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De frais circassiens

Fini la querelle des Anciens et des Modernes ! À peine a-t-il gagné ses lettres de noblesse (et un public) que le cirque contemporain, beau joueur,…

Fini la querelle des Anciens et des Modernes ! À peine a-t-il gagné ses lettres de noblesse (et un public) que le cirque contemporain, beau joueur, choisit de faire la paix avec son illustre ancêtre, le cirque de grand-papa. À l’image de Cyrk 13 (*)?” adoration autant que parodie de la Piste aux étoiles ?” spectacle de fin d’année de la treizième promotion du Centre national des arts du cirque (Cnac), l’école référence en matière de renouveau de la création circassienne. Depuis 7 ans, le Cnac invite un professionnel du spectacle pour piloter la sortie de piste de ses étudiants et mixer l’univers du cirque à celui de la danse et du théâtre. Aux commandes de cette édition 2002 : le chorégraphe Philippe Découflé ( http://cie-dca.com), qui égaya de ses drôles de lutins les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques d’hiver de 1992, et dont le dernier spectacle, Shazam, eut les honneurs de l’Opéra de Paris en ce début d’année.

Découflant

Chantre du corps et de la couleur, artiste introverti aux créations pourtant débridées, Découflé insuffle sa poésie mi-sensuelle, mi-comique à l’énergie juvénile de ces onze garçons et trois filles. Le cirque est-il une performance, une technique ? Le cirque, comme la danse, révèle le génie du muscle lorsqu’il est guidé par le c?”ur et l’âme. “Je vais vous parler de mon corps”, annonce l’un des artistes : tour à tour, les quatorze étudiants s’exhibent, mettent en branle leur anatomie, font vibrer leur chair. Et révèlent par là même leur personnalité profonde. Un jeune homme, les fesses en l’air, se déshabille, mains en équilibre sur deux barres. Deux éphèbes à moitié nus jouent les contorsionnistes, tandis qu’un troisième fait des sauts carpés. Une fille en nuisette s’amuse à faire des galipettes. Tous se sont dévoilés : le show peut commencer. Place au spectaculaire ! Place à l’émotion ! Sauts périlleux depuis une balançoire russe, pas de deux sur un fil, défilé au mât chinois, acrobaties sur un vélo à bascule, équilibres à la sangle…Pas de doute, ces étudiants-là ont domestiqué leur carcasse. Tout en cultivant leur sens de l’humour : un Finlandais, peau diaphane, yeux ronds, sourire de Père Nöel et veste étriquée écarlate, jongle (brillamment) avec quatre et cinq puis six boules blanches, tandis que son assistante, espiègle Sud-Américaine en tutu, fait le ménage avec une épuisette. Plus tard, c’est toute la troupe qui parodie l’imagerie du cirque traditionnel, se muant en lion, gorille ou tigre, pour pallier l’absence d’animaux dans le cirque contemporain. Plus charmant : cinq d’entre eux se suspendent aux barres métalliques de la balançoire russe, et virevoltent, Icare des chapiteaux, aux sons de cui-cui d’oisillons…Il faut saluer l’excellente bande-son d’Olaf Hund (des extraits de son dernier album, Kitch, kitch sont en écoute sur www.mcm.net/news/index.php/21665/), qui nous balade de l’accordéon des faubourgs parisiens aux sons électroniques des clubs branchés, en passant par des rythmes espagnols, des bruitages, du hip-hop… Un cocktail détonant, fantaisiste, ludique, comme ce cirque mi-ancien, mi-moderne, qui mérite mieux que sa réputation (déclinante ?) d’art mineur.(*) ” Cyrk 13 “, à La Villette, à Paris, jusqu’au 3 février. 01 40 03 75 75, www.la-villette.com, et du 19 au 23 mars au Manège, à Reims.

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Sophie Janvier-Godat