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Entre économie et droit, qui définit la règle ?

Sans rechercher si on associe le droit ou l’économie à l’État, il nous paraît nécessaire de voir ce que ces deux notions ont à voir avec l’État de droit, fondement de nos sociétés.

Depuis quelques mois, on voit fleurir livres, articles et conférences sur la régulation, et plus particulièrement sur le droit de la régulation. Cette effervescence, quasi printanière, est le reflet de celle du législateur, qui, ces dernières années, a multiplié des autorités administratives indépendantes en tout domaine : assurance, finances, télécoms, électricité, etc. Face à un tel inventaire à la Prévert, la réaction du “juriste botaniste” est de “jouer son Georges Perrec” pour tenter de penser et classer ces espèces.

Allier économie et droit

Ce juriste pense, légitimement, que cette tentative de recherche d’une cohérence permettra de redonner “au système juridique de l’ordre”, et ajoute que “cela pourrait conduire à une meilleure adéquation entre le droit et l’économie, alors même que celle-ci est de plus en plus hors de portée du pouvoir des États et qu’on associe fréquemment le droit à l’État”
(1). Sans rechercher si on associe le droit ou l’économie à l’État, il nous paraît nécessaire de voir ce que ces deux notions ont à voir avec l’État de droit, fondement de nos sociétés contemporaines. Pourquoi vouloir à “tout prix” concilier les deux, si l’on constate qu’il existe une opposition entre le droit et l’économie. Le mieux ne serait-il pas d’en rechercher la raison ?Cette volonté de conciliation pourrait être une simple volonté de reconquérir l’espace acquis par la seconde au détriment du premier dans l’établissement de la règle de droit elle-même. Mais faire une telle hypothèse reviendrait à dire que, dans le champ de l’élaboration de la règle de droit, droit et économie sont en concurrence et donc de natures pas si éloignées l’une de l’autre.Dire que leurs natures seraient proches revient alors à dire que le droit et l’économie, ou pour être plus précis la micro-économie telle qu’elle est requise par les autorités administratives indépendantes, sont tous deux des systèmes normatifs comme cela transparaît à travers les lignes de certains économistes, tels que Bernard Guerrien(2), mais aussi, plus récemment, sous la plume de Michel Henochsberg dans son livre intitulé La place du marché
(3). Ce dernier, dans sa critique du concept essentiel de la micro-économie qu’est le marché, déclare à propos de celui-ci : “Nous démontrerons qu’il n’existe pas d’activité économique sans marché qui la code : quand la première sort de son lit et recouvre l’essentiel des pratiques sociales, le second la suit fidèlement et offre sa surface comme miroir normatif de la société.”

La juste place

En fait, pour donner un autre exemple des rapports qu’entretiennent droit et économie, je vous livre une petite anecdote personnelle. Constatant, lors de la publication de mes chroniques, qu’elles étaient toujours placées en bas de page et que le haut était réservé à un économiste, j’en ai parlé au directeur de la publication. La réponse fut brève, mais explicite : “C’est la règle, l’économiste est toujours au-dessus du juriste. ” Id est.(1) 3 Marie-Anne Frison-Roche, ” Le droit de la régulation “, Dalloz 2001, no 7. L’auteur est professeur à Paris-Dauphine.
(2) ” La microéconomie “, Coll. Points, Éditions du Seuil. Bernard Guerrien est maître de conférence à Paris I.
(3) Éditions Denoël, octobre 2001. Michel Henochsberg est professeur déconomie à Paris X.
* Avocat à la Cour, Cabinet Coudert Frères

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Me Benoît de La Taille*