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Interview de Julie Mossler : “Waze restera gratuit”

L’application Waze accompagne chaque jour des millions de conducteurs partout dans le monde. À l’occasion de la sortie de la version 3.8, Julie Mossler, responsable de la communication et de la stratégie de Waze répond aux questions de 01net.

Depuis son rachat par Google il y a un an pour près d’un milliard de dollars, les équipes du GPS communautaire Waze n’ont quasiment pas communiqué. La plateforme fédère aujourd’hui un réseau solide : avec les années, une large communauté d’inconditionnels s’est mise en place. Julie Mossler, responsable communication et stratégie, fait le point sur les principales interrogations concernant le futur de la plateforme.

Raphael Grably : Quelle est votre définition de Waze ?
Julie Mossler : Je dirais que Waze est l’une des plus larges communautés de conducteurs au monde qui travaillent ensemble pour combattre le trafic en temps réel. L’entraide et le partage de l’information sont essentiels.

RG : En parlant de réduire le trafic, vous semblez indiquer que Waze a une mission d’intérêt général…
JM : Je pense que Waze a deux missions : la première concerne chaque conducteur et elle consiste à lui faire économiser cinq ou dix minutes par jour. Mais au début de l’aventure, nous n’avions pas réalisé que nous pouvions aussi être utiles d’un point de vue plus général. En partageant les données de trafic avec les pouvoirs publics nous pouvons aider les autorités des villes à agir de manière plus efficiente. Par exemple, à Rio de Janeiro nos données sont utilisées depuis septembre 2013 pour permettre à la ville d’être informée plus rapidement, notamment en cas d’accident.

RG : Le rachat par Google a-t-il impacté la stratégie de Waze ?
JM :
Nous sommes toujours indépendants. Nous avons encore embauché une trentaine de personnes l’an dernier. D’autre part, beaucoup de start-ups recrutent, notamment en Californie où le besoin en ingénieurs est immense. Le fait d’avoir Google derrière nous nous permet d’attirer de grands talents, et d’être très compétitifs afin de recruter les meilleurs. L’infrastructure technique de Google nous aide aussi et nous permet d’apporter encore davantage de précision à nos utilisateurs en utilisant des outils comme Street View.

RG : Comment se fait la gestion d’autant de zones géographiques partout dans le monde ?
JM : 
Nous accordons une très grande importance à nos 140 000 éditeurs de cartes autour de planète.  Au fur et à mesure qu’un éditeur apporte des modifications, il monte en hiérarchie en passant Area Manager, Country Manager puis Local Champ. Le niveau ultime est Global Champ, mais il est très difficile d’en devenir un : il faut avoir apporté des centaines de milliers d’informations. Il y en a une soixantaine seulement dans le monde, et un seul en France ! De manière générale, les éditeurs les plus actifs sont régulièrement consultés lors des prises de décision.

RG : Ces volontaires ont-ils droit à une contrepartie financière ?
JM : 
Non, mais il y a une réelle fierté à contribuer à l’enrichissement de l’application. Cela peut être le cas lorsqu’un habitant d’une petite ville ajoute de nombreuses données qui n’auraient jamais pu être renseignées sans lui. C’est un travail long et minutieux. Petit à petit, l’utilisateur voit son propre travail s’accumuler et nourrir l’application, un peu comme un passionné qui se construit une voiture dans son garage, étape par étape!

RG : Comment vous situez-vous sur le marché français par rapport à vos concurrents ?
JM :
 Nous sommes le premier service en termes d’utilisateurs actifs. L’application est très utilisée dans les grandes villes françaises, et bien évidemment à Paris. En mai, les parisiens ont parcouru 170 millions de kilomètres avec Waze et ont représenté un total de 800 000 utilisateurs actifs en moyenne durant les 15 derniers jours. Au niveau national, il y a eu un pic à 123 000 incidents déclarés (un incident peut être un accident ou tout autre événement signalé, comme un embouteillage, NDLR) pour la seule journée du 20 mai.

RG : Quels sont vos objectifs pour 2014 en France ?
JM : 
Nous voulons rendre l’application toujours plus sociale et faciliter les interactions avec vos amis et votre famille. Nous venons d’apporter une modification à ce niveau-là : auparavant, la seule façon de vous connecter avec vos connaissances était de passer par Facebook. Il est désormais possible de désactiver cette fonction et de pouvoir envoyer des invitations individuelles par le biais des numéros de téléphone de votre répertoire. Nous voulions proposer à l’utilisateur le choix de partager ou non sa position avec l’ensemble de ses amis Facebook. Une autre des nouvelles fonctions est de pouvoir envoyer directement un itinéraire à un contact. En vous rendant chez un ami, vous pouvez maintenant en un clic lui envoyer votre position (en privé) et le temps qu’il vous faudra pour le rejoindre. Cela encourage ainsi à être plus prudent et à se concentrer sur la route davantage que sur le fait d’envoyer un SMS.

RG : De façon générale, utiliser Waze en conduisant n’est-il pas dangereux ?
JM : 
Selon moi pas davantage que n’importe quel GPS ou appareil embarqué. Nous travaillons particulièrement sur le contrôle par la voix afin de limiter au maximum l’attention visuelle à accorder à l’application. Mais de toute façon, est-ce réellement plus dangereux de regarder son smartphone que d’ouvrir une carte géante comme nous le faisions il y a dix ans ?

RG : Concernant l’aspect financier, quel est le modèle économique de Waze ?
JM : 
Tout d’abord, nous ne vendons pas de données. Nous gagnons de l’argent grâce à la publicité. Nous utilisons un système de publicité intégrée à la carte (un magasin annonceur vous sera par exemple signalé lorsqu’il sera dans votre périmètre, NDLR) tout en faisant attention qu’elles ne viennent pas perturber la lecture du trajet par l’utilisateur. Il y a aussi une personnalisation de la publicité. Si vous enregistrez une adresse comme étant celle de votre travail, l’application vous proposera une promotion pour un café plutôt que pour une place de cinéma lorsque vous arriverez sur place, partant du principe que vous aurez davantage le temps pour un expresso que pour un film. 

RG : Avez-vous également prévu de la publicité en utilisant le son?
JM : 
Sur le marché américain nous avons développé une nouvelle façon plutôt ludique d’intégrer la publicité. L’acteur Kevin Hart a récemment remplacé la voix habituelle de l’application lors de la sortie de son dernier film. Le ton était plutôt humoristique et vous pouviez instantanément cliquer sur le nom du film afin de le garder en mémoire et éventuellement de réserver une place de cinéma par la suite. Nous prévoyons d’étendre ce dispositif à d’autres pays.

RG : Ce modèle permet-il de déduire que Waze restera bien gratuit ?
JM :
Je peux vous confirmer que Waze restera gratuit, et il n’est pas prévu de revenir sur ce principe.

RG : Vos revenus sont donc principalement publicitaires ?
JM :
Oui, car nous ne vendons pas les données des utilisateurs.

RG : Et où sont-elles conservées ? 
JM : 
Nous ne communiquons pas sur l’endroit où elles sont stockées, mais nous appartenons à Google, et c’est donc Google qui en a la possession. Je peux en revanche vous dire qu’elles sont extrêmement sécurisées, et qu’elles sont anonymes : l’historique des déplacements est totalement séparé de l’identité de l’utilisateur lors du stockage. 
Chaque utilisateur peut en revanche avoir accès à ses données et demander leur suppression, en respect de la loi française. Nous avons d’ailleurs facilité cette démarche afin de la rendre plus accessible.

RG : Concernant les radars, j’ai toujours la possibilité de signaler les radars fixes et mobiles…
JM : 
Oui, mais nous avons modifié cette fonction afin d’entrer en conformité avec la loi. Lorsque vous signalez un radar, vous signalez désormais un périmètre et non un endroit précis, contrairement au signalement d’un accident ou d’un bouchon par exemple.

RG : Vous n’avez donc aucun souci avec le Ministère de l’Intérieur ?
JM : 
Absolument aucun ! (rires)

RG : Passer des partenariats avec certains constructeurs automobiles est-il en projet ?
JM : 
Pour l’instant, ce n’est pas au programme.

RG : Allez-vous réagir face nouvelles applications de type « Waze-like », appliquée aux transports en commun par exemple ?
JM : 
Avec notre système, nous pourrions faire beaucoup de choses, presque une infinité. Mais notre mission est d’aider les utilisateurs à mieux circuler en voiture, et nous devons rester concentrés là-dessus. Certaines cartes sont très avancées (comme en Italie), presque impossible à améliorer. Nous lançons avec nos plus gros utilisateurs un grand projet, celui de s’attaquer au continent africain où il y a encore tout à faire. Alors avant de s’attaquer aux bus, on doit s’occuper de l’Afrique !

Note de la rédaction : Concernant l’application du droit de rectification, Waze à effectivement ajouté une page dédiée à la vie privée sur son site internet. Toutefois, celle-ci n’a toujours pas été traduite en français.

Ci-dessous : présentation de la nouvelle version de Waze (en anglais)

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Raphaël Grably