Mais que pèseront-elles face à la centaine d’opérateurs étrangers de paris payants lorsque la libéralisation du marché français interviendra ? Les opérateurs britanniques en particulier sont de véritables mastodontes (Ladbrokes : 4 milliards de livres ?” 6,5 milliards d’euros ?” de chiffres d’affaires ; Eurobet : 1 milliard de livres) et la part de leurs revenus online ne cesse de croître, séduisant une population plus féminine et plus jeune. D’autres sociétés n’opèrent que depuis quelques années et n’ont qu’une activité en ligne. Par exemple, Sportingbet.com, fondé en 1998 et qui revendique aujourd’hui 55 000 comptes payants, a introduit en janvier dernier une partie de son capital à la Bourse de Londres, lui permettant de réunir 180 millions de livres.

Trop de protection affaiblit

Les sociétés françaises sont, pour l’instant, à la fois protégées et précarisées par la situation de monopole de l’État français en matière de jeux d’argent. Protégées, parce que la situation de monopole de l’opérateur public agit comme une barrière à l’entrée vis-à-vis des opérateurs étrangers. Précarisées, car leur modèle d’affaires (publicité, bases de données, marque blanche), dans un contexte économique morose, reste délicat à déployer. Comment pourront-elles peser dans un marché du jeu d’argent en ligne que Datamonitor estime à 11 milliards d’euros à l’horizon 2004 (31 % pour les casinos en ligne, 43 % pour les sites de paris sportifs et 70 % pour les loteries) ? Merryl Lynch, en janvier 2001, a même porté ces estimations à 198 milliards d’euros pour le pronostic sportif dans les 15 prochaines années.À l’évidence, l’opérateur historique, la Française des Jeux, conservera encore longtemps une position de leader. Que deviendront les acteurs indépendants du jeu online en France qui n’opèrent en ce moment que sur le modèle de la gratuité ? Absorbés par les géants britanniques ou américains, qui se serviront de ces jeunes sociétés comme d’un marchepied pour pénétrer le marché français, ou rachetés par les gros opérateurs de jeux offline (groupes de casinos ou média) ? La pérennité de leur autonomie paraît bien incertaine. À maintenir un monopole dont la fin est historiquement programmée et la légitimité juridique incertaine, la France ne risque-t-elle pas d’être marginalisée pour longtemps, sur un marché qui s’annonce comme l’un des prochains vecteurs mondiaux de l’entertainment ?* Directeur général de Net Sports profiles, société dingénierie spécialisée dans le marketing sportif

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Vincent Mercier*