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Enki Bilal : « La science-fiction, c’est déjà le monde dans lequel on vit »

Auteur de l’exposition Mécanhumanimal actuellement au Musée des Arts et Métiers, le dessinateur Enki Bilal nous livre sa vision du futur des nouvelles technologies. Rencontre.

Un Homme hybride mi-animal/mi-machine, c’est ainsi que le dessinateur Enki Bilal imagine notre avenir dans son œuvre. Il a même créé un concept pour cela : Mécanhumanimal. C’est aussi le titre de son exposition au Musée des Arts et Métiers à visiter jusqu’au 2 mars. Il y présente des planches originales mais également des dessins et des toiles plus anciennes qu’il juxtapose avec des pièces sélectionnées par ses soins dans les réserves du musée. Rencontre avec un artiste qui pense le futur.

01net : La fusion de l’homme et de la machine est l’un des thèmes récurrents de votre œuvre. C’est aussi un sujet débattu aujourd’hui avec la montée en puissance du courant de pensée transhumaniste qui prône l’usage de la technologie pour améliorer l’être humain. Estimez-vous, en cela, avoir été un artiste visionnaire ?

Enki Bilal : Pas tout à fait. Je suis une éponge qui s’imprègne du monde d’aujourd’hui et je me documente. Parfois, je reproduis de manière inconsciente des choses que j’ai vues dans des livres ou des documentaires, par exemple. Mais j’ai aussi la liberté d’oser me lancer dans de la prospective, que ce soit dans l’aspect graphique ou géopolitique. Je n’aime pas le terme de science-fiction. Pour moi, la science-fiction, c’est déjà le monde dans lequel on vit.


01net : Vos dessins expriment une vision assez désespérée du futur. L’évolution de la high-tech est-elle forcément mauvaise pour l’homme, selon vous ?

Enki Bilal : Il ne faut pas prendre tout au premier degré. Il y a aussi beaucoup d’humour et de provocation dans ce que je fais. Et je ne cherche pas à démontrer quelque chose. Je joue sur mes propres peurs. C’est un moyen de tirer une sonnette d’alarme. Mais on est face à quelque chose de très excitant aussi. J’ai peur et à la fois je rêve de cette hybridation homme/animal/machine que j’ai imaginée dans mes dessins.


01net : Quels sont les dangers qui nous guettent ?

Enki Bilal : Nous avons ouvert une boîte de Pandore avec les nouvelles technologies. Elles progressent très vite et sont en train de nous dépasser. Le risque est d’en devenir esclaves ou que de nouveaux docteurs Mengele [un médecin nazi qui fit des expérimentations dans les camps, NDLR] apparaissent. Les théories transhumanistes sont, à ce sujet, inquiétantes. Et c’est dans le domaine de la médecine que les choses sont le plus spectaculaires. Jusqu’où irons-nous ? Eviterons-nous demain toute maladie ? Serons-nous capables de nous passer de la procréation pour nous reproduire ? N’allons-nous pas perdre toute humanité avec ces « progrès » ?


01net : Quel utilisateur de high-tech êtes-vous ?

Enki Bilal : J’ai un smartphone et un iPad. Mais je les utilise probablement à 1% de leurs capacités. Et je ne suis pas du tout sur les réseaux sociaux. Concernant mon métier, j’utilise des logiciels sur mon ordinateur pour monter mes films ou pour recadrer mes images, par exemple, mais je ne crée pas du tout à la palette graphique. J’ai encore besoin de la sensualité du papier pour peindre ou dessiner ….

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Amélie Charnay