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Jean-François Théodore, président du directoire d’Euronext : “Les technos influencent, voire dominent les places financières “

Pour le président de la réunion des Bourses d’Amsterdam, Bruxelles et Paris, la nouvelle économie représente toujours une lame de fond.

L’année 2001 a été chahutée sur le plan boursier. Quel bilan dressez-vous de cet exercice un peu particulier ?En comparaison des indices qui ont souffert en 2001, les échanges et l’activité des marchés financiers ont bien résisté. Les volumes ne se sont contractés que de 2 %, ce qui constitue une performance relative, et le nombre de négociations n’a reculé que de 9 %, comparé à une année 2000 qui avait été exceptionnelle (+60% par rapport à 1999). Quant aux échanges sur les produits dérivés, la fraction la plus dynamique des marchés aujourd’hui, a bondi de 22 %. Liffe, société que nous venons d’intégrer à 100 % dans le groupe, a même connu une croissance de 60 %. Avec Liffe, le marché des dérivés représentera 22 % de notre chiffre d’affaires. Au total, 1 700 milliards d’euros (11 150 milliards de francs) ont été négociés sur nos systèmes. Ce chiffre procure donc un courant d’affaires largement au-dessus du point mort d’Euronext.Deux indicateurs de la santé de la Bourse ?” le développement de l’actionnariat individuel et le rythme des introductions ?” ne sont pas au beau fixe…Le nombre d’actionnaires individuels est encore faible en France, mais ces derniers ont gardé leur sang-froid face à la conjoncture de ces derniers mois, leur portefeuille et leur part de marché se sont maintenus, et je reste persuadé que la tendance de fond est positive. Une nouvelle génération arrive, portée par le courtage en ligne. Il est dommage qu’elle ait été un peu échaudée. Notre devoir est de la remotiver… En 2001, Euronext a enregistré 35 introductions, dont 29 à Paris. Après un début d’année correct, la situation est devenue difficile, Euronext a été la dernière grosse opération début juillet, jusqu’à l’introduction récente du Crédit agricole. L’un des enjeux majeurs de cette année est de réenclencher le cycle des opérations.Quels sont les leviers dont vous disposez ?Next Prime et Next Economy, les deux nouveaux segments d’Euronext, constituent une première réponse. Le recul boursier de 2001 a résulté de l’addition de deux phénomènes, des anticipations trop optimistes sur des secteurs et des sociétés, et la dégradation de la conjoncture. L’amélioration de l’information financière, et le renforcement de la transparence, deux des principaux objectifs de ces segments, me paraissent des conditions nécessaires pour réinstaller les entreprises moyennes au c?”ur des préoccupations des investisseurs.Les investisseurs, pour l’heure, semblent plutôt attentistes à l’égard de Next Prime et Next Economy.L’intérêt des investisseurs est là. De plus, le marché est liquide, les fonds ne manquent pas, et les taux sont bas : les bases de la reprise sont présentes. Mais il est vrai que le marché des introductions s’est arrêté presque complètement pendant six mois, ce que nous n’avions pas connu depuis la crise asiatique de 1998. Pour relancer la machine, il est souhaitable de ne pas être trop ambitieux sur les prix d’introduction des sociétés. Tous les professionnels doivent être raisonnables.L’émergence puis l’établissement, malgré le krach, de l’univers technologique, est-il positif ou néfaste aux marchés financiers ?La montée en puissance de la technologie sera un phénomène largement positif, une chance pour les marchés. Les à-coups, les crises de croissance, les ratés ne doivent pas faire oublier que nous sommes face à une véritable lame de fond industrielle. Il y a dans les services, le secteur dominant des économies modernes, une vraie révolution. La nouvelle économie est une réalité, qui a connu une sérieuse crise de croissance, mais qui est inscrite pour longtemps. Ce n’est pas pour rien que les indices Nasdaq sont devenus très directeurs pour la planète boursière. Sous l’angle purement boursier, on constate à quel point les marchés, les indices, les valeurs technologiques influencent voire dominent les places financières. Et nous réfléchissons à la création d’un indice technologique européen.Quelle est, aujourd’hui, la stratégie européenne d’Euronext, face aux deux grands concurrents que sont Deutsche Börse et le London Stock Exchange ?Tout a été très vite ces deux dernières années. Nous nous sommes constitués. Je rappelle qu’Euronext pèse près de la moitié de la capitalisation de l’Euro-stoxx 50, et que nous avons une capitalisation presque équivalente à celle de la Bourse de Londres et des échanges deux fois plus importants. Ensuite, nous avons commencé à agréger des partenaires autour de cette alliance, et ce mouvement se poursuit : car la place portugaise va nous rejoindre. Le sens de l’histoire, en Europe, est clairement à ce vaste mouvement de consolidation, autour de deux ou trois pivots majeurs. Nous sommes bien placés pour être l’un d’entre eux.Une alliance avec les deux grands acteurs européens, Londres et Francfort, est-elle de ce fait exclue ?Non, elle n’est pas impossible. Mais il est probable que nous serons amenés à franchir d’autres étapes avant de conclure une telle alliance Il existe encore des marchés de niche. Il y a aussi des places financières moyennes comme Milan ou Madrid qui, un jour, rejoindront l’un ou l’autre de ces grands pôles.

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Jean-Michel Cedro et Jean-Pierre Savalle