Passer au contenu

James Rothnie, directeur du développement d’Easyinternet : ” L’envie de surfer prend nos clients dans la rue “

Avec plus de 20 millions d’euros de pertes, la chaîne Easyinternet Café vise la rentabilité dès 2002.

Implantée en Europe et en Amérique du Nord, la firme britannique, fondée il y a deux ans par l’entrepreneur grec Stelios Haji-Iannou, Easyinternet compte 20 cafés, dans 7 pays et 1,7 million de clients chaque mois. Elle mise sur la franchise pour attaquer le marché chinois. Une stratégie ambitieuse que détaille James Rothnie, son directeur du développement.Vous venez de changer votre nom de marque ?Lors du lancement des premiers Easyeverything Café, nous ne savions pas si les gens allaient y venir pour faire leurs courses ou du day-trading [de la spéculation boursière, ndlr], d’où la présence du terme everything. Nous avons ensuite pris conscience que le prix bas et l’accès facile constituaient le c?”ur de notre identité. Le nouveau nom Easyinternet Café et la signature “The Cheapest Way to Get Online” [en ligne au mondre coût] traduisent cette réalité.Quelles villes et quels pays privilégiez-vous dans votre stratégie ?Nous concentrons nos efforts sur Londres, Paris et New York pour ce qui est des établissements détenus et gérés en propre. À Londres nous souhaitons ouvrir dans le centre un sixième établissement. Nous allons inaugurer en 2002 un troisième Easyinternet Café à Paris, sur les Champs-Élysées, et un deuxième à New York, après celui de Times Square, qui est le plus vaste de la chaîne.Quelles leçons avez-vous tiré de vos échecs à Rotterdam et Anvers où vous avez fermé des cafés ?Nous avons appris qu’Anvers n’est pas New-York, pas plus que Rotterdam n’est Londres. Qu’il fallait dimensionner précisément la taille de nos établissements en fonction des villes. Qu’il valait mieux s’appuyer sur des partenaires que de se précipiter pour planter partout notre drapeau. Le développement sur les marchés périphériques ou exotiques passera donc par la franchise. La chaîne bénéficiera ainsi de l’expertise d’entrepreneurs locaux et économisera des capitaux à un moment où elle investit lourdement aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni : le café de Times Square à New York, le plus cher de la chaîne, nous a coûté 3 millions de dollars (3,4 millions d’euros). Nous ne pouvons croître qu’en comptant sur nos propres forces.Quels sont vos projets en matière de franchise ?Aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, en Allemagne et en Italie, des partenaires se verront confier la gestion d’établissements existants. Nous avons aussi signé un contrat avec la société grecque Germanos, qui s’est engagée à ouvrir dans les deux ans une dizaine d’établissements en Europe centrale et dans les Balkans (Hongrie, Bulgarie, Grèce, République tchèque, etc.). Nous sommes enfin en négociation avec des candidats à la franchise en Amérique latine, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Et il n’est pas exclu qu’un Easyinternet Café voie le jour en Chine l’an prochain.La chaîne a réalisé une perte de 13 millions de livres (21 millions d’euros) sur le dernier exercice, contre 1 million de livres la première année…C’est lié à notre expansion rapide. Mais nous avons prévu de devenir rentables sur l’exercice 2001-2002, afin d’entrer en Bourse dans de bonnes conditions en 2003. Car dans le contexteactuel, on ne lève des capitaux sur les places financières que si l’on gagne de l’argent.Comment comptez-vous devenir rentable aussi rapidement ?Nous avons le choix entre augmenter nos prix et réduire nos coûts.La première voie est impossible pour le discounter que nous sommes. Nous avons expérimenté un relèvement de nos tarifs dans un café, à Londres : la fréquentation a aussitôt reculé, car notre clientèle est très sensible aux prix. C’est pourquoi la compression des coûts, qui concerne toutes nos dépenses, demeure au c?”ur de notre stratégie. Dans l’immobilier par exemple, les Easy Café privilégient les emplacements situés dans des quartiers à fort trafic qui vivent aussi la nuit. C’est là que le mètre carré se négocie au prix fort. Mais nous évitons de prendre les espaces dotés d’une large vitrine qui sont les plus onéreux. Nous n’en avons pas besoin pour faire le plein de clientèle, contrairement à d’autres commerçants. La vente de billets d’accès par automate et la sous-traitance de la vente de boissons et de snacks vont contribuer à diminuer le nombre d’employés dans nos futurs établissements et donc les coûts salariaux. Nous concentrons désormais notre développement sur un nombre limité de villes afin d’accroître les économies d’échelle dans les frais marketing et d’exploitation. La simplification de nos prestations sert le même objectif. Nos clients veulent d’abord un accès rapide et bon marché. Dans les futurs cafés, vous ne trouverez pas forcément une webcam ou un téléphone sur chaque poste.Dans un contexte publicitaire morose, qu’advient-il des espaces que vous commercialisez dans vos cafés (tapis de souris, affiches) ?La part de la publicité dans le total de nos revenus est tombée de 25 % à 15 %. Là aussi, nous nous interrogeons sur les frais de gestion administrative qu’elle occasionne et nous avons d’ailleurs conclu un joint-venture avec WPP. Ce groupe publicitaire est chargé de vendre nos espaces à de grands annonceurs mondiaux, car cette activité relève d’un autre métier.Quel impact l’équipement internet à domicile et au bureau a-t-il sur votre marché potentiel ?La diffusion des cafetières électriques dans les ménages n’a pas mis fin à la consommation d’expressos dans les bars. Le concept d’Easy fonctionne dans les pays où le taux de pénétration d’internet est élevé. Par exemple à Londres environ 35 % de nos clients résident sur place et disposent par ailleurs d’un accès à la toile. Pourquoi viennent-ils ? Parce que nous leur offrons le haut débit à un tarif modique, parce que l’envie de surfer les prend en passant dans la rue… Notre chaîne devrait également rencontrer le succès dans les grandes villes des pays émergents où la population n’a pas les moyens de s’équiper à domicile et n’a pas d’accès au travail. Je pense en particulier à l’Asie.Quel est le point de saturation du marché dans les grandes métropoles ?À Londres, l’ouverture du cinquième café n’a pas eu d’incidence sur la fréquentation des autres. Nous ne connaissons pas encore la limite, d’autant que le concept est flexible. Nous réfléchissons à la possibilité d’ouvrir des petits cafés dans des quartiers périphériques, qui fonctionneraient de 8 heures à 23 heures.Comment expliquez-vous l’absence de grands concurrents américains ou européens ?Nous sommes les premiers à appliquer aux cafés internet des méthodes marketing pointues et aussi à raisonner en termes d’expansion internationale. Nous n’avons que des concurrents locaux car notre stratégie est bien trop coûteuse pour des petits entrepreneurs : par exemple, le système informatique qui assure la gestion de nos établissements coûte un million de dollars (1,12 million d’euros). L’absence d’un gros opérateur aux États-Unis ?” le pays qui a inventé internet ?” peut surprendre mais on a longtemps pensé outre-Atlantique que l’accès au bureau et à domicile suffirait à satisfaire la demande. Or, les Easyinternet Cafés sont en train de démontrer le contraire, et nous réalisons de telles économies d’échelle quil sera vraiment très difficile à la concurrence de nous tenir tête sur le terrain du prix.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Frédéric Brillet