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Il n’y a plus de respect

Je vais être empruntée par d’autres. Il n’y a plus de respect. Je ratiocine? C’est de mon âge: j’accuse plus de cent printemps. Ah! excusez-moi, je ne me suis pas présentée: je suis la ligne d’abonnés du réseau téléphonique de France Télécom.

Oui, il est là, ce fameux dégroupage qui laisse la possibilité à un opérateur concurrent de m’utiliser, moi, la ligne téléphonique de France Télécom. La faute de Bruxelles, qui a quasiment mis les gouvernements européens au pied du mur. La France a freiné des quatre fers tant qu’elle a pu. Mais à la longue… il a bien fallu céder. Bruxelles, c’est clair, veut la peau des opérateurs historiques. On a commencé par ouvrir la concurrence sur l’international, les communications longue distance, les données, puis la voix, et aujourd’hui les communications locales. Ce dégroupage ? Un coup de poignard.Pensez. Patiemment, pendant plus d’un siècle, France Télécom ?” sous des noms différents : la DGT, les PTT ?” a bâti son réseau. Il était à lui. Il y faisait la pluie et le beau temps. Des comptes à rendre à personne. Et surtout, grâce au monopole, aucune comparaison possible avec des concurrents. Comme c’était pratique et reposant. Lorsque, d’aventure, on accordait aux usagers une petite baisse, on se frappait la poitrine en vainqueur ! Comme on était bon de baisser légèrement les tarifs alors qu’on n’y était même pas obligé. Il y avait de quoi s’autoadmirer avec ferveur.Avec la concurrence, les temps sont devenus plus difficiles. Pas facile de s’autoproclamer meilleur opérateur du monde lorsque les autres s’ingénient à casser les tarifs et vous obligent à vous aligner sur eux. Mais je restais jusque-là protégée, France Télécom conservant la maîtrise de la boucle locale, le dernier tronçon qui rejoint l’opérateur à l’abonné. Mais maintenant, avec le dégroupage, c’est fini.
A cent ans, m’obliger pratiquement à me prostituer, c’est moral ?Je les vois déjà, ces petits jeunes qui se croient tout permis, guetter l’occasion de prendre pied sur le local, dernier bastion de France Télécom. Je dis que c’est une profanation.Je les entends dire que la concurrence est bonne pour le consommateur. Mais pas chez nous. Les têtes pensantes de France Télécom ne cessaient de le répéter : nous avons le meilleur réseau du monde, le meilleur opérateur du monde, les meilleurs services du monde. Que peut vouloir de plus le consommateur ? Des tarifs plus bas ? Mais ce serait du jamais vu, ça !Oh ! je nous y vois d’ici : c’est couru, on va s’écharper dans des guerres tarifaires. Quelle vulgarité ! Me faire ça, à moi, exemplaire à tous points de vue ! Il ny a plus de respect.Prochaine chronique le vendredi 6 octobre

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Jean-Pierre Soulès, grand reporter