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Google et Microsoft : rien ne va plus, les deux géants sont désormais en guerre ouverte

Le torchon brûle entre les deux géants de la technologie. Microsoft accuse Google d’abus de pouvoir, notamment vis-à-vis des médias. Mais pour le géant de la recherche, qui lui répond dans un communiqué d’une violence rare, Microsoft défend surtout ses propres intérêts au détriment de ses compétiteurs. Ambiance…

C’est un communiqué brutal, qui tranche avec la communication traditionnellement feutrée et positive des grandes firmes de technologie. Vendredi, sur le blog officiel de Google, Kent Walker, Senior Vice President et directeur juridique de la firme, prend la plume. Il signe un billet d’une violence presque inédite à l’encontre d’un vieux rival de la firme de Mountain View : Microsoft. Il l’accuse de vouloir « casser le fonctionnement de l’Internet ouvert dans l’optique de saper un rival ». Rien que ça. Le dernier rebondissement d’une querelle qui s’envenime.

Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter un peu le temps. Certes, Google et Microsoft n’ont jamais été de grands copains. Mais depuis quelques mois, la relation entre les deux géants est allée de mal en pis. La raison de cette dispute au sommet de la tech ? Une nouvelle législation australienne, adoptée il y a quelques jours, qui force les grandes plates-formes – Google et Facebook, pour résumer – à rémunérer les médias lorsqu’elles reprennent leur contenu.

Durant des semaines, Google, tout comme Facebook, a pratiqué un lobbying intense pour éviter de mettre la main au pot. Le géant américain est allé très loin, jusqu’à menacer de priver l’Australie de son moteur de recherche ! L’occasion était trop belle pour Microsoft. Le 11 février dernier, son directeur juridique, Brad Smith, annonçait, tel un chevalier blanc, que Microsoft soutenait la législation qui hérissai le poil de ses rivaux. Plus fort encore, il s’est dit prêt à payer pour soutenir les entreprises de presse australiennes.

« La menace de Google de boycotter un pays entier a attiré notre attention. Satya Nadella et moi-même avons donc contacté le Premier ministre Morrisson, c’était une opportunité de combiner de bonnes affaires avec une bonne cause et, comme nous lui avons expliqué, si Google veut quitter l’Australie, nous, nous resterons » écrit-il.

Bing représente moins de 5 % de part de marché là-bas. Microsoft espérait donc profiter d’un éventuel départ de Google pour croître.

Une dispute qui s’étend aux Etats-Unis

Finalement, Google n’a pas quitté l’Australie, et a passé des accords avec les éditeurs de presse pour les rémunérer. La passe d’arme aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur la présence de Brad Smith, invité vendredi comme témoin à une audition à la Chambre des représentants des Etats-Unis, devant l’United States House Committee on the Judiciary.
Il a profité de l’occasion pour apporter le soutien de Microsoft à une loi en gestation, baptisée Journalism Competition and Preservation Act (JCPA). Soutenue à la fois par les Démocrates et les Républicains, elle permettrait aux médias américains de négocier collectivement avec les grandes plates-formes un meilleur partage des revenus liés à leurs articles.

Mais le directeur juridique de Microsoft a aussi utilisé cette tribune pour violemment attaquer Google et son emprise, selon lui, presque totale sur le marché publicitaire en ligne. Avant de conclure par un plaidoyer pour « faire revenir la concurrence dans les marchés de la recherche et de la publicité », un vrai clin d’oeil à ceux qui aspirent à voir Google coupé en morceaux. 

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Cette audition a provoqué l’ire de Google… et le billet de blog signé Kent Walker que nous évoquions au début de cet article. Publié quelques minutes seulement avant le témoignage de Smith devant la Chambre des représentants, il évoque d’abord « l’engagement » de Google en faveur du journalisme en ligne, notamment les « milliards de dollars de chiffre d’affaires » partagés avec les éditeurs de presse via ses offres publicitaires, ainsi que sa récente initiative Google News Showcase.

Microsoft en pleine tentative de diversion ? 

Mais très vite, ce billet prend une toute autre tournure, pour s’en prendre à Microsoft et au rôle que celui-ci a eu dans l’affaire australienne. Walker ne passe pas par quatre chemins :

« Nous respectons le succès de Microsoft et rivalisons avec force avec eux dans le cloud, la recherche, les applications bureautiques, la vidéoconférence. Malheureusement, alors que la compétition dans ces secteurs s’intensifie, ils reviennent à leurs techniques habituelles, qui consistent à attaquer leurs rivaux et à pratiquer le lobbying pour une règlementation qui sert leurs propres intérêts », écrit-il. Avant d’indiquer, donc, que Microsoft s’en prend ainsi au « Web ouvert »*.

Google va même beaucoup plus loin. Walker élabore une théorie surprenante, que nous vous laisserons le soin de juger. D’après lui, Microsoft se serait soudainement épris du journalisme en ligne pour faire diversion, et que les observateurs détournent le regard de ses récents et épineux problèmes de sécurité. 

« Ce n’est pas une coïncidence si les attaques de Microsoft à notre encontre surviennent après l’attaque SolarWinds et à un moment où ils ont laissé des dizaines de milliers de leurs clients se faire pirater, via des vulnérabilités majeures dans leurs logiciels ».

Enfin, Walker rappelle que Microsoft, via LinkedIn, MSN ou Microsoft News, dispose en effet de plates-formes où le public consomme de l’actualité.
« Mais leur palmarès est douteux : ils ont beaucoup moins financé l’industrie de l’information que nous. Et quand ils ont eu l’opportunité de soutenir ou de financer leurs propres journalistes, Microsoft les a remplacés par des bots. » Une référence à MSN, dont une partie des journalistes a en effet été licenciée au profit d’une IA l’année dernière.

Une chose est sûre : la guerre entre les deux géants est loin d’être terminée. Alors que les nuages s’amoncellent autour des titans de la technologie, devenus trop riches et trop puissants, chacun d’entre eux s’arc-boute chaque jour un peu plus sur sa position, et défend ses propres intérêts bec et ongles. Pas sûr que le Web y gagne. 

*Payer pour l’affichage de liens sur le Web est pour Google – mais aussi pour son inventeur Tim Berners-Lee – une entrave à un principe fondamental du Web ouvert, qui est de fournir gratuitement des liens entre des pages.

Source : Google

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Eric LE BOURLOUT