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Des zones d’ombres subsistent

A quelle sauce TPG va-t-il manger Gemplus ? – Le cas Alex Mandl – Que valent vraiment les brevets de Gemplus ? – Quid de la situation financière de Gemplus ?

A quelle sauce TPG va-t-il manger Gemplus ?

A l’origine de TPG prévaut un coup financier. Celui de David Bonderman, brillant homme d’affaires américain qui en 1993 rachète la compagnie aérienne Continental Airlines 66 millions de dollars pour la revendre 5 ans plus tard 700 millions.Très secret, TPG n’indique pas les sommes gérées par ses soins, ni d’où proviennent les fonds. L’attaché de presse indique laconiquement que l’ensemble des actifs se montent à 10 millions de dollars. Mais une chose est sûre, le “coup” de TPG dans Gemplus n’a pas pris la tournure espérée.Les 26 % du capital de Gemplus achetés 558 millions de dollars en 2000, ne valent aujourd’hui qu’un peu plus de 120 millions de dollars. Pour TPG la question n’est donc plus de savoir comment gagner de l’argent dans cette opération, mais plutôt comment ne pas en perdre.On comprend mieux l’attitude de TPG qui n’hésite pas à faire preuve d’autoritarisme pour imposer ses vues. Et notamment, imposer le nouveau président de Gemplus, Alex Mandl. A ce dernier incombe désormais la tache de reprendre en main Gemplus pour offrir à TPG une sortie financière décente.Soutenu au conseil d’administration par l’allemand Quandt qui compte sur lui pour redresser la barque, TPG contrôle désormais Gemplus, bien qu’il soit largement minoritaire dans le capital. Espérons qu’après l’ère houleuse de Antonio Perez et Ron Mackintosh eux aussi mis en place par TPG, Alex Mandl affichera un meilleur bilan. Mais au bénéfice de qui ?

Le cas Alex Mandl

Alex Mandl intronisé à la tête de Gemplus, c’est la peur de la main-mise de la CIA sur le groupe français qui inquiète les salariés. Au mieux, le choix de TPG de mettre en place Alex Mandl est maladroit, au pire, il est le préambule au transfert des technologies de Gemplus aux Etats-Unis.Mandl est réputé pour avoir fondé et présidé l’opérateur de télécommunications américain Teligent entre 1996 et 2001 avant de mettre la clé sous la porte pour cause de faillite. Auparavant, il avait travaillé chez AT&T, comme Président et Directeur des Opérations.Jusque là, son CV est plutôt flatteur, en dépit qu’il n’ait aucune expérience dans le domaine de la carte à puce. Mais TPG veut à la tête de Gemplus un homme capable de mettre en place une gestion “à l’américaine”. Et comme peu d’américains ont l’expérience du secteur…Mais la méconnaissance de Mandl du secteur ne fait pas peur à TPG. Le fonds d’investissement américain veut rationaliser l’entreprise. Le projet industriel passera après. Dans cette optique, Mandl pourrait donc bien être l’homme de la situation, celui qui peu à peu démantèlera les sites français pour concentrer la production à l’extérieur de Gemplus France. Dès lors, Gemplus International sera beaucoup plus ” manoeuvrable ” pour l’actionnaire américain.Mais les inquiétudes au sujet d’Alex Mandl ne s’arrêtent pas à son style de management. Son passé fait aussi état d’étroites relations avec la CIA. Une est certaine, Mandl est un des administrateurs du fonds d’investissement In-Q-Tel depuis sa création en 1999. In-Q-Tel est un investisseur privé intégralement financé par la CIA dont le budget annuel est officiellement de 30 millions de dollars par an.En outre, des rumeurs font aussi état de l’utilisation du réseau de l’opérateur de télécommunications Teligent créé par Alex Mandl par Echelon. Le système d’interceptions de communication américain.Même si Mandl était plus lié à la CIA qu’il ne le dit, cela ne prouve pas qu’il soit téléguidé par l’agence de renseignement américaine. Surtout, le débat reste ouvert sur le véritable intérêt stratégique de la superpuissance américaine de s’emparer des brevets de Gemplus…

Que valent vraiment les brevets de Gemplus ?

Rien, selon les éléments recueillis dans notre enquête. Ou plutôt, pas grand chose. Selon le dirigeant d’un des principaux concurrents de Gemplus, si ce n’est ceux déposés par Bull et Moreno, les brevets liés au marché de la carte à puce n’ont jamais eu grande valeur.Ainsi, il s’agit pour la plupart de brevets défensifs qui permettent à chacune des sociétés du secteur de ne pas se faire attaquer par un concurrent pour avoir utilisé une technologie sensiblement équivalente. Même son de cloche du côté d’un analyste financier habitué à disséquer et estimer les actifs d’une entreprise. ” Cette histoire de brevets, c’est un mythe complet ! Tous les brevets de valeur sur les technologies de carte à puce sont tombées dans le domaine public. La principale valeur de Gemplus comme de ses concurrents, c’est son expertise industrielle. “Pour un ancien dirigeant de Gemplus, ce n’est pas les brevets qui ont de la valeur, mais les technologie non brevetées. ” Déposer un brevet revient à rendre la technologie publique pour obtenir une protection financière. Les technologies les plus sensibles de Gemplus n’ont justement pas été déposée afin de les garder secrètes “.Pourtant, en interne un employé du service de cryptologie, qui emploie 70 personnes, émet un autre son de cloche : ” Les algorythme de cryptage que nous utilisons sont standards. Ce sont des sociétés comme Thomson ou Infineon qui s’occupent de l’encryptage “.De leurs côtés, les représentants du personnel continuent d’affirmer que la DST a déjà bloqué plusieurs fois des tentatives des dirigeants américains de transfert de technologies aux Etats-Unis…

Quid de la situation financière de Gemplus ?

Sur ce point, les analystes financiers sont unanimes : Gemplus est dans une mauvaise passe. La société a essuyée ses premières pertes en 2001 (- 100 millions d’euros), et l’année 2002 s’annonce encore pire, aux environs de 180 millions d’euros selon des sources internes. Pour 2003, les analystes tablent pour la plupart sur une nouvelle perte quelque peu supérieure à 23 millions d’euros, avant un retour à la rentabilité.De plus, la trésorerie de Gemplus qui se montait à 950 millions d’euros fin 2000 est tombée à 294 millions d’euros à la fin août 2002, soit une chute de 650 millions d’euros en 18 mois. En ajoutant la plus-value de 140 millions d’euros réalisée avec la vente de Skidata en juin 2001, cela fait près de 50 millions d’euros de pertes chaque mois. Un rythme dangereux.Toutefois, avec presque 300 millions la société dispose d’une trésorerie que beaucoup pourrait lui envier. De quoi lui permettre de se restructurer pour repartir sur des bases plus saines. Et surtout, elle reste le numéro un mondial de la carte à puce, notamment dans la téléphonie mobile. Ses parts de marché lui procurent donc une marge confortable pour se relancer.Sa situation ne serait donc pas très inquiétante si ses actionnaires n’étaient pas en but à des querelles de pouvoir qui brouillent l’horizon de l’entreprise. ” Si j’étais un actionnaire minoritaire, précise un analyste spécialiste de la valeur, je vendrais mes parts quelque soi l’offre que l’on me fait. On peut survivre 6 mois dans cette situation, mais pas deux ans … “Plusieurs évoquent ainsi la possibilité d’une OPA sur la société. Le cour de l’action de la société est inférieur à 1 euros, contre 6 à son introduction. L’affaire pourrait s’avérer financièrement très intéressante. Surtout, une OPA permettrait de faire le ménage au board de la société et rendrait la sérénité aux employés et aux équipes dirigeantes.Car ” cest bien de calme et de stabilité dont manque le plus Gemplus “, conclut un analyste.

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Frantz Grenier