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Débat sur la biométrie : interview face à face

A quelques jours de l’examen du texte qui restreint l’usage de la biométrie, le sénateur Gaëtan Gorce nous explique pourquoi il propose cette loi. Face à lui, le juriste Thiébaut Devergranne s’oppose à ce projet.

Le groupe socialiste du Sénat propose de modifier la Loi informatique et libertés concernant la biométrie. Une proposition de loi (voir le texte en bas de l’article) a été déposée pour en limiter l’usage et adoptée à l’unanimité par la commission des lois du Sénat. Le texte doit être examiné devant le Parlement le 27 mai prochain. Rappelons que l’usage personnel de la biométrie comme moyen de s’identifier, avec l’iPhone 5S par exemple, n’est pas soumis à la loi.

Gaëtan Gorce est pour

Gaëtan Gorce est maire de la Charité sur Loire et sénateur socialiste de la Nièvre. Il est l’initiateur de ce nouveau texte.

01net : Pourquoi cette proposition de loi ?

Gaëtan Gorce : Je suis membre de la CNIL depuis 2011. J’étais donc bien placé pour constater qu’il y a un vide dans la Loi informatique et libertés de 1978, modifiée en 2004. Et un cas en particulier m’a alerté : celui de cette cantine scolaire où les élèves doivent se faire scanner le contour de la main pour entrer. J’ai trouvé ça complètement disproportionné.

Que changerait votre texte ?

Je souhaiterais que le recours à la biométrie pour des raisons de confort ne soit plus possible et qu’on la restreigne à une nécessité de sécurité, comme l’accès à une centrale nucléaire, par exemple.

Que répondez-vous à ceux qui critiquent la façon dont est rédigé votre texte ?

Je ne suis pas juriste, je me considère plutôt comme un artisan. Bien entendu, ce texte demande à être affiné. Le plus important pour moi, c’est de provoquer un débat et une prise de conscience : les données biométriques sont tirées du corps humain et doivent, à ce titre, être protégées. Sommes-nous prêts à étendre leur usage sans débat politique et sans que le parlement ait pu trancher cette question ? Est-ce normal ? Est-ce incontournable ? Il s’agit là quasiment d’une question presque philosophique.

Thiébaut Devergranne est contre la loi

Thiébaut Devergranne est docteur en droit et consultant, spécialisé en droit des nouvelles technologies. Il se prononce contre cette proposition de loi.

01net : Que reprochez-vous à cette proposition de loi ?

Thiébaut Devergranne : Elle est mal rédigée. Je ne comprends pas ce que veut dire « un enjeu majeur dépassant l’intérêt strict de l’organisme », par exemple. [voir le texte de loi ci-dessous] Tout cela manque de rigueur : les termes employés n’ont pas de valeur juridique, contrairement à ceux employés dans la Loi informatique et liberté.

Et concernant l’esprit du texte ?

La loi actuelle encadre rigoureusement et restreint déjà fortement l’usage de la biométrie qui ne doit pas être « disproportionnée ». Les données doivent être « adéquates, pertinentes, non excessives ». Leur collecte doit être « loyale, explicite et légitime ». Etait-il bien utile et urgent de se pencher de nouveau sur la biométrie ? Il y a d’autres problèmes plus graves, comme les amendes trop faibles infligées par la France aux sites américains qui ne respectent pas la réglementation sur les données personnelles, par exemple.

Pourquoi ne souhaitez-vous pas que l’usage de la biométrie soit circonscrit à des raisons de sécurité ?

D’abord, il y a des cas légitimes pour y recourir qui ne relèvent pas forcément de la sécurité. Ensuite, cette limitation risque de porter un coup économique à toutes les entreprises françaises qui travaillent dans le secteur de la biométrie, qui se porte bien dans notre pays. Ce sont donc des emplois qui sont potentiellement menacés.

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La carte d’identité biométrique remise en question 14/06/2012

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Amélie Charnay