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François Hollande : ‘ La brevetabilité du logiciel favorise les comportements prédateurs ‘

Le premier secrétaire du Parti socialiste détaille les grands enjeux économiques et humains d’une reconnaissance de la brevetabilité des logiciels et stigmatise les dangers qu’une telle réforme ferait courir aux PME.

01net. Les brevets logiciels constituent-ils un danger pour l’industrie informatique européenne ou un atout majeur de son développement économique ?François Hollande : Sur le plan humain, l’industrie du logiciel donne du travail à 10 millions de développeurs professionnels dans le monde, auxquels il faut ajouter une autre dizaine de millions de
développeurs ‘ amateurs ‘ qui contribuent, à côté du secteur marchand, à l’évolution de la technique. Les logiciels font partie intégrante de notre vie quotidienne.Le projet de directive proposé par la Commission de Bruxelles a fait l’objet d’un rapport favorable de la part de Mme Arlene Mc Carthy, députée travailliste et membre du groupe du PSE (Parti socialiste européen). Le
Parlement européen devrait se prononcer sur ce texte, à partir du 22 septembre prochain. Quelle sera la position du PSE ?
Après un long débat entre socialistes, qui a fait dialoguer des cultures juridiques différentes, les positions au sein du groupe socialiste au Parlement européen sont en train de se rapprocher. Pour de nombreux députés du groupe
socialiste, le texte de la Commission était trop vague et donc potentiellement dangereux. Michel Rocard a proposé une série d’amendements pour délimiter clairement le champ de la brevetabilité. Le groupe socialiste devrait se mettre
d’accord sur des amendements qui préservent l’essentiel.Quelle est l’influence du PS au sein du groupe PSE ?Sur le brevet logiciel, Gilles Savary ?” à la commission Industrie ?” et Michel Rocard ?” comme président de la Commission des affaires culturelles ?” se sont plongés dans ce dossier.
C’est à partir de leur investissement que de nombreux socialistes espagnols, belges, allemands, italiens, grecs ont fait évoluer leur point de vue.Si la directive sur la brevetabilité des logiciels était approuvée en l’état par le Parlement européen, quel en serait l’impact sur les PME, ainsi que sur des entreprises de plus grande taille ?L’impact sur les PME serait immédiat. La directive pèserait sur leur activité de multiple façon : tout d’abord, la protection par brevet logiciel serait coûteuse pour les PME. Elle serait ensuite source
d’insécurité juridique. Comment développer en prenant à chaque instant le risque d’utiliser des modules protégés qui donnent droit à royalties à leurs propriétaires. Instaurer le brevet logiciel, c’est donner une arme
supplémentaire aux grands groupes pour freiner l’entrée de concurrents, ou éliminer les plus petits. Derrière le brevet logiciel, il y a une poignée d’industriels européens et les géants américains du logiciel.Certains opposants aux brevets logiciels affirment qu’une telle réforme signerait l’arrêt de mort de l’industrie du logiciel libre en Europe. Or, aux Etats-Unis, pays où les brevets logiciels sont une réalité
juridique, le logiciel libre semble avoir survécu. En quoi la situation européenne différerait-elle de l’expérience américaine ?
Le logiciel libre a survécu pour trois raisons essentielles. Les grands acteurs américains du logiciel ont été pris par surprise par l’essor du logiciel libre, comme les grands acteurs des télécommunications l’avaient
été par Internet. Jusqu’à présent, les logiciels libres ont été utilisés quasi exclusivement dans le cadre de services enfouis, comme les serveurs, ou dans des secteurs peu visibles, ce qui réduit l’intérêt d’attaques coûteuses
sur le plan de l’image contre une communauté, celle du libre, dynamique et populaire.Le brevet est un moyen efficace de protection de la propriété intellectuelle. Aux Etats-Unis, Microsoft a récemment été condamné à verser 521 millions de dollars, pour exploitation illégale de brevet sur son navigateur Internet
Explorer ; que vous inspire cet exemple ?
Je ne reviens pas sur ce que je viens de dire concernant les PME. Il s’agit sans doute d’un moyen de protection efficace pour les entreprises qui en ont les moyens. J’attire tout de même l’attention sur le
fait que même celles-là s’exposent à des contraintes nouvelles car il ne suffit pas de détenir un brevet : il faut ensuite se constituer un portefeuille pour négocier, entre grands acteurs, des licences croisées. Dans le domaine du
logiciel, l’alourdissement constant des procédures n’est pas le meilleur gage le dynamisme. Je m’étonne.

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Propos recueillis par courrier électronique par Philippe Crouzillacq