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Je suis politiquement correct

Dans le spot télé qui accompagne son arrivée en France, l’opérateur italien Tiscali donne sa vision d’Internet : un monde où contestation et argent se donnent allègrement la main.

A moins d’avoir passé les douze derniers mois sur Mars, difficile de ne pas avoir entendu parler d’Internet. Tout, et son contraire, ayant été dit à propos du Réseau, il devient difficile pour les fournisseurs d’accès de se faire entendre. Comment désormais vanter les mérites d’Internet tout en marquant sa différence ?
Avec ses moutons, Freesbee a joué la carte de l’ironie. Dans une campagne massive, Tiscali a quant à lui choisi de donner la parole à Internet lui-même pour une minute de prosopopée télévisuelle en noir et blanc.Le spot démarre sur une image d’un bonze en prière : c’est la figure qui dominera toutes celles qui défileront pendant le film. Des visages de tous les âges, de toutes les races, une musique éthérée : il ne manque que l’odeur d’encens. Un grand sage s’adresse à nous d’une voix détachée, probablement du haut de sa montagne. Il a tout vu, tout connu, tout fait. Il n’a ni âge, ni pays et il ne rigole pas beaucoup. ” J’ai oublié ma race ; j’ai laissé un pays en flammes ; j’ai écrit L’Odyssée… ” Rien ne semble pouvoir l’atteindre. Ce n’est qu’à la fin que l’on comprend qu’il ne s’agit pas d’une sorte de Dalaï Lama, mais d’un réseau d’ordinateurs : ” Je suis devenu des millions de personnes et tous ensemble nous sommes Internet. “Ce film en dit long sur la façon dont est perçu Internet aujourd’hui : une chose épouvantablement sérieuse, à la fois machine à faire de l’argent et foyer de la contestation de l’ordre établi, réunis sous le masque d’une bonne conscience globale. Ainsi Internet a-t-il ” cartonné à la Bourse de Tokyo ” comme ” annulé la dette du Tiers-Monde “, ” dirigé une multinationale ” comme ” manifesté à Seattle “.
Que l’on ne se méprenne pas : il ne s’agit pas de deux idéologies antinomiques que Tiscali tenterait de concilier pour toucher une cible la plus large possible, mais bien d’une seule nouvelle philosophie mondiale et uniforme, éthique et matérialiste, dont Internet est à la fois le vecteur et le symbole, et que Tiscali n’hésite pas à baptiser pompeusement ” freelosophy ” sur son site Web.Dans le monde d’Internet, on lit autant Valeurs Actuelles que le Monde Diplomatique. Internet est le territoire des trentenaires occidentaux CSP+, élevés dans le respect de correctes valeurs humanistes, mais aussi dans un douillet confort matériel, pour qui la contestation est une valeur ” pop ” et ses leaders historiques des icônes édulcorées (voir les spots pour Libertysurf). Internet ?” c’est-à-dire les gens qui le font, comme l’explique si bien Tiscali ?” ménage un espace où l’on pense comme il faut, sans oublier de gagner de l’argent. Aujourd’hui, les yuppies ne friment plus en BMW, mais en trottinette : cest plus simple, plus écologique. Mais ça reste de la frime.Prochaine chronique le jeudi 7 septembre

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Jean-Baptiste Dupin, journaliste