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Internet, le délaissé du CRM et des centres d’appels

Les entreprises commencent à relier leur site Web à un centre d’appels. Cette association favorise le développement de nouveaux services en direction de leurs clients. Mais Internet demeure minoritaire dans les projets CRM.

Nombre de marchés sont aujourd’hui soumis à une forte concurrence, et les clients, de plus en plus exigeants, sont aussi volatils. Ce constat est connu, et presque banal. Victimes de cette guerre commerciale, des entreprises françaises partent, néanmoins, à la recherche d’armes de reconquête. “Pour réussir, il faut mettre le client au centre de votre stratégie !”, martèlent les consultants. En clair : “Est-ce que je connais mes clients et leur potentiel ? Lesquels garder, lesquels abandonner ?
C’est tout l’enjeu des projets de gestion de la relation clients actuels”, résume Christian Renard, directeur de l’activité CRM chez Cap Gemini Ernst & Young.Pour atteindre ces objectifs, l’entreprise doit avoir une vision unique de ses clients, de ses prospects et de ses partenaires. Pour cela, elle doit intégrer non seulement les informations traditionnelles (contrats et commandes en cours), mais également tout ce qui permet d’apprécier la valeur du client (historique des contacts, demandes d’information, devis en cours…). Bref, toutes informations qui ne figurent pas dans un système de back-office.

Apprendre à dire et à écrire

L’ennui, c’est que les entreprises ont maintes difficultés à évaluer la valeur de leurs clients car elles se sont structurées autour de leurs produits. “Il n’y a pas si longtemps, un opérateur télécoms gérait des numéros de ligne et non des abonnés. De même que les banques gèrent des comptes et non des clients “, rappelle Olivier Savouret, responsable de l’offre de centres d’appels chez Valoris. “Beaucoup d’entreprises n’ont pas une vision client. Elles doivent la recréer de toutes pièces”, confirme Christian Renard. “En outre, les systèmes d’information existants ne sont pas faits pour gérer des prospects”, ajoute Olivier Savouret.Conséquence : “Les entreprises qui veulent exploiter un référentiel client unique doivent utiliser des éléments épars, des sources non normalisées, des applications conçues par ligne de produits “, constate Emmanuel Muyal, directeur du secteur commercial chez Steria. “Les systèmes d’information se sont constitués par couches sédimentaires, et verticalement par canal de communication “, reprend Christian Renard. Dans ces conditions, le projet CRM, mis en ?”uvre au moyen d’un ou de plusieurs progiciels spécialisés, doit également unifier les multiples canaux de l’entreprise : réseau d’agences, Web, téléphone, face à face… Pour répondre à ce besoin, les progiciels du marché évoluent vers l’intégration multicanal. “On observe également une spécialisation des progiciels par secteur d’activité”, note Olivier Savouret.L’unification multicanal est stratégique, sinon on aboutit à une étanchéité qui entrave la bonne marche commerciale de l’entreprise et le service rendu au client. “Quand on effectue un achat sur le site Web d’un vépéciste connu, et que l’on contacte le centre d’appels, personne ne connaît votre commande. On vous répond même qu’il vaut mieux acheter par téléphone pour pouvoir être renseigné !”, illustre Olivier Savouret. “Dans les centres d’appels de la VPC, les télévendeurs accèdent encore aux systèmes centraux en émulation 3270 pour de la prise de commande. La migration de ces plateaux vers les technologies de centre d’appels sur Internet et l’e-CRM représente un gros chantier. Et la VPC n’est pas la seule concernée”, atteste Jean-Pascal Dragon, consultant chez Atos Origin. La priorité concerne la gestion des e-mails. Et d’ajouter : “D’ici à trois ans, environ 20 % des contacts devraient être réalisés par e-mail dans les centres d’appels.” Quant aux autres outils du Web, tels “le chat et la conavigation, ils sont encore anecdotiques”, assure Olivier Savouret. “Il y a eu, depuis quelque temps, beaucoup de tests pilotes de centres d’appels Web. Les technologies fonctionnent, mais il va falloir former le personnel à ces outils. Pour une population de plusieurs milliers d’opérateurs, cela prendra deux à trois ans, complète Jean-Pascal Dragon. Les téléopérateurs ont appris à sourire au téléphone. Avec le Web, ils vont devoir apprendre à écrire.” Une boutade qui traduit bien le retour en force de l’échange épistolaire grâce à l’e-mail et au chat.

La rentabilité fait débat

“L’e-mail est porteur de l’image de marque d’une entreprise”, avertit Patrice Millet, responsable de l’offre CRM chez France Télécom. Et les entreprises craignent d’être débordées par ce type de flux. Dès lors, elles ne mettent pas en évidence sur leur site la possibilité de les contacter par ce moyen, ni, d’ailleurs, par celui des boutons de callback. “Cette fonction ne doit pas être proposée à n’importe quelle clientèle. Elle doit être placée là où elle apporte le plus de valeur ajoutée “, renchérit Patrice Millet. France Télécom dispose, à son catalogue, d’une telle offre, pour laquelle elle déploie les solutions de NetCentrex-MG2 et d’eFusion.On peut toutefois se demander pourquoi le secteur de la VPC n’a pas déjà adopté en masse la technologie des centres d’appels Web ? “Le Voice Button, de Nortel Networks, a été mis en ?”uvre sur le site de La Redoute il y a un an. Mais, c’est une vitrine technologique. Le plateau concerné ne traite que quelques appels”, indique Emmanuel Muyal. Surtout, il est totalement déconnecté des vastes plateaux de télévendeurs raccordés aux grands systèmes. “Les vépécistes veulent rentabiliser leurs systèmes actuels”, analyse Christian Renard. “L’urgence pour eux est de réunir leurs structures, trop disséminées. Certains ont jusqu’à cinquante plateaux répartis en France”, relève Jean-Pascal Dragon. C’est que les technologies doivent justifier un retour sur investissement. “Le CTI n’est utilisé que dans 40 % des centres d’appels car il ne se justifie pas dans tous les cas. La remontée automatique de la fiche du client sur le poste du téléopérateur n’est pas toujours indispensable. Lorsque le bénéfice de l’investissement n’est pas visible, la technologie n’est pas utilisée “, rappelle Christian Renard. “Avec le centre d’appels Web, le retour sur investissement est visible. En basculant les téléopérateurs sur le traitement des e-mails dans les périodes de creux, vous rentabilisez le plateau “, assure Emmanuel Muyal.Au-delà du centre d’appels, la mise en ?”uvre d’une stratégie CRM globale prend du temps. Le cabinet Carthago table sur un plan à moyen terme, c’est-à-dire de deux à quatre ans. Il se traduit en plusieurs projets, chaque entreprise définissant ses priorités afin de construire une démarche par étapes. Les premiers projets peuvent alors être réalisés en quelques mois. Le facteur de réussite indispensable reste cependant l’adhésion de tous les services à une vision stratégique, qui déterminera les marchés de l’entreprise, l’offre de service qu’elle veut développer et les canaux de contact et de mise en relation privilégiés. Ce n’est qu’alors que s’effectue le choix du système d’information à utiliser. Il pourra s’agir d’un développement spécifique, d’un progiciel intégré ou bien de l’assemblage de plusieurs produits.“La Société Générale a fait le choix osé de basculer tous ses clients ?” des millions de personnes ?” dans la base de données du progiciel CRM de Siebel. Cela n’a jamais été fait. Conséquence : la banque est obligée d’adopter la base de données DB2 et de porter le tout sur grand système. Personne ne sait si cette architecture tiendra la charge “, s’interroge Christian Renard. Sans compter qu’un progiciel de CRM est très structurant, “Siebel comme SAP amènent l’entreprise à se réorganiser autour d’eux “, prévient Emmanuel Muyal. Ce qui prendra plusieurs années. Leur structure de données est, en effet, très contraignante.“La Société Générale remet à plat tous ses processus commerciaux. Le basculement sur leur nouveau système fera perdre des fonctionnalités, au début, aux chargés de clientèle dans les agences. En effet, il leur faut déployer plus de quatre-vingts interfaces avec des systèmes existants, et tout cela se fera progressivement “, souligne Alain Kagan, p.-d.g. de Novaxis. De petits progiciels, plus souples, permettent des mises en ?”uvre rapides en se pliant aux structures de données de l’entreprise.

Marier front-office et back-office

Une stratégie d’autant plus facile à réussir que la société aura démarré à partir d’un site de vente en ligne. “PC City commercialise des PC, via le Web. Le site ?” de technologie BroadVision ?” alimente une base CRM, Conso+, de Coheris. Le centre d’appels utilise la couche CTI de Genesys. Dès lors, un formulaire rempli sur le site par l’internaute est consultable par le téléopérateur dans Conso+ via Genesys”, explique Jean-Pascal Dragon. Néanmoins, tous les projets CRM n’intègrent pas systématiquement le site Web. “Le canal Web ne touche qu’une frange de la population dans le cadre urbain essentiellement. À la campagne, le face à face reste important. Le Crédit Agricole a d’ailleurs deux ou trois ans de retard en matière d’Internet”, note Christian Renard.Les logiciels de CRM jouent également un rôle central dans les centres d’appels. Alimentés automatiquement par le logiciel de CTI et, désormais, par le logiciel d’interaction avec le site Web, ils enregistrent l’historique des contacts (téléphone, e-mail, chat…) avec un client. En ces périodes de migration vers les technologies du Web, l’automatisation des traitements n’est toutefois pas toujours optimale, et certaines informations doivent parfois être saisies deux fois ! C’est le cas dans le centre d’appels d’un grand constructeur automobile. L’interaction entre l’outil de CRM ?” d’origine SAP ?” et la couche de gestion CTI et Web ?” d’origine Genesys ?” n’est pas encore automatisée. Les e-mails doivent alors être ressaisis dans SAP. Mais une mise à niveau de SAP ?” des bataillons de programmeurs seraient mobilisés ?” devrait résoudre rapidement cette difficulté. Usuellement, des connecteurs spécifiques existent, tels qu’entre Siebel et Genesys ou entre Conso+ et Genesys. Les e-mails viennent alors nourrir automatiquement la base de contacts du logiciel de CRM. Lorsqu’un tel connecteur n’existe pas, un intégrateur devra le développer spécialement.Sinon, lorsque tout va pour le mieux, le téléopérateur dispose d’un écran où il retrouve son application de CRM en frontal qui intègre les remontées d’informations du centre d’appels Web et du CTI. Il dispose aussi d’un accès aux systèmes centraux pour la gestion de comptes et la facturation, d’un accès au catalogue de produits ainsi qu’à de multiples bases de connaissances. Victime de son succès, le progiciel de CRM se voit confier de plus en plus de workflows métiers et de tran sactionnel. “Or, les progiciels de CRM sont “navigationnels”, constate Olivier Savouret. On se promène d’écran en écran…” Une tendance qui montre le besoin d’une nouvelle génération d’outils de CRM qui unifierait front-office et back-office.

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Jean-Pierre Blettner