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Jean Mounet (Syntec informatique) : ‘ Nous allons manquer d’ingénieurs à l’horizon 2005-2008 ‘

Jean Mounet, le nouveau président de Syntec informatique, persuadé de la croissance de son secteur, se dit déterminé à valoriser les métiers des SSII et à anticiper la future pénurie d’ingénieurs. Et réclame une plus grande flexibilité
du travail.

Le premier objectif que vous vous fixez, en votre qualité de nouveau président de Syntec informatique, est d’améliorer l’image de vos adhérents. Est-elle si négative que cela ?Je tiens d’abord à préciser qu’il existe un décalage entre l’image, voire l’absence d’image, et la réalité de notre profession. En effet, si nous avons la réputation d’être un métier en crise, il faut savoir que sur les quinze
dernières années, notre industrie a connu au contraire un fort taux de croissance ?” de plus de 10. Ce qui représente le triple de la progression du PIB pendant la même période. Il faut également rappeler que les sociétés de services et
les éditeurs de logiciels recrutent près d’un tiers des ingénieurs sortant des écoles. C’est cette image que je souhaite faire connaître ou rappeler auprès de la communauté des informaticiens, des jeunes diplômés et des entreprises. Il faut pouvoir
séduire les jeunes diplômés et leur prouver l’intérêt de travailler dans les sociétés de services. C’est dans nos entreprises que l’on pourra bénéficier d’une très bonne expérience, reconnue parmi les plus formatrices de l’industrie
informatique.On a parfois reproché aux SSII d’avoir embauché de façon opportuniste, sans toujours être très regardantes sur le profil de leurs recrues. Est-ce toujours le cas ?Dans les années passées, de 1996 à 2000, les SSII ont embauché massivement pour répondre à la forte demande du marché. Face à la pénurie de collaborateurs, elles ont été amenées à recruter des ingénieurs ou des universitaires au
profil généraliste, ne disposant pas d’une formation en informatique. Il fallait, en effet, répondre alors aux besoins des entreprises intégrant de grands projets informatiques incontournables ?” passage à l’an 2000, euro, e-business.Comment expliquez-vous cette situation ? Pourquoi les filières scientifiques n’ont-elles plus la cote auprès des jeunes ?Force est de constater que le prestige de l’ingénieur a fortement diminué en Europe. Cette situation s’explique sans doute en partie parce que le métier paie son retard en termes de rémunération par rapport à d’autres métiers, qui
ont été plus avantagés ces dernières années. Je pense à ceux du marketing et du commercial. Le rapport entre l’effort et la rémunération n’est plus ressenti favorablement aujourd’hui en ce qui concerne les ingénieurs.Après ces différents constats, comment comptez-vous attirer les ingénieurs dans votre secteur ?Durant les années fastes ?” de 1997 à 2001 ?”, la surenchère de salaires a, bien sûr, existé. Mais la donne s’est modifiée avec la conjoncture économique. Il est clair que les pays d’Europe doivent disposer
d’une importante base d’ingénieurs de tout type. En ce qui concerne la partie informatique, nous nous engageons à promouvoir les divers métiers et les carrières dans notre secteur. Syntec informatique réfléchit très sérieusement aux solutions à
adopter pour corriger la future pénurie de ressources. Il faut tout de même repréciser que la croissance de nos métiers restera la plus importante de toutes nos industries. Et nos taux d’embauche suivront, bien entendu, l’évolution du PIB.Compte tenu du contexte économique actuel, comment allez-vous prouver aux entreprises qu’investir davantage en informatique leur rapportera plus ?Tout d’abord, avec des chiffres. Depuis vingt ans, le déport de la dépense informatique vers le logiciel et le service est constant. En 1980, une entreprise consacrait 15 de ses dépenses aux logiciels et aux services informatiques.
Dix ans plus tard, ces dépenses s’élevaient à 29. Aujourd’hui, celui-ci se situe à environ 40 %. Même si la période est à l’heure du ralentissement économique. Reste maintenant à convaincre les entreprises que les TIC contribuent à leur
productivité.Quels sont, selon vous, les nouveaux moteurs de croissance dans le service et le logiciel ?Je vois d’abord trois moteurs de croissance génériques : l’adaptabilité, la compétitivité et l’innovation technologique. Cela signifie que le champ d’application de l’informatique s’élargit de plus en plus. A plus court terme,
les moteurs de croissance ne manquent pas : les projets dans les secteurs de la banque, des opérateurs télécoms ?” qui vont réinvestir, j’en suis sûr ?”, le secteur de l’énergie soumis à la dérégulation, la santé (projet
Hôpitaux 2007) et l’élargissement de l’utilisation d’internet dans les entreprises. Jamais celui-ci n’a été aussi important pour l’intégration des diverses chaînes, d’un bout à l’autre.Face à ces nouveaux besoins, comment voyez-vous évoluer vos profils ? Quel est l’avenir de votre métier ?Notre vrai métier est d’intégrer toutes les briques logicielles et les différentes technologies aux systèmes d’information, et de les délivrer prêtes à l’emploi aux entreprises utilisatrices.Avec ces nouveaux chantiers informatiques, Syntec informatique préconise-t-il une nouvelle forme de flexibilité du travail dans les SSII ? Finalement, quel impact la mise en place des 35 heures a-t-elle eu sur vos
adhérents ?
Dix à douze jours de congés supplémentaires représentent environ 5 de facturation potentielle. La mise en place des 35 heures a sûrement freiné la croissance, qui battait alors son plein. Elle nous a coûté quelques points de notre
marge d’exploitation. Nous ne sommes toutefois pas en mesure de la chiffrer précisément. En termes de flexibilité du travail, nous réfléchissons donc à la façon d’améliorer cette loi. Tout en tenant compte de la spécificité de notre profession, qui
travaille par projet. Elle connaît donc des pics d’activité, qui s’accommodent mal d’un contingentement des heures travaillées. Il est important de préconiser des solutions de flexibilité du travail en France quand d’autres pays n’hésitent pas à
opter pour la délocalisation.La délocalisation est une nouvelle stratégie utilisée par les SSII et les éditeurs de logiciels. Est-elle un véritable enjeu pour les DSI ?Il ne faut ni surestimer, ni sous-estimer cette question de la délocalisation. Ce que l’on appelle l’‘ offshore ‘, à savoir la prestation de services dans des pays où les charges
salariales sont moindres, ne représente, pour l’instant, qu’un pourcentage infime ­ soit 1à 2 % du chiffre d’affaires global des secteurs logiciels et services. Ce déplacement n’exige pas forcément de passer des frontières. Certaines
entreprises se contentent, en effet, d’installer leurs équipes en région. Leur objectif est d’abaisser leur facture immobilière et de contourner la grille de salaires parisienne. En province, on note une décote de 20 à 25 % sur les feuilles de
paie, avec des équipes plus stables. Ce qui n’est pas négligeable. En France, les freins à l’offshore sont encore importants. Et ce pour de multiples raisons ?” les coûts, la barrière de la langue, la confiance et la sécurité, par exemple.
On ne peut pas tout délocaliser.Vous subissez de fortes pressions pour abaisser vos prix. Apparemment, vous y parvenez. Cela veut-il dire que vous étiez trop chers ?Je ne pense pas que nos politiques de prix étaient exagérées. Même dans les périodes les plus fastes. Car la profitabilité des entreprises se situait alors, en termes de résultat d’exploitation, entre 8 à 10 %, et, en résultat
net, entre 4 et 5 %. C’était raisonnable.

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Clarisse Burger avec Nicolas Arpagian