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Des neurones artificiels au service des processeurs de demain

Nos futurs ordinateurs pourraient gagner en efficacité énergétique et en capacité d’apprentissage grâce à une nouvelle génération de puces reproduisant les impulsions nerveuses du cerveau humain. C’est ce à quoi travaillent des chercheurs d’IBM.

Notre cerveau ne consomme en moyenne que 10 Watts pour traiter des informations, quand les premiers superordinateurs Watson d’IBM avaient besoin de 80 Kilowatts pour fonctionner. L’homme est en effet capable de stocker de l’énergie en réserve lorsque ses neurones sont sollicités, contrairement aux machines.

Partant de ce constat, une équipe de cinq chercheurs d’IBM, dirigée par Evangelos Eleftheriou, s’est fixé pour objectif de construire un processeur capable de reproduire les impulsions nerveuses de notre cerveau à partir d’une population de neurones artificiels. Le but étant d’obtenir une nouvelle génération de puces plus petites, plus rapides et avec un meilleur rendement énergétique.

Mais ce ne serait pas le seul intérêt de ce type de dispositif, loin de là, comme le démontre leur article paru dans la revue Nature Nanotechnology.

L'équipe d'IBM Research composée d'Abu Sebastian, Evangelos Eleftheriou, Tomas Tuma, Angeliki Pantazi et Manuel Le Gallo.
IBM Research – L’équipe d’IBM Research composée d’Abu Sebastian, Evangelos Eleftheriou, Tomas Tuma, Angeliki Pantazi et Manuel Le Gallo.

Les neurones artificiels sont capables d’apprendre par eux-mêmes

L’équipe d’IBM a donc développé et fait fonctionner la version artificielle d’un neurone. Avec des résultats qui sont allés au-delà de leurs espérances. « Nous avons utilisé un neurone connecté à 1000 synapses et juste avec cette architecture-là, qui est extrêmement simple, nous avons prouvé qu’il était possible de détecter des corrélations temporelles dans des différents flux de base de données d’événements », détaille Manuel Le Gallon, doctorant à IBM Research Zurich.

En clair, ce type de dispositif ne présente pas pour seul intérêt d’être moins énergivore que les systèmes actuels. Exactement comme leurs modèles biologiques, les neurones artificiels ont pour particularité d’être stochastiques, c’est-à-dire qu’ils produisent, au hasard, des résultats imprévisibles. Pourquoi est-ce intéressant ? Parce que cela leur donne la capacité d’apprendre de façon non supervisée, ouvrant la voie à des applications dans le Big data et les objets connectés, d’après le blog d’IBM Research.

Autre avantage de ces neurones artificiels, ils stockent et traitent l’information au même endroit. « Les performances des ordinateurs actuels sont limitées parce que le processeur a toujours besoin d’accéder à la mémoire pour traiter les informations. L’intérêt du réseau de neurones artificiels c’est de stocker et de traiter les informations à l’intérieur d’une seule et même entité », confirme Manuel Le Gallon.

Des matériaux que l’on retrouve dans les Blu-Ray

Pour constituer ces neurones artificiels, nos scientifiques ont utilisé des matériaux à changement de phase. « Ce sont des matériaux qui peuvent basculer entre une phase cristalline et une phase amorphe sous l’effet d’un courant électrique ou de la lumière », nous explique Manuel Le Gallon. « Ils sont utilisés par exemple dans les DVD et Blu-ray pour coder l’information, en utilisant un laser », ajoute-il.

L’équipe d’IBM a dessiné un circuit intégré complet permettant de réaliser les impulsions nerveuses et de connecter les neurones artificiels entre eux à l’intérieur d’une population, mais sans aller jusqu’à construire une véritable puce. Elle a, en revanche, utilisé de réelles mémoires à changement de phase pour toutes les démonstrations afin de prouver la viabilité du concept de façon expérimentale.

Des neurones développés à partir de matériaux à changement de phase.
IBM Research – Des neurones développés à partir de matériaux à changement de phase.

Pas de prototype avant 5 ou 10 ans

Ces premiers pas sont plein de promesses mais les chercheurs se gardent bien de tout triomphalisme. D’abord parce qu’ils savent qu’il va falloir encore du temps pour aboutir à un premier prototype de processeur. Pas avant cinq à dix ans. Ils espèrent, par ailleurs, que ce projet séduira des partenaires afin que ces derniers développent des produits à partir de cette technologie.

Autre limitation, les neurones artificiels obtenus ne stockent et traitent l’information que sous forme analogique, ce qui exclut certaines opérations nécessitant une représentation très précise des nombres.

Les processeurs actuels ne pourront donc être remplacés totalement par cette nouvelle génération qui se chargera de certaines tâches spécifiques comme la recherche d’un contenu à l’intérieur d’une image, par exemple. Associée aux travaux d’IBM, l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich espère, elle en tirer des enseignements sur le fonctionnement du cerveau.

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Amélie CHARNAY