Le taux d’abstention inédit de ce premier tour de la présidentielle et ses fâcheuses conséquences pour la République relanceront peut-être, pour les prochaines législatures, l’utopie tâtonnante du vote électronique. Si la gauche, jusqu’ici, se méfiait de ce qu’elle appelait péjorativement “la démocratie presse-bouton”, peut-être sera-t-elle amenée, après le camouflet qu’elle vient de subir, à revoir ses positions. On sait que pour cette élection, un bureau de vote de Mérignac a reçu un avis favorable de la Cnil pour étudier la fiabilité du système de sécurité de vote électronique, mis en place par les sociétés Siemens et France Telecom. Pas de quoi encore grimper aux rideaux : le code électoral ne prévoyant pas ce genre de scrutin, les électeurs qui s’y prêtaient devaient voter deux fois : une fois par ordinateur, et une deuxième fois dans l’isoloir pour que leur choix soit validé. Toutefois, l’expérience sera réitérée lors des législatives dans une autre commune, celle de Vand?”uvre-les-Nancy. L’Italie et l’Angleterre elles aussi ont expérimenté le vote électronique, des directives européennes poussant dans ce sens. Mais revenons en France. “Un coup de tonnerre “, a déclaré Jospin, à propos de ce premier tour de la présidentielle qui l’aura carbonisé direct. Autrement dit, un vote électrique. Le vote électronique pourra-t-il demain ou après-demain remplacer le vote électrique ? Saura-t-il sauver des démocraties flageolantes qui, au lieu d’aller à la pêche de leurs électeurs, poussent leurs électeurs à aller pêcher le jour du scrutin ? C’est chez les cadres, prétendent les sondeurs, que le taux d’abstention a été le plus grand. Chez les cadres, autrement dit chez ceux qui, majoritairement, possèdent internet. Difficile d’imaginer qu’un jour, le fait de voter ne soit pas accompagné d’un effort, se déplacer jusqu’au bureau de vote, et de quelques gestes : s’enfermer dans l’isoloir, choisir son bulletin, le sceller dans une enveloppe, le glisser dans l’urne. Le vote électronique n’est qu’une paresseuse façon de lutter contre la paresse démocratique. Il est permis de penser que nous l’adopterons avant de nous apercevoir quil ne sauve démocratiquement rien.* Journaliste et essayiste
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