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Dans les arcanes de Wikipédia

Dix ans après sa création, Wikipédia est devenue la seule encyclopédie libre ouverte à tous. Pourtant, son modèle économique basé sur le don, et son contenu parfois aléatoire, suscitent encore des interrogations.

Vieux rêve altruiste communautaire mis au service du savoir mondial ou arnaque culturelle pour influencer les masses et récolter de l’argent ? La question revient à chaque fois que l’on s’intéresse à Wikipédia. Il y a d’un côté les pour, de plus en plus nombreux, et de l’autre, les contre, de plus en plus radicaux. Les profiteurs qui pillent les contenus pour rédiger des textes à bon compte, et les méfiants qui dissèquent les définitions à la virgule près.Reste les faits : créée en janvier 2001 par Jimmy Wales, un financier américain, sur une idée de Larry Sanger, un docteur en philosophie, cette encyclopédie libre, coopérative et multilingue est devenue le seul site généraliste de contenu à dimension mondiale. Il fonctionne comme un réseau social gratuit, ouvert à tous, basé sur le bénévolat et financé par le don volontaire.Avec en moyenne plus de 18 millions d’articles consultés par 370 millions de visiteurs uniques (19 millions en France) et disponible en 250 langues, Wikipédia se placerait à la huitième place du classement mondial des sites les plus fréquentés (sixième place en France) selon Alexa, le spécialiste des statistiques du Web. Une réussite quantitative qui s’explique par une simplicité de fonctionnement en Wiki, un système de gestion de contenu animé par un moteur spécialisé.

192 bénévoles pour corriger

Wikipédia utilise MediaWiki, un Wiki développé par ses propres informaticiens et ouvert à tous. Ainsi, toutes les pages de l’encyclopédie peuvent être créées ou modifiées instantanément par chaque visiteur. Il suffit de cliquer sur l’onglet Modifier pour aller dans le texte d’origine et, avec une syntaxe simple, modifier le contenu, enrichir la présentation, changer la mise en page ou insérer des liens. Comme tout Wiki, le site conserve la trace des modifications, notamment pour récupérer des données supprimées ou altérées abusivement par un “ vandale ”. Cet historique est consultable en cliquant sur l’onglet Afficher l’historique.La sécurité et la validité du contenu sont assurées par des administrateurs dotés de droits supplémentaires. Baptisés “ admin ” ou “ sysop ”, choisis par consensus et élus par tous les internautes référencés sur le site, ils sont 192 bénévoles en France à pouvoir corriger, supprimer ou bloquer les contenus erronés ou litigieux. Et ça marche, comme en témoigne le nombre de contributions qui progresse tous les jours. Dans le classement mondial, le site francophone se place troisième (avec 1,1 million d’articles), derrière les versions anglaise (3,6 millions) et allemande (1,2 million), devant la polonaise et l’italienne (790 000). Un succès populaire aussi puisque les langues régionales comme le basque, l’occitan, le breton, le corse et même le picard ont leur propre encyclopédie. Tous ces textes sont libres de droits d’auteur sous licence Creative Commons. Ce qui signifie que le contenu de l’encyclopédie est bénévole, réutilisable librement, même pour des usages commerciaux, sous réserve de citer le projet Wikipédia comme source.

Aucune garantie de fiabilité

Cette réussite quantitative ne signifie par forcément que la qualité soit au rendez-vous. Bien au contraire, estime Alithia (la vérité en grec) sur son blog wikipedia.un.mythe.over-blog.com où il pointe les textes approximatifs, voire tendancieux. Exemple avec ses critiques sur la fiche consacrée au Front national, dont la tiède neutralité ferait l’impasse sur l’essentiel des idées et du programme de ce parti, ou encore sur Nicolas et Jean Sarkozy, dont les biographies seraient trop flatteuses.Certes, ces démonstrations témoignent d’un certain parti pris systématique, mais certaines remarques sur la pauvreté de certaines fiches, les insuffisances de contenu, ou la vision occidentale du monde font mouche. Alithia, qui se dit professeur de philosophie, reste injoignable et anonyme. En tout cas, il ne répond pas aux sollicitations qu’il ne suscite pas. Dommage ! “ Wikipédia ne garantit pas le contenu mis en ligne ”, assure le site sur sa page d’accueil. On n’en attendait pas moins car, au vu de son mode de fonctionnement, son contenu ne peut être présenté que comme “ sans garantie de fiabilité ”.

Très bien référencée sur Google

Quant à l’excellent référencement de Wikipédia sur Google, il reste un mystère. Les dirigeants de Wikimédia (lire interview page 25) reconnaissent que le moteur de recherche leur verse des dons mais ignorent pourquoi leurs pages apparaissent en haut de liste pour les termes scientifiques ou les noms de personnalités. “ Sans doute grâce à l’excellente fréquentation naturelle du site ”, avancent-ils. Pourtant, Google génère près de la moitié de son trafic.Il reste que, avec une telle fréquentation et un fonds documentaire particulièrement riche, Wikipédia est utilisé et rend service. De nombreux élèves, des étudiants, des auteurs ou des journalistes y puisent leurs sources. En témoignent les pointes de fréquentation observées sur les pages en lien avec l’actualité : le Japon, les centrales nucléaires, la Libye, l’économie portugaise ou ivoirienne sont en tête des consultations. Il appartient aux utilisateurs de juger et de vérifier la qualité des fiches et, à défaut, d’en corriger le contenu. Car il faut utiliser cette encyclopédie simplement pour ce qu’elle est : un vaste réseau social de partage des connaissances où se côtoient des chercheurs, des penseurs, des universitaires et des “ monsieur tout le monde ”. Surtout, un espace où les mises à jour se font instantanément par des dizaines de milliers d’auteurs.

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Jacques Rolland