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Fabrice Grinda (Aucland) : ” Les concurrents potentiels d’Aucland sont des sites de niche “

Avec l’acquisition de l’étude Tajan par LVMH, qui ambitionne de la porter sur Internet, et les rumeurs d’une prise d’assaut d’eBay sur Christies, la frontière entre le monde des enchères en ligne et celui des enchères réelles commence à s’atténuer. Pour Fabrice Grinda, PDG et fondateur d’Aucland, il existe peu de zones de recouvrement entre ces deux marchés.


Fabrice Grinda revient également ici sur ses liens avec Bernard Arnault, président de LVMH et d’Europ@web, ainsi que sur la position de sa société vis-à-vis de ses différents concurrents.



01net. : La présence d’Europ@web dans N@rt et Artprice.com, ou celle de LVMH dans le capital de Tajan, ne va-t-elle pas obliger Aucland à se spécialiser ?

Fabrice Grinda : Non. Les ventes aux enchères traditionnelles et les ventes aux enchères sur Internet ont des objectifs différents. L’intérêt principal de ces dernières est de permettre à tout le monde de vendre et acheter des produits de faible valeur (films, musique, informatique, etc.), 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de chez soi. La vente aux enchères traditionnelle est très différente. De par ses coûts élevés et son échelle limitée, elle s’est traditionnellement concentrée sur l’art. On peut même la qualifier d’élitiste. Aucland ne joue pas le rôle d’un commissaire-priseur. Nous animons, encourageons, et facilitons les enchères. En revanche, nous n’avons pas de stocks, nous ne prenons pas possession des objets, et nous n’expertisons pas les objets vendus. A terme, serait-il possible pour Bernard Arnault de créer des synergies à partir de ses différentes participations dans ce domaine ? Comme tout bon capital-risqueur, Bernard Arnault va chercher à tirer parti de son positionnement dans le secteur et à susciter des rapprochements entre les sociétés, mais pas uniquement dans le domaine de la vente aux enchères. Par contre, il n’est pas certain que des synergies entre Aucland et les sociétés de ventes aux enchères traditionnelles puissent se développer. Quel est votre degré d’autonomie vis-à-vis de votre principal investisseur (Bernard Arnault, 50 % du capital) ? C’est moi qui dirige. C’est moi qui comprend le marché. L’équipe d’Arnault nous guide dans les domaines où réside sa valeur ajoutée : le design et la publicité. Aujourd’hui, je suis libre. Mais je dois tout de même obtenir des résultats. Une introduction en Bourse ne changera rien à cela. Le marché pourra-t-il vous laisser longtemps perdre de l’argent ? Nous serons rentables dans deux ou trois ans. D’ici là, nous allons perdre des centaines de milliers de francs. Pour être plus précis, nous tablons sur 300 à 400 millions de francs de perte pour les années 2000 et 2001. La commission que nous touchons sur les objets vendus est suffisante pour assurer notre profitabilité. Le calcul est assez simple. Nous avons environ 500 000 francs de frais d’exploitation. Avec une moyenne de 10 francs par objet vendu, nous devrons vendre au minimum 50 000 objets par mois. Or, eBay vend 400 000 objets par jour. Si l’on rapporte ce volume à la population française, six fois moindre, nous pouvons théoriquement compter sur un marché de 70 000 objets par jour ! Pensez-vous faire évoluer Aucland vers la vente de services aux portails généralistes, tels que Yahoo!, ou resterez-vous dans le secteur de la vente d’objets aux enchères proprement dite ? Aucland n’est pas prestataire de services pour des sites comme Yahoo!, et nous n’avons pas pour intention de devenir vendeur de solutions d’enchères. Le marché est suffisamment grand pour un site de vente aux enchères généraliste national, indépendant des portails. C’est également la voie choisie par eBay aux Etats-Unis. A ce titre, la principale source de revenus d’Aucland sera la commission sur les ventes. L’arrivée d’eBay en France pourrait-elle changer la donne ? eBay s’est développé dans un environnement non concurrentiel, et n’a pas eu besoin de faire d’efforts. Or, il n’est plus possible de s’introduire sur le marché français, sauf à disposer d’un milliard de francs. Pour qu’un nouveau venu obtienne la même visibilité que nous, il devrait dépenser 50 millions de francs en campagne publicitaire, pendant que nous en dépensons 5. Comment vous situez-vous par rapport au britannique QXL ou iBazar ? Je ne peux pas nous comparer à QXL. Leur métier consiste principalement à écouler les produits des soldeurs. Par ailleurs, sur QXL, les internautes voient tous les objets, sans distinction du pays du vendeur ou du pays de l’acheteur.
Pour nous, l’Europe reste un ensemble de nations très spécifiques auxquelles il faut s’adapter. Pour l’instant, nous nous partageons le marché français à cinquante-cinquante (*) avec iBazar. A terme, le gagnant sera Aucland, ou iBazar, voire eBay, mais sur ce marché, je le répète, ils n’ont pas d’avantage particulier. Comment assurer l’avenir de votre société ?Aujourd’hui, les internautes vont sur les sites les plus riches en produits. A l’avenir, cela ne changera pas. C’est pourquoi nous devons continuer à tisser des liens étroits avec les clubs de collectionneurs. Ensuite, le gagnant sera l’entreprise qui trouvera une solution pour sécuriser le paiement et assurer le transport des objets. Mais ce n’est pas pour demain.
Enfin, nous devrons être ultraspécifiques, et proposer aux habitants du quinzième arrondissement des objets de ce quartier. C’est pourquoi les autres concurrents potentiels d’Aucland pourraient être des sites de niche. eBay a pallié ce problème en créant des catégories. Nous avons commencé à faire de même. Si nous arrivons à proposer un choix suffisamment large, il sera inutile de créer d’autres sites.(*) Selon létude NetValue, les parts de marché respective de iBazar, Aucland et QXL sur le marché français sont de 86,5%, 7,5% et 5,5% pour janvier 2000.

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La rédaction